«Le hasard n'a jamais encore satisfait les espoirs d'un peuple qui souffre» Marcus Garvey Les élections législatives du 10 mai ont eu le mérite d'éclaircir le paysage politique. A présent, nous avons à notre disposition une bien meilleure visibilité des forces en présence sur la scène nationale. Le FLN remportant 220 sièges confirme son enracinement à travers l'ensemble du territoire, et c'est loin d'être un détail sachant qu'aucun parti n'est capable de s'assurer une aussi ample couverture territoriale pour s'adjuger des voix. Le premier constat est que ces élections, n'en déplaise aux islamistes, ainsi qu'à leurs sèves nourricières, ou organisations politiques rentières, ont été transparentes, conformes aux standards internationaux, crédibles, démocratiques, bien organisées d'après les rapports des observateurs étrangers ; ensuite, de par les déclarations faites à la presse nationale et internationale par les témoins directs qui avaient été délégués par l'Union européenne, l'Union africaine, la Ligue arabe, un certain nombre de représentants de la société civile, puis évidemment par le suivi réalisé par la presse tant nationale qu'internationale. La légitimité de l'actuelle Chambre basse ne saurait souffrir aucune remise en cause, sous quelque accusation que ce soit, pour justifier la déroute des partis islamistes, ou leurs alliés indirects qui ont lors de la campagne électorale volontairement surdimensionné leur score, au point où les ténors de l'Alliance verte s'étaient permis le luxe de s'entendre pour désigner lors d'une réunion tenue à l'hôtel Sofitel d'Alger un gouvernement avec comme Premier ministre Ghoul, d'après des sources concordantes. Tactique électorale, chantage vis-à-vis du pouvoir, ou irresponsabilité politique du parti AA Verte, il n'en demeure pas moins que le fait d'avoir vendu l'ours avant de l'avoir tué, a été pour les partis islamistes, à l'annonce des résultats officiels, une occurrence telle qu'ils n'ont pu subir l'inconsistance des démesures de leurs ambitions. La douche froide subie par la mouvance islamiste les a littéralement frigorifiés sur le moment, au point où les déclarations de B. Soltani sur le plateau de Nessma laissaient clairement entendre que le chef de l'AA Verte reconnaissait sa défaite, et la large victoire du FLN. Plusieurs observations mettent à mal les thèses de ceux qui avancent que les élections étaient truquées. Premièrement, nous avons constaté dans la majorité des bureaux de vote que nous avons visités l'absence des surveillants -militants des partis criant aujourd'hui au scandale. Si les partis faute de militants, n'arrivent pas à avoir des renseignements précis, et des PV cosignés par leurs représentants, de se poser la question sur quelle base pourrait reposer la contestation. Des «FLNistes» ont voté blanc ou pour Ghoul Au niveau du microcosme que nous avons couvert, une autre interrogation vient des résultats apparus lors du décompte des voix, celle de deux écoles qui traditionnellement votaient FLN, en l'occurrence Ahmed-Sékou-Touré et Mohamed-Mada, toutes les deux implantées dans la circonscription de Sidi M'hamed à Alger. Les électeurs inscrits dans ces deux écoles auraient arrêté leur choix sur la liste conduite par Ghoul, en signe de protestation envers des promesses jamais tenues par le président de l'Apc de ladite commune pour leur relogement. Ce vote sanction qui s'est porté sur l'Alliance verte par l'électorat du FLN a été orienté également sur la liste conduite par M. Chihab, tête de liste du RND, sinon, il se serait exprimé en bulletin blanc, sur recommandation de quelques élus FLN qui sont depuis quelque temps entrés en conflit ouvert avec la mouhafada. Le constat est qu'au niveau de l'échantillon de Sidi M'hamed, si trafic avait été décidé, l'Alliance verte n'aurait jamais pris Alger, parce que ses militants étaient absents lors du dépouillement, et de l'opération de vote dans pas mal de bureaux d'après ce que rapportent les chargés du déroulement du scrutin. L'écart n'a été que de 130 voix environ entre l'AAV et le FLN. Vers 15 heures, les militants FLN ont été informés des choix allant vers leurs adversaires ; ils n'ont cependant exercé aucune pression sur les responsables des bureaux de vote pour changer le verdict. Les agents de l'administration chargée des élections ont déclaré qu'ils n'avaient subi aucun mot d'ordre, ni aucune pression et que les élections étaient libres et transparentes. De déduire que si le FLN avait décidé de frauder, ce ne sont pas les quelques militants itinérants qui se déplaçaient d'une école à l'autre pour recueillir les taux de participation qui auraient pu les empêcher. D'aucuns avanceraient que le vote de l'armée a fait la différence. Même si nous prenons en compte l'éventualité que les militaires auraient tous voté pour le FLN, il resterait 19 millions de voix à briguer pour les partis qui sont entrés en lice. Il n'y a rien globalement de bizarroïde dans le résultat de ces élections, il faudrait aller chercher plutôt ce qui a motivé ce vote refuge qui est allé vers le FLN. La faiblesse des propositions, parfois leur caractère grotesque, a été déterminante dans ces élections. La maturité du peuple et ses expériences des surenchères politiques creuses ont façonné un électorat qui est loin d'être maboul. Un vote refuge La volte-face pour dénoncer des manipulations massives du scrutin ne trouverait donc nulle part des exploitations logiques pour inverser un choix populaire prévisible, qui, surtout et avant tout, était commandé par un vote refuge. Le discours du Président de la République à Sétif a également eu une importante part d'influence sur le verdict populaire, plus particulièrement sur celui des indécis. Les votants majoritairement ont sélectionné la sécurité, la stabilité, la poursuite du programme présidentiel, et la paix sociale, avant toute autre considération. La majorité silencieuse regroupant en son sein la masse des jeunes, faute d'un programme politique et économique les motivant, a préféré s'abstenir, en attendant qu'un programme plus consistant réponde à ses besoins. Quant à l'électorat du FIS dissous que d'aucuns ont inclus dans le décompte des adeptes du «printemps arabe» pour faire un score sans appel au profit de l'Alliance verte, là aussi, les prévisions du ralliement des frérots du parti dissous ont fait défaut, car ces derniers restant partisans de la mouvance salafiste considèrent que les «islamistes modérés de l'AA Verte» sont avant tout «des collaborateurs du pouvoir». Le mode du scrutin et l'éparpillement des voix avec l'inscription dans la course électorale des petits partis anciens ou nouveaux, et des candidatures indépendantes a joué un rôle important en faveur du FLN. Il y a 80 sièges qui auraient pu changer la configuration du champ politique. Plus globalement, l'esprit de ces élections a fait apparaître une percée appréciable des sensibilités démocratiques, comme en témoigne l'excellent score réalisé par le Front des forces socialistes qui a pris 21 sièges, par le Parti des travailleurs avec 20 sièges, les indépendants avec 19 sièges, quoique 17 d'entre eux soient d'anciens cadres du FLN, le Front national algérien (FNA), le Front justice et développement (FJD) , ou le Mouvement populaire algérien (MPA) ; ces derniers ont obtenu respectivement neuf, sept et six sièges dans la prochaine Assemblée, en dépit du fait qu'un parti comme le MPA a été agréé il y a moins de trois mois. Le discours pernicieux qui ne repose que sur les aléas, et la propagande n'a pas été entendu. Les Algériens ont voté massivement utile, n'en déplaise aux éternels sbires du néocolonialisme, et de l'impérialisme culturel et économique, autrement, les électeurs ont rejeté les mystifications des candidats immobilistes qui ont créé des fonds de commerce, plutôt que des partis politiques. Malgré les insuffisances en matière de gestion, et la présence de certaines personnalités nuisibles aux efforts de développement, encore une fois, les Algériens ont fait preuve de distinction entre les projets hasardeux, où la lumière de l'esprit est exclue, et un programme présidentiel qui a fait reculer le chômage, qui a assaini les dettes, qui a accéléré les investissements publics à grande échelle, tout en maintenant un confortable matelas financier en devises représentant près de 200 milliards de dollars pour assurer la construction d'une Algérie moderne. Le projet islamiste n'a d'écoute que dans les sociétés opprimées. Ne pas croire que la spécificité algérienne est bourrée de maturité politique serait faire de graves erreurs de jugement envers les aspirations d'une jeunesse restant profondément patriotique, malgré les méprises de certains conservateurs agissant en roitelets dans notre république. A présent le véritable enjeu pour gagner les prochaines échéances électorales, se situe dans la mobilisation de cette opposition silencieuse représentant 57% de l'électorat, n'ayant pas cru utile de se déplacer vers les urnes, car, si le cœur n'y étaient pas, c'est que les bêtabloquants de la désexcitation ont été plus importants que les propositions contenues dans les programmes des différentes formations.