La vague de violence qui sévit en Tunisie depuis quelques semaines, donne à réfléchir sur ce modèle de changement «démocratique et pacifique», que les capitales occidentales voulaient présenter au reste du monde arabe. De plus en plus incontrôlables, et jouissant d'une base quelque peu sous-estimée, les salafistes tunisiens s'érigent désormais en police des mœurs n'hésitant pas à recourir à la violence pour tenter d'établir un ordre religieux, un peu à la manière du FIS dans le début des années 90 en Algérie, et nul ne peut prévoir les conséquences d'une confrontation fatale dans ce pays. Ces groupes extrémistes ont donc, commencé par attaquer les débits de boissons et les lieux touristiques avant de s'en prendre à des postes de police et des bâtiments administratifs. Ces goupes sont arrivés à s'en prendre aussi à une exposition d'art en pleine capitale, jugée «blasphématoire», mais qui semble être un simple alibi pour exprimer leur volonté d'imposer un mode de vie et, du coup, de tester leur influence. Première conséquence : la réputation d'un pays «paisible» est déjà battue en brèche par cette vague de violence et une présence insoupçonnée d'extrémistes islamistes. A cela s'ajoute la saison estivale qui s'annonce incertaine, voire même catastrophique, selon les observateurs locaux, portant ainsi un coup fatal au tourisme qui représente, comme on le sait, la principale source de revenu pour la Tunisie, et nourrit 400 000 familles. Comme seule réponse à cette crise, les autorités tunisiennes ne semblent pas avoir d'autre choix que de décréter le couvre-feu, annoncé dans la soirée de mardi, pour au moins huit gouvernorats, dans la capitale Tunis. C'est la première fois depuis mai 2011 que la capitale tunisienne est soumise à un couvre-feu. A noter aussi que l'état d'urgence est toujours en vigueur dans le pays depuis le soulèvement qui a abouti à la chute du président Ben Ali, le 14 janvier 2011. Cette mesure fait suite à une série de violences qui ont éclaté simultanément dans plusieurs régions du pays dans la nuit de lundi à mardi et qui se sont poursuivies dans la journée de mardi. Les troubles ont été déclenchés à cause d'une exposition à La Marsa (banlieue nord de Tunis), qui s'est tenue du 2 au 10 juin et dont des œuvres ont été jugées offensantes pour l'islam. Les cités populaires de l'ouest de la capitale, mais aussi sa banlieue du nord, se sont embrasées, et ont été le théâtre d'affrontements violents entre des groupes d'islamistes radicaux, aidés par des groupes de casseurs, et les forces de l'ordre. Les troubles ont fait une centaine de blessés, dont 65 membres des forces de l'ordre, et plus de 160 personnes ont été arrêtées, selon le gouvernement. Le ministre de la Justice, d'obédience islamiste, n'a pas hésité à qualifier ces actes d'«actes terroristes». Tout en niant son implication dans ces événements, le mouvement salafiste Ansar al-Charia, fraîchement agréé, a appelé «tous les Tunisiens» à manifester demain vendredi après la prière. Pris de panique, le mouvement Ennahda, majoritaire au Parlement se trouve contraint de faire dans la surenchère, en promettant d'œuvrer à inscrire dans la future Constitution le principe d'interdiction d'atteinte au sacré.