Le suspense tombait hier sur l'élection présidentielle égyptienne lorsque la Commission électorale, par la voix de son président, a annoncé les résultats qui se sont dégagés du vote de plus de 26 millions d'électeurs qui ont exprimé leurs voix pour élire leur Président, le premier depuis la chute de Hosni Moubarak et l'avènement du printemps égyptien. Le face-à-face Mohamed Morsi–Mohamed Chafiq aura finalement distingué le premier. Désormais, le premier président égyptien élu démocratiquement en Egypte, depuis les Pharaons, répond au nom de Mohamed Morsi, chef de file du parti des Frères musulmans. Après de premiers résultats qui donnaient Mohamed Chafiq, le poulain de l'armée et le candidat des catégories dites laïques, la Commision électorale a affiné les décomptes des voix, éliminant celles qui ne répondaient pas aux paramètres d'acceptabilité. Ainsi, après que plus de 800 000 voix eurent été annulée et évacuées des décomptes, Mohamed Morsi se retrouvait en tête avec plus de 13 millions des voix, alors que Mohamed Chafiq lui emboîtait le pas, un million de voix derrière, soit avec 12 millions de bulletins. A l'entente des résultats, donnés hier vers 15h35, heure algérienne, les dizaines de milliers d'Egyptiens qui s'étaient massés place Tahrir au Caire, ont tonné d'une seule voix pour exprimer leur joie, alors qu'en bordure de cette foule, on pouvait également distinguer les partisans du candidat de l'armée, dont les banderoles et les portraits avaient été baissés et qui commençaient déjà à se disperser, refroidis par les résultats. Des résultats qui étaient initialement prévus pour le 21 juin, mais qui n'ont pu être rendus publics qu'hier du fait que la Commission électorale a demandé un nouveau délai pour examiner des recours déposés par les deux candidats. Avec une victoire à 51,73%, Mohamed Morsi devra gouverner sachant qu'une moitié d'Egyptiens n'ont pas voté pour lui et qu'au sortir d'une révolution, cette réalité n'est pas sans présenter de nombreux problèmes, ni sans affaiblir, un tant soit peu, l'aura qui entoure l'arrivée à la tête de la République arabe d'Egypte du premier président véritablement élu par les urnes. Conscient de la nécessité de rassurer ses adversaires politiques et idéologiques, Mohamed Morsi s'est montré très conciliant à maintes reprises, acceptant même de signer une espèce de contrat moral qui l'engage, selon lequel il ne toucherait pas, une fois élu Président, au statut de «société civile» de l'Egypte, terme euphémique dans ce pays, pour dire «société laïque». Morsi est également prêt, comme il l'a déjà déclaré, à nommer un gouvernement de cohabitation avec une composante diversifiée émanant de toutes les sensibilités politiques. Malgré ces engagements, Mohamed Morsi aura à gérer une crise qui s'annonce déjà difficile, à savoir celle qui prévaudra avec l'armée égyptienne qui a, à la veille de la présidentielle, dissous le Parlement, et accaparé le pouvoir législatif. Quelle suite l'armée donnera-t-elle à son statut de législateur d'exception après que la présidentielle a fini sur une victoire des Frères musulmans, cela sachant que de nouvelles élections législatives pourraient déboucher sur une nouvelle majorité islamiste ? La question vaut son pesant de voix.