Les frappes du terrible Balotelli ont ajouté ainsi au tableau allemand la huitième rencontre sans triomphe. Lui qui fut victime de racisme, dans les stades ou même dans son propre pays, représenté en king kong dans une caricature, publiée dans un grand quotidien sportif italien. «Mais son précieux doublé, jeudi soir, aura peut-être converti de nombreux sceptiques vis-à-vis du joueur de Manchester City», souligne un journaliste italien dans son édition d'hier. Les pronostics des grands experts qui donnaient Allemagne – Espagne en finale ont été donc déchiquetés par deux fois (20e et 36e). Il va falloir refaire les calculs, mais quels calculs maintenant que les Italiens sont à 90e minute de jeu pour miner les Espagnoles et remporter ce dimanche, le sacré trophée tant attendu et espérée depuis plus de 16 ans. Faut-il rappeler qu'au départ, personne des joueurs encore moins des supporters pensaient qu'ils disputeront la finale, y compris le staff. Le milieu italien disait : «Maintenant, on espère vraiment pouvoir donner encore un peu d'espoir aux gens qui subissent la crise par nos performances», et à Cesare Prandelli, entraîneur de l'Italie de reconnaître, «lors du dernier quart d'heure, nous n'en pouvions plus. Nous n'avons pas marqué le troisième but et nous ne pouvions plus sortir de notre surface ! Heureusement, notre début de match a été très bon. Nous pensions bien pouvoir leur faire mal au milieu et l'idée était de permettre à Cassano d'avoir de nombreux duels à un contre un. Nous avons montré un exemple d'amour du maillot. Nous n'avons pas encore gagné le tournoi mais je voulais juste dire qu'il faut faire attention quand on critique une équipe aussi forte que la mienne». Jeudi, ce fut un match presque à sens unique. Le schéma tactique mis en place par le sélectionneur allemand n'aura en définitif pas pesé sur celui de son collègue italien qui a su dialoguer avec les différentes stratégies pour aboutir à la finale, à l'image de ce Balotelli qui s'est refait une peau devant ses supporters en profitant d'une tête en l'air de la défense allemande pour piquer droit au but et placer une frappe chirurgicale en pleine lucarne. Cette réalisation sonna comme l'inauguration du premier pas vers la finale – une annonce «matérialisée» par le maillot qu'il ôta pour une pause de 15'' devant son public qu'il justifie au journaliste sportif de L'Equipe, «le meilleur moment de la soirée, c'est lorsque j'ai vu ma mère, qui est venue ici malgré son âge, dans les tribunes après le match. Ces deux buts sont pour elle ! Contre l'Espagne, il y aura aussi mon père et j'espère pouvoir faire encore mieux, certains ont critiqué ma joie et le fait que j'ai enlevé mon maillot ? C'est parce qu'ils ont vu mes muscles et qu'ils sont jaloux. En tout cas, c'est la plus belle soirée de ma vie... En attendant dimanche ! Franchement, si on gagne même en jouant mal, ce sera parfait». Pour Prandelli : «Il a été excellent, comme toute l'équipe, je crois sincèrement qu'une équipe doit avoir un projet de jeu, et il y a souscrit avec son style propre, il a effectué une grande performance ce soir», déclare son entraîneur après le coup de sifflet final. Nous avons vu les Allemands Klose et Reuse réorganisaient le mode opératoire de leur sélectionneur, par des contre attaques de qualité qui mettaient dans des situations fragiles le gardien italien qui fit appel à son expérience pour déjouer les tirs souvent bien cadrés. Mais ils n'arriveront pas à faire la différence, même s'ils auraient pu profiter d'une certaine fébrilité de la défense italienne en début de match. L'on a encore en tête ce but sauvé in extrémiste par Andrea Pirlo, suite à une sortie manquée de Gianluigi Buffon sur un corner très bien ajusté (10e). Ou encore les coups francs à la limite des 25 ou des 30 mètres mal exploités. Les entrées à la pause de Miroslav Klose et de Marco Reus, à la place de Mario Gomez et Lukas Podolski, n'ont pas amélioré les choses. Comme toujours depuis 2006, les Allemands finiront placés, mais pas gagnants. Eux qui voulaient décrocher un deuxième titre de champion, après celui de 1968. La seule mais insuffisante satisfaction s'est limitée au seul penalty de Mesut Ôzil après prolongations (2-1). Un doublé qui permet aujourd'hui à Super Mario de rejoindre l'Allemand Mario Gomez, le Russe Alan Dzagoev, le Croate Mario Mandzukic et le Portugais Cristiano Ronaldo en tête du classement des buteurs de l'Euro-2012 avec trois réalisations. Comme face à l'Angleterre, où Andrea Pirlo et Gianluigi Buffon avaient guidé l'Italie vers la qualification, «la marche italienne était trop haute pour nous ce soir», a reconnu en conférence de presse l'attaquant Miroslav Klose. En huit confrontations dans un tournoi majeur désormais, l'Allemagne n'a donc toujours pas battu l'Italie. La presse allemande affûte ses plumes «Fini, fini, le rêve est fini», poursuit le tabloïd, qui se lamente, lui aussi, à sa façon : «Toujours pas de grand succès allemand. Toujours pas de titre ! Le dernier, nous l'avons conquis en 1996 ! 16 ans !» La presse germanique attribue une note sans appel de 0 à Mario Gomez, Lucas Podolski et Bastian Schweinsteiger : «Il était assis sur son banc. Le regard fixe sur le terrain. En train de se ronger les ongles nerveusement. Oui, cet homme, c'était bien Joachim Löw. Notre sélectionneur national a montré jeudi un visage que nous ne lui connaissions plus : celui de la défaite», raconte le quotidien Express. Bild s'interroge : «Jogi, où était passé ton flair ?» «De la constance dans le changement.Avec cette stratégie, Löw voulait battre l'Italie. Son plan n'a jamais fonctionné», regrette le quotidien Die Zeit. Le Süddeutsche Zeitung plaque en une la photo du corps de statue grecque de l'attaquant italien avec pour légende : «Trop fort pour l'Allemagne». «Soudain, il s'est trouvé planté comme une statue dans la surface de réparation. Torse nu. Un cauchemar allemand, un héros pour le peuple italien, Mario Balotelli. On associera longtemps l'échec du football de salon de Joachim Löw à cette image.» Evidemment, le parallèle avec 2006 surgit : «Encore une fois l'Italie, encore une fois en demi-finale. L'Allemagne va devoir se demander pourquoi elle fait une nouvelle fois une prestation aussi insuffisante à la fin d'une compétition importante.»