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Ce qu'un demi-siècle d'indépendance et d'interdépendance permet de dire

Le général de Gaulle avait programmé en juin 1958, la mise au pouvoir d'Ahmed Ben Bella dans les quatre ans à venir avec l'espoir de conserver 70% du pétrole et d'avoir la main-mise sur le Sahara. C'est ce qu'a révélé dans une émission de radio, Jean Méo qui fut chargé de mission du Général de Gaulle (1958-1960), puis PDG d'Elf-Erap (1964-1972).
L'écriture de notre histoire a causé bien des migraines à plusieurs générations d'Algériens devenus schizophrènes et paranoïaques à force de se triturer les méninges sur les causes de la déliquescence chronique d'un Etat construit par des putschs, impostures, trahisons, forfaitures, mensonges et corruption. Les authentiques moudjahidines et les militants sincères de la génération de Novembre-54, savaient beaucoup de choses mais n'ont rien dit, faisant que la plus part d'entre eux sont morts, emportant leurs secrets avec eux. Tandis que les générations post-indépendance s'évertuent à essayer de découvrir et de comprendre les vérités de notre révolution inachevée, dévoyée, et de notre identité bafouée, selon les bribes d'information récoltées ici ou là. En prêtant attention aux propos accusateurs de la veuve d'Abane Ramdane qui avait déclaré à la presse que Ben Bella a été fabriqué par les Français, nous sommes portés à nous poser un ensemble de questions qui ne peuvent rester sans réponse. La veuve d'Abane Ramdane a déclaré : «Naturellement, ce sont les Français qui lui ont fait une propagande pour lui donner un nom. C'est à partir de là que les Français ont préparé un Président pour l'Algérie... La France voulait donner un chef à la Révolution algérienne, le plus bête des chefs. C'est la dernière farce que la France a faite à l'Algérie». Le personnage du Marocain Ben Bella est un élément clé du bâclage de l'indépendance algérienne trahie par les manigances de De Gaulle et les complots des services secrets coloniaux. Cette narration, si elle évoque les erreurs, ce n'est point pour diminuer en quoi que ce soit l'importance de la lutte de libération nationale, et de la valeur de ceux qui l'ont faite, mais tout simplement pour ouvrir de nouvelles pistes qu'il faut prospecter, pour la recherche de la vérité au bénéfice de la connaissance et du savoir. La révélation des contrastes de la lutte de libération a pour objectif d'éclairer les chemins des jeunes et futurs chercheurs. Bien sûr, il nous faut commencer par traiter des connivences ayant trait au ralliement à l'ALN, des officiers algériens de l'Armée française parmi lesquels, il y a eu des hommes sciemment préparés pour infiltrer les rangs de l'ALN. Pour expliquer le fourvoiement de la révolution populaire algérienne, par les services spéciaux du pouvoir colonial hautement spécialisé dans les complots pour les avoir appris et appliquer durant et après la Seconde guerre mondiale, il nous faut dire que certains officiers algériens déserteurs ou désertés, de l'armée française ont été formés pour étouffer la révolution, en éliminant les têtes pensantes qui animaient l'insurrection. De toute évidence, ces officiers, pouvaient par leur formation tout savoir et tout connaître, de la pensée et du comportement des vrais révolutionnaires. Oui, ils pouvaient connaître et avoir les connaissances des révolutionnaires, mais ils n'en étaient pas. Certains de ces déserteurs n'avaient ni le profil ni l'étoffe, définis par les architectes de la lutte armée de libération nationale, qui, par leur bravoure, ont initié l'ardeur à casser les chaînes du colonialisme, pour concrétiser les objectifs assignés au 1er-Novembre 1954. Les personnages dont il est question ici, appartiennent à l'histoire du passé, et ils font partie du patrimoine public, ce qui autorise à la révélation de leur comportement. Mais dans tous les cas de figure, quoi que l'on puisse dire et écrire, l'on ne diminuera en rien la valeur de tous ces hommes et femmes qui ont écrit de leur sang, l'histoire de notre pays. Et bonne ou mauvaise, cette histoire est la notre et les erreurs des uns et des autres ont été faites pour nous faire connaître les erreurs à ne pas oublier et qui nous serviront d'enseignements. Nous sommes d'accord sur cela, c'est pourquoi il nous faut relater ce que nous savons, et/ou avons appris comme vérité sur les divergences qu'il y a eu entre les responsables du mouvement de libération nationale. C'est-à-dire des responsables de l'organisation du FLN/ALN. A l'été 1962, une journaliste étrangère qui avait demandé au colonel Abdelhafid Boussouf, l'un des trois dirigeants les plus influents de la révolution, s'il avait la conscience tranquille après tout ce dont il avait été accusé, s'entendait répondre, en reprenant le mot du philosophe allemand Emmanuel Kant : mais madame, seuls ont les mains propres ceux qui n'ont pas de mains»... Cette réponse ne s'adressait pas au procureur d'un tribunal mais à l'Histoire et aux générations futures. Boussouf a justifié ce qu'il avait fait et c'est aux historiens d'évaluer. Boussouf était marqué par l'ordre colonial injuste qu'il cherchait à détruire par la violence. La radicalité du système colonial l'a forgé dans son intolérance et dans sa suspicion. Il se méfiait même de son ombre. Comme les militants de sa génération, il portait en lui, les limites culturelles de sa société, notre société figée par l'ordre colonial dans son retard sur l'Europe. Le populisme révolutionnaire dont il était l'un des représentants, a rencontré un écho auprès de larges couches de la population aspirant à en finir avec l'ordre colonial. Mais pour autant, doit-on sacraliser cette génération et la soustraire aux investigations du débat critique ? Et comment ne pas faire le lien entre les limites idéologiques du nationalisme algérien dans sa phase de formation avec la difficulté de construire un Etat de droit cinquante ans après l'Indépendance ? Chaque citoyen, digne de ce nom doit réfléchir sur ce lien, et refuser les débats sur l'histoire apologétique, menés avec la langue de bois par les ébénistes expérimentés, de cette élite civile cooptée depuis 50 ans, et dont le bilan est négatif. Le déclenchement de la lutte armée de libération en novembre 1954 était porteur d'espoir. La révolution était prometteuse. L'indépendance était supposée inaugurer une ère nouvelle mettant fin à l'oppression et devant permettre l'émergence de dirigeants et de cadres tournés vers l'avenir pour sortir l'Algérie de l'ignorance, de la maladie et de la pauvreté grâce à une politique de progrès économique et social au profit de la population, fondée sur la promotion de l'homme et celle des libertés et de la justice sociale. Mais, au fort de la guerre du maintien colonial et au moment où l'Indépendance de l'Algérie devenait inéluctable, l'autorité française a envisagé une politique destinée à perpétuer sa présence politique, économique et culturelle en Algérie. A cet effet, elle a joué sur plusieurs claviers en même temps pour s'assurer le contrôle de l'évolution politique, économique et culturelle future de l'Algérie, après l'indépendance. Et pour cela, elle a encouragé l'émergence de la «troisième force», composée de collaborateurs civils et militaires qui lui sont dévoués. Elle a également organisé l'infiltration de l'ALN, en noyautant les vagues successives d'officiers algériens «déserteurs» de l'armée française par des hommes qui lui sont acquis, pour leur permettre d'obtenir la légitimité révolutionnaire et la qualité de «moudjahidines» afin que lorsque l'Algérie sera indépendante, ils contrôleront au plus haut niveau la future armée algérienne qui devait être initialement, selon les accords algéro-français d'Evian, composée de la «force locale» dans laquelle devait se retrouver les anciens de l'armée française, harkis et autres collaborateurs, plus les Européens d'Algérie qui désireraient l'intégrer, (allusion faite aux pieds noir, OAS compris). Si la France a réussi à infiltrer le mouvement national, FLN/ALN [1], il lui était, a fortiori facile de noyauter ces officiers déserteurs, en les infiltrant d'agents formater dans le sens de l'Algérie algérienne que proposait le général De Gaulle, et surtout pour le soutient à son plan. «D'indépendance de l'Algérie, dans l'interdépendance de la France». Que les maghrébins participent, comme ils l'ont fait pour combattre le nazisme durant la Seconde guerre mondiale, à la lutte de libération nationale, c'est une chose. Mais qu'ils accèdent aux plus hautes responsabilités de l'Etat algérien par l'imposture et le mensonge en cachant leur véritable identité dans les conditions précitées, c'est une grave anomalie historique dont les conséquences peuvent persister des décennies après. S'il faut persister dans la demande d'ouverture des archives coloniales, il faut aussi que les archives militaires algériennes s'ouvrent aussi, afin que les cinéastes universitaires, historiens ou non, se mettent au travail et au devoir de mémoire. Cela dit, ce n'est pas tous les «déserteurs» de l'armée française, qui ont été envoyés en mission chez l'ALN, mais une «minorité» catégorie particulière d'Algériens militaires de carrière dans l'armée française qui ont été formés et envoyés à Tunis parmi les vagues successives qui ont rejoint l'ALN à partir de l'année 1958 en mission de noyautage de l'organisation du FLN/ALN. (A suivre)

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