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R�ACTIONS AU R�CIT DE SA�D SADI SUR LE COLONEL AMIROUCHE UNE VIE, DEUX MORTS, UN TESTAMENT
Des v�rit�s mais aussi une volont� d�instrumentaliser l�histoire dans une vaste op�ration de diversion
Publié dans Le Soir d'Algérie le 04 - 05 - 2010


Par Ali Mebroukine*
D�entr�e de jeu, on ne r�siste pas � la tentation de poser la question de savoir pour quelles raisons, le Dr Sa�d Sadi a attendu le mois d�avril 2010 pour publier un r�cit c�l�brant la m�moire du colonel Amirouche. C�est comme si, tout d�un coup, on feignait de d�couvrir le r�le et la place de celui qui dirigea la Wilaya III de juillet 1957 jusqu�� sa mort le 29 mars 1959. Le pr�sident du RCD, si prompt � s��mouvoir de l�ignorance de tout un peuple de son histoire r�cente, a pris le risque de laisser se s�dimenter l��paisse couche d�amn�sie collective que les responsables alg�riens qui se sont succ�d� depuis 1962 ont d�lib�r�ment ou non laiss� s�accumuler, occultant ici les �v�nements fondateurs de la R�volution (commenc�e bien avant le 1er Novembre 1954), glorifiant, l�, des �piph�nom�nes qui n�eurent aucun impact d�cisif sur la marche vers l�ind�pendance.
S�il s�agit de rendre justice � l�action du colonel Amirouche, le r�cit de S. Sadi est publi� apr�s de nombreux t�moignages que lui ont rendus ses compagnons d�armes ou m�me des historiens soucieux de r�tablir des v�rit�s jusqu�alors passablement d�rangeantes. Quel est l�objectif vis� par S. Sadi, en publiant un r�cit de 442 pages (annexes comprises) sur le d�funt colonel Amirouche ? M�me si le r�cit constitue une sorte d�hagiographie du chef de la Wilaya III (qui n��tait pourtant pas exempt de d�fauts), on peut comprendre que l�auteur ait d� sacrifier � cet exercice pour blanchir les �pisodes tumultueux et sanglants de la �Bleuite� que les historiens � y compris ceux que S. Sadi convoque au soutien de sa th�se, tels G. Meynier- (cf. Histoire int�rieure du FLN, 1954-1962, Casbah �ditions, 2003, 812 p, p. 430 et Ss) inscrivent au passif personnel de l�ancien chef de la Wilaya III. Sans doute, l�histoire est-elle encore � �crire sur ce chapitre �minemment controvers�. En revanche, on comprend moins le proc�s en sorcellerie instruit contre le colonel Boumedi�ne, accus�, sans l�ombre d�une preuve, de toutes les turpitudes qui jalonn�rent l�histoire convulsive interne de la R�volution alg�rienne ; on en �prouve m�me un certain malaise, d�autant plus grand d�ailleurs que le parcours du colonel H. Boumedi�ne n�a jamais crois� celui du colonel Amirouche. Quel est le fil d�Ariane entre l�action men�e par la colonel Amirouche, dans les limites de la Wilaya III et les missions dont fut charg� H. Boumedi�ne aux fronti�res est et ouest. Et comment peut-on mettre au d�bit du colonel Boumedi�ne quelque action hostile que ce soit � l�endroit du colonel Amirouche, alors qu�il est av�r�, sur un plan historique, que le colonel Boumedi�ne n�a obtenu les coud�es franches pour organiser l�arm�e des fronti�res qu�en janvier 1960, soit neuf mois apr�s la mort du colonel Amirouche.
Les v�rit�s du r�cit
On en citera deux : l�authenticit� du portrait bross� du colonel Amirouche que tout un chacun peut v�rifier gr�ce aux documents publi�s et aux nombreux t�moignages recueillis sur l�envergure exceptionnelle du personnage. Il y a ensuite l��vocation du Congr�s de la Soummam et la r�affirmation du fait que c�est bien la Wilaya III qui a le plus souffert de la guerre coloniale et celle qu�il fallait, aux yeux des services secrets fran�ais, r�duire � n�ant l�arm�e du g�n�ral Challe et la logistique implacable de A. Boussouf se liguant pour la circonstance. Le colonel Amirouche est un grand h�ros de la R�volution alg�rienne. Il s�est battu jusqu�au sacrifice supr�me, ne redoutant aucun obstacle, constamment obnubil� par l�illusion d�une possible victoire militaire de l�ALN sur la quatri�me puissance du monde, affrontant tous les dangers. C��tait un homme exceptionnel de courage et de t�nacit�. Tous les documents produits par le pr�sident du RCD pour �tayer son plaidoyer en faveur du colonel Amirouche sont irr�futables. La deuxi�me v�rit� est contenue dans le rappel de cet �v�nement majeur de notre histoire contemporaine que fut le Congr�s de la Soummam d�ao�t 1956. C�est sans doute le lieu d�ouvrir une parenth�se qui nous permettra de tordre le coup � une l�gende qui prosp�re dangereusement, celle qui veut comparer la D�claration du 1er Novembre 1954 � la Moubaya� que re�ut l��mir Abdelkader en prenant bien soin d�occulter le Congr�s de la Soummam. Si grands qu�aient �t� les m�rites de l��mir pour rassembler sous sa banni�re la cohorte disparate des tribus alg�riennes et les mobiliser contre l�ennemi colonial, la Moubaya� ne saurait, en aucun cas, soutenir la comparaison avec le Congr�s de la Soummam qui restera � jamais l�acte fondateur de l��tat alg�rien postcolonial, celui qui devait servir d��pure � l�organisation politique, sociale et administrative de l�Alg�rie ind�pendante. C�est ainsi devenu le p�ch� mignon de certains courants de s�employer � minorer les faits marquants de notre histoire, d�s lors qu�ils prennent naissance dans la Kabylie. Aussi, S. Sadi a-t-il eu raison de rappeler l�importance du Congr�s de la Soummam qui ne constituait, par ailleurs, en aucun cas, une abjuration des principes du 1er Novembre 1954, comme l�ont affirm� avec d�sinvolture et frivolit� l�ex-pr�sident Ben Bella et le colonel Ali Kafi.
Une complaisance injustifi�e � l��gard du colonel Amirouche
J�en donnerai deux illustrations : la �Bleuite� et les qualit�s d�homme d��tat pr�t�es au colonel Amirouche.
Sur la �Bleuite�
Le propos n�est pas de gloser sur la sinc�rit� du colonel Amirouche � propos des ch�timents qu�il a ordonn�s � ses hommes de confiance d�infliger aux djounoud suspects de collaboration avec l�ennemi. Il est de rappeler que la Wilaya III a �t� le th��tre de nombreuses purges qui firent des centaines, voire des milliers de victimes dont beaucoup �taient innocentes. Il ne s�agit pas de savoir si ce ph�nom�ne funeste a ou non touch� l�ensemble des wilayas. Du reste, il est insolite de voir le d�mocrate S. Sadi enfourcher ce cheval de bataille, comme si des violations des droits de l�homme (tortures, ex�cutions sommaires) �taient acceptables ou justifiables du seul fait qu�elles ont �t� commises � une vaste �chelle. En revanche, l�historien peut remettre en perspective des �v�nements douloureux par rapport aux circonstances et � l�environnement qui pr�valaient au moment o� ils sont survenus. Le chiffre de 250 � 300 victimes donn� par le pr�sident du RCD para�t peu vraisemblable ; celui de 6 000 donn� par les services alg�riens et non par le pr�sident Boumedi�ne est certainement excessif. G. Meynier, dans l�ouvrage pr�cit� et dont S. Sadi fait une utilisation s�lective pour les besoins de sa d�monstration, situe le nombre de victimes � environ 3 000 (ouvrage pr�cit�, p. 430 et Ss.). � la d�charge du colonel Amirouche, il y avait � la fois les d�faillances de ses propres services de s�curit� insuffisamment vigilants (car il existait ind�niablement des agents doubles), une volont� de la part de certains de ses hommes de faire barrage � de jeunes �tudiants ou lyc�ens qui pouvaient, gr�ce � leur niveau intellectuel, leur faire ombrage en acc�dant � des postes de commandement, et il y avait surtout la d�termination froide du colonel Godard, � qui les g�n�raux Massu et Salan avaient donn� carte blanche, de d�sorganiser toute la Kabylie, car elle constituait � ses yeux le bastion de la r�sistance. Ceci dit, on ne peut que regretter que l�auteur exp�die en quelques lignes (p .251et 252) un ph�nom�ne extr�mement lourd qui a d� porter un coup fatal au moral des moudjahidine de la Wilaya III.
Sur les qualit�s d�homme d��tat du colonel Amirouche
S. Sadi consacre quelque 77 pages (p. 193- 270) � essayer de convaincre le lecteur que le colonel Amirouche �tait un homme d��tat. Il s�agit l� d�une th�se in�dite au regard de l�ensemble des �crits disponibles sur le colonel Amirouche. Que ce dernier, comme dit plus haut, ait �t� un grand chef de guerre, dou� du sens de l�organisation (V. pp. 103-121 de l�ouvrage sur le r�le qu�il joua dans la pr�paration et le succ�s du Congr�s de la Soummam), est peu niable. Que le pr�sident du RCD le pr�sente comme un homme d��tat, lui qui, d�ordinaire, est si regardant sur cette qualit� est pour le moins insolite. On ne sache pas en effet que l�ancien chef de la Wilaya III ait jamais expos� un programme, une id�e, encore moins des �l�ments de doctrine quant � l�organisation et au fonctionnement de l��tat alg�rien. Il n�est pas jusqu�� sa connaissance de l�Islam dont il �tait un fervent pratiquant qui ne fut superficielle et m�me fruste. En aucune circonstance, Abane ne l�a sollicit� pour prendre une part, f�t-elle la plus modeste, � l��laboration de quelque projet. On conna�t aujourd�hui le nom de ceux qui contribu�rent � l��laboration de la plate-forme de la Soummam et on conna�t aussi les militants qu�Abane avait approch�s pour affiner ses id�es ou son programme. � l��vidence, le colonel Amirouche n�en faisait pas partie. S. Sadi a eu raison, un jour, d�opposer les hommes de pouvoir aux hommes d��tat. Il aurait �t� bien avis�, en la circonstance, de r�fl�chir aux vertus de la distinction entre chef de guerre et homme d��tat.
L�instrumentalisation de l�histoire
Elle ressort clairement de la relation faite par S. Sadi des rapports qu�entretenaient A. Boussouf avec H. Boumedi�ne, des relations entre le GPRA et le colonel Boumedi�ne, enfin de la perception qu�avait le colonel Amirouche du r�le du GPRA, au moment m�me o� s�intensifiait l�effort de guerre colonial sur les wilayas de l�int�rieur. 1. Les relations entre A. Boussouf et H. Boumedi�ne Je suis d�autant plus � l�aise pour faire grief � S. Sadi de c�der � l�amalgame entre le n� 1 du Malg et le colonel Boumedi�ne que je me suis attir� les foudres de Daho Ould Kablia, pr�sident de l�association des anciens du Malg, lorsque j�ai pris soin, arguments � l�appui, d�opposer la personnalit� de A. Boussouf � celle de H. Boumedi�ne, notamment leurs conceptions antagoniques de l��dification de l��tat postcolonial ( El Watan des 26 et 27 d�cembre 2007, puis des 3 et 7 janvier 2008). Bien avant Sadi et les d�clarations de N. A�t Hamouda, j�avais sugg�r� l�hypoth�se que les services du Malg avaient probablement communiqu� aux services fran�ais les coordonn�es du trajet que devaient accomplir vers Tunis les colonels Amirouche et Si Haou�s, comme cela avait d� �tre �galement le cas pour le colonel Si M�hamed (5 mai 1959), plus tard pour le valeureux colonel Si Salah (20 juillet 1961). Les Wilayas III et IV �taient autant dans le collimateur de l�arm�e coloniale que dans celui de la direction du Malg. Une sorte d�union sacr�e s��tait constitu�e entre deux p�les que la rationalit� politique pla�ait aux antipodes mais qui �taient, en r�alit�, unis dans une commune d�termination � rendre gorge aux chefs des Wilayas III et IV. Ceci dit, l�amalgame auquel se livre le Dr Sadi est douteux pour les raisons suivantes : a) Pr�senter le colonel Boumedi�ne comme une cr�ature d�A. Boussouf, � la seule fin de pouvoir plus facilement lui imputer des crimes commis par d�autres proc�de de l�instrumentalisation de l�histoire et m�me d�une certaine forme de r�visionnisme. H. Boumedi�ne n�a pas plus �t� la cr�ature du patron du Malg que des hommes comme le colonel Lotfi � qui l�histoire a rendu l�hommage qu�il m�rite. H. Boumedi�ne avait �t� simplement le collaborateur de Boussouf, tout comme ce dernier fut choisi par l�intr�pide Larbi Ben M�hidi pour le seconder � la t�te de la Wilaya V. Il est d�autant plus fallacieux de ne retenir des compagnons de Boussouf que la seule personne du colonel Boumedi�ne, qu�� la diff�rence par exemple d�un Krim Belkacem qui anima, jusqu�au dernier moment, le Conseil interminist�riel de la guerre (CIG) avec Boussouf et Bentobal, le colonel Boumedi�ne s�inscrivait r�solument dans une perspective d��mancipation � l��gard du patron du Malg. La place nous manque ici pour expliquer au lecteur alg�rien que dans toutes les actions de d�stabilisation orchestr�es par le patron du Malg en direction de la Wilaya III mais aussi de la Wilaya IV, laquelle paya un lourd tribut humain � la R�volution, le colonel Boumedi�ne n�a jamais �t� associ�, si peu que ce soit. Du reste, pressentant depuis longtemps que le colonel Boumedi�ne, qui n�avait ni la raideur ni l�implacabilit� d�Abane, nourrissait un autre type d�ambition pour l�Alg�rie que l��dification d�un �tat policier, le colonel Boussouf se r�solut, in fine, � se constituer ses propres client�les abrit�es au sein du Malg ou de sa p�riph�rie et qui n�auront nulle partie li�e avec le futur EMG. b) Le lecteur non averti s�imaginera, � la lecture des nombreux passages consacr�s par le Dr Sadi au colonel Boussouf, que le personnage n�aurait �t� qu�un aventurier, ayant organis� une gigantesque association de malfaiteurs dont le but ultime �tait, une fois �limin�s les acteurs majeurs de l�histoire, de s�arroger les dividendes de l�ind�pendance. H�las, il n�en est rien et d�une certaine fa�on, c�est bien l� le drame. Tous les griefs que l�on peut articuler � l�encontre de A. Boussouf ne feront pas dispara�tre ce fait irr�futable qu�il milita tr�s t�t dans le mouvement national et fut l�un des principaux dirigeants du PPA/ MTLD, membre du groupe des 22 et ministre du GPRA. A priori, il �tait loin de r�pondre au profil du parrain sanguinaire que l�historiographie universitaire retient pour l�essentiel de lui. En aucun cas, cependant, le Malg ne peut �tre r�duit � la personne d�A. Boussouf et celle de ses fid�icommis. Des militants illustres ont servi au Malg avec la conviction que leur institution n�avait �t� con�ue que pour lutter contre l�arm�e coloniale et appuyer logistiquement les unit�s de l�ALN engag�es dans le combat lib�rateur. Des hommes comme Mohamed Lemkami, Ali Tounsi et bien d�autres n�ont pris aucune part dans les d�voiements sinistres que d�nonce � juste titre le pr�sident du RCD et restent pour l�histoire de valeureux moudjahidine.
2. Les ambigu�t�s du colonel Amirouche � l��gard de Abane
On ne sache pas que le colonel Amirouche se soit r�ellement �mu, d�abord de l��limination politique de Abane au CNRA du Caire (ao�t 1957) dont firent �galement les frais deux des plus proches compagnons de Abane, B. Benkhedda et S. Dahleb, avant de revenir en gr�ce quelques ann�es plus tard, et en d�cembre 1957, de son l�che assassinat par les sbires de Boussouf. Du reste, et il faut le dire pour l�histoire, l��limination physique de Abane arrangeait les affaires de tous les protagonistes du conflit (K. Belkacem, en tout premier lieu, dont Abane raillait souvent le manque de perspicacit� politique) mais aussi, et pour cause, les membres de la d�l�gation ext�rieure, qui apprirent la mort de Abane avec un soulagement entendu. En r�alit�, aucune figure marquante (� l�exception du regrett� Larbi Ben M�hidi, incarnation de la puret� r�volutionnaire, s�il en est, mais disparu en f�vrier 1957) ne tol�rait Abane, non seulement � cause de sa personnalit� �crasante mais aussi du r�le de directeur de conscience qu�il s��tait attribu�, distribuant sermons et mises en garde aux chefs du FLN/ALN � la moindre erreur. Dou� de la prescience des �v�nements, il avait cherch� � imposer son fameux paradigme de la sup�riorit� du politique sur le militaire et de l�int�rieur sur l�ext�rieur, de sorte que l��tat alg�rien, devenu ind�pendant, ne se transform�t pas en outil pr�torien au service d�une camarilla de comploteurs av�r�s. Ce faisant, Abane s�ali�nait tout le spectre des acteurs de la R�volution : les chefs militaires qui redoutaient d��tre d�poss�d�s de leur commandement sur les hommes par des politiques, non directement impliqu�s dans le th��tre des op�rations, et ceux qui �taient appel�s � composer les futures institutions charg�es d�internationaliser le conflit alg�rien, et qui virent, l�, une opportunit� de s�affranchir de la direction int�rieure et pourquoi pas de mener une strat�gie autonome avec une bonne conscience d�autant plus d�sarmante qu�il s�agissait �galement pour eux de r�clamer l�ind�pendance de l�Alg�rie.
3. La cible principale du colonel Amirouche : le GPRA
Pour le colonel Amirouche, l�interruption de la livraison en armes des wilayas de l�int�rieur rel�ve de la responsabilit� du GPRA. Le jour o� le colonel Amirouche, accompagn� du colonel Si Hou�s, se dirige vers Tunis, l�EMG n�existe pas encore. Il y avait, en vertu d�une d�cision du Comit� d�ex�cution et de coordination (CCE) prise en avril 1958, deux commandements : un � l�ouest dirig� par le colonel H. Boumedi�ne et un � l�est confi� au colonel Sa�d Mohammedi. Le colonel Amirouche n�avait pas de grief particulier � l�endroit ni de l�un ni de l�autre, lesquels ne faisaient qu�appliquer les directives du GPRA qui avait succ�d� au CCE, le 19 septembre 1958. Du reste, si r�ellement l�arm�e des fronti�res n��tait qu�un r�ceptacle d�embusqu�s en qu�te de jours meilleurs, on ne comprend pas pour quelles raisons le CNRA avait d�cid� de relever manu militari le colonel S. Mohammedi de la t�te du COM Est. L�incomp�tence pyramidale, les foucades et les frasques de cet esprit brutal et primaire avaient grandement facilit� la t�che de l�arm�e fran�aise dans son entreprise de verrouillage des postes frontaliers avec la Tunisie par lesquels transitaient les armes en provenance des pays fr�res et amis. La cr�ation de l�EMG, post�rieure � la mort du colonel Amirouche, proc�dait de la volont� du CNRA, partag�e par le GPRA, de doter l�ALN d�un commandement unifi� et dans les circonstances de l��poque, seul le colonel Boumedi�ne poss�dait l�envergure, le savoir-faire, l�autorit� et le charisme pour regrouper les nombreuses unit�s bigarr�es qui stationnaient aux fronti�res. Ce n�est pas le volontarisme opportuniste ou cynique du colonel Boumedi�ne qui va lui frayer un chemin vers les sommets du commandement de l�ALN, ce sont les circonstances objectives n�es du rapport de force militaire (arm�e fran�aise /wilayas de l�int�rieur) qui vont le propulser aux avant-postes et lui donner l�occasion de s��riger en force concurrente du GPRA mais aussi du CIG dans lequel A. Boussouf exerce un r�le pr�pond�rant. Pour le surplus, ces deux institutions � faut-il une nouvelle fois le rappeler pour les jeunes Alg�riens � �taient afflig�es d�une l�gitimit� d�autant plus d�clinante que l�une et l�autre �taient travaill�es par de puissantes forces centrifuges que lib�rera compl�tement la proximit� de l�ind�pendance. Notre propos n�est pas de discuter le r�quisitoire du colonel Amirouche contre le GPRA, r�quisitoire partag� par les colonels SI Haou�s, Hadj Lakhdar (WI) et Si M�hamed (WIV), lors de leur r�union tenue du 6 au 12 d�cembre 1958 en Kabylie. Il est simplement de rappeler la d�termination du colonel Amirouche d�exiger des comptes de la part d�une direction, confortement install�e � l�ext�rieur, et qui avait, d�s l�origine, fait son deuil de l��crasement des combattants de l�int�rieur par l�arm�e fran�aise, si ce n��tait, l�, le v�u secret de nombre de ses membres. � aucun moment, constate lucidement le colonel Amirouche, le GPRA ne s�est pr�occup� du sort des wilayas de l�int�rieur, ne s�est saisi de la question de l�acheminement des armes (si ce n�est sur le registre de la d�ploration) et, on ajoutera ici, n�a port� le moindre int�r�t aux conflits internes qui s�exacerbaient au sein des commandements respectifs des wilayas (dont la question des purges). Pour le colonel Amirouche, le but monomaniaque du GPRA �tait que dans le sillage de l�internationalisation r�ussie du conflit alg�rien, le g�n�ral de Gaulle fut dans l�obligation d�entamer des n�gociations avec les repr�sentants du peuple alg�rien, lesquels ne pouvaient �tre que les membres du GPRA ; ces derniers sp�culaient, en effet, sur l�isolement et la d�sorganisation de la r�sistance int�rieure, la d�tention des historiques au ch�teau d�Aulnoy (A. Ben Bella, H. A�t Ahmed, R. Bitat, M. Boudiaf et M. Khider) et le r�le d�appoint dans lequel ils pensaient pouvoir encore cantonner l�arm�e des fronti�res apr�s avoir utilis� ses chefs (H. Boumedi�ne, A. Ka�d et A. Menjli) pour �liminer des hommes de courage et de vertu comme le colonel Lamouri. Si, comme le d�montre avec force arguments le pr�sident du RCD, la cible du colonel Amirouche �tait bien le GPRA, comment faire reproche � l�EMG d�avoir refus� de passer sous ses fourches caudines au lendemain de la proclamation du cessez-le feu. L� n�est pas la moindre des contradictions du pr�sident du RCD, comme nous le verrons plus loin.
4. Le GPRA n�avait plus de l�gitimit� tandis que l�EMG disposait du leadership instrumental
Comment peut-on imaginer un instant qu�une institution compl�tement d�l�gitim�e par le colonel Amirouche et les principaux chefs de wilaya pour son apathie et son indolence devant le massacre des combattants de l�int�rieur pouvait encore dicter son autorit� � une institution comme l�EMG qui ne proc�dait pas du GPRA mais du CNRA. Puisque le colonel Boumedi�ne est pr�sent� par le Dr Sadi comme un criminel, c�est le lieu de rappeler � tous les enfants de ce pays, � qui l�histoire n�est pas enseign�e, que le patron de l�EMG �tait un homme de mesure, de tol�rance et de longanimit�, comme le prouve � sati�t� son refus obstin� de faire condamner � mort des hommes comme M. Ch�rif Messadia ou A. Draia qu�il affecta au sud du pays avant de les r�cup�rer � l�ind�pendance. Soutenir que l�EMG a commis un coup d��tat au cours de la crise de l��t� 1962 contre le GPRA est une affabulation et une contre-v�rit� historique fondamentale. Outre le fait que le GPRA ne pouvait se pr�valoir d�aucune l�gitimit� (il n�avait n�goci� puis conclu les Accords d��vian que pour compte d�autrui, c'est-�-dire pour le compte de l��tat alg�rien), il �tait en proie � de telles divisions (avant m�me le coup de force de Ben Khedda contre F. Abbas en 1961 ; preuve, au passage, s�il en �tait besoin, que la tradition du pronunciamiento n�est pas l�apanage de tel ou tel clan) qu�il ne pouvait commander ni aux hommes ni aux �v�nements. Une partie de sa direction rallia le groupe de Tlemcen, autour de Ben Bella et de l�EMG, et l�autre le groupe de Tizi-Ouzou, autour de K. Belkacem, H. A�t Ahmed et M. Boudiaf. Quel coup d��tat pouvait bien fomenter l�EMG contre une institution fantomatique, �clat�e, �miett�e sans capitaine et sans cap ? S. Cheikh a remarquablement expliqu� dans son brillant ouvrage ( L�Alg�rie en armes ou le temps des certitudes, OPU, 1980) que l�EMG disposait, � la diff�rence de toutes les autres institutions de la R�volution (CNRA, GPRA, CIG et m�me les wilayas de l�int�rieur) du leadership instrumental et du leadership expressif ; la combinaison de ces deux ayant permis au colonel Boumedi�ne de s�imposer politiquement et id�ologiquement, alors que tous les autres regroupements pr�valaient la rivalit� des ambitions personnelles, le n�potisme, le client�lisme, le clanisme, et par cons�quent, l�absence totale de tout projet de soci�t�, alors que nous �tions � quelques encablures seulement de l�ind�pendance. H. Boumedi�ne �tait parvenu � transcender - parce qu�il �tait un v�ritable homme d��tat et un visionnaire -, toutes ces tares cong�nitales du protonationalisme alg�rien en donnant une traduction concr�te � la fois au combat lib�rateur et surtout � la construction d�un �tat soud�, homog�ne, dot� d�institutions p�rennes pour pouvoir encadrer une soci�t� que les grimaces de l�histoire avaient rendue fragment�e et composite. Au moment o� l�EMG affleure sur la sc�ne politique alg�rienne, la lib�ration du pays par les armes n�est plus qu�une illusion lointaine. Tous les acteurs du conflit se mobilisent dans la perspective de l�ind�pendance et aucun d�eux ne peut se pr�valoir d�une l�gitimit� plus forte que les autres. Si les wilayas de l�int�rieur avaient pu vaincre militairement l�arm�e coloniale, seuls leurs chefs respectifs eussent pu revendiquer la l�gitimit� historique qui leur aurait donn� tous les titres � prendre en main le destin de l�Alg�rie, et si, au demeurant, tel avait �t� le cas, ni le GPRA ni le CNRA ni m�me l�EMG n�auraient pu avoir longtemps leur raison d��tre, � tout le moins ils seraient rest�s des organes totalement subordonn�s � la direction int�rieure et priv�s d�une quelconque autonomie de d�cision. L�internationalisation du conflit alg�rien devait �tre, dans l�esprit d�Abane, un simple prolongement de la lutte arm�e. Or, les circonstances du combat anticolonial (c'est-�-dire la sup�riorit� �crasante de l�arm�e fran�aise) ont fait que l�internationalisation du conflit �tait la seule issue r�aliste. Il �tait normal, d�s lors, qu�� mesure qu�on se rapprochait de l�instant fatidique, des conflits de l�gitimit� s�exprimassent et que ce fut le segment du FLN/ALN le plus soud�, le plus coh�rent et le plus orient� vers la construction d�un �tat fort et viable qui l�emport�t.
Faire diversion n�est pas lutter contre la culture de l�amn�sie, c�est l�entretenir
Si l�entreprise du Dr Sadi s��tait limit�e � une biographie du colonel Amirouche, tout ce que l�Alg�rie compte d�opinions impartiales auraient lou� cette initiative, surtout que l�auteur a proc�d� � des recherches approfondies, livr� des documents in�dits et recueilli de nombreux t�moignages (dont celui du regrett� Mustapha Laliam) qui sont dignes de foi. Malheureusement, ce r�cit est surtout l�occasion pour le pr�sident du RCD de r�gler des comptes post mortem avec le pr�sident Boumedi�ne qui n�est plus l� pour r�pondre, alors que le t�moignage du colonel A. Bencherif para�t d�autant plus sujet � caution, que H. Boumedi�ne l�avait �cart� du commandement de la Gendarmerie nationale, en 1977. Ceci dit, on ne peut que s��tonner que le pr�sident du RCD prenne parti dans les querelles internes au s�rail, au sein duquel il pense pouvoir s�parer le bon grain de l�ivraie, apr�s avoir, pourtant, vou� aux g�monies l�ensemble des �lites dirigeantes issues de deux pr�tendus coups d��tat, celui de 1962 (contre le GPRA) et celui de 1965 (contre A. Ben Bella). La pseudo-r�plique du colonel Chadli � l�invite du pr�sident Boumedi�ne de se pr�parer � quitter l�institution militaire est r�cup�r�e par S. Sadi pour planter une banderille de plus sur le tombeau de H. Boumedi�ne, comme s�il s�agissait pour lui de voler au secours d�un d�mocrate patent�, alors que c�est sous le r�gime de Chadli que S. Sadi a �t� emprisonn� et tortur�. Qu�il sache, en tout cas, que le pr�sident Boumedi�ne s�appr�tait � renouveler le personnel politique dirigeant et � amorcer une graduelle mais r�elle d�mocratisation du r�gime, en se gardant, toutefois, de brutaliser le cours de l�histoire. Le pr�sident Boumedi�ne est d�c�d� il y a pr�s de 32 ans. Les occasions qui se sont pr�sent�es � ses successeurs de faire repartir l�Alg�rie du bon pied auront �t� nombreuses mais aucune, semble-t- il, n�a �t� saisie. Il n�est pas plus acceptable de faire endosser au colonialisme fran�ais l�ensemble des errements de l�ind�pendance que d�attribuer au pr�sident Boumedi�ne les causes de l�impasse dans laquelle se serait, selon le Dr Sadi, enferr� notre pays. Le r�quisitoire contre H. Boumedi�ne aurait �t� admissible s�il avait �man� de personnalit�s pouvant se pr�valoir d�une autorit� morale incontestable et d��tats de services d�montrant leur attachement aux valeurs de la libert� et de la d�mocratie. Or, il n�en est rien. Quel bilan peuvent pr�senter aujourd�hui les partis autoproclam�s d�mocratiques, et ce, depuis 1989 ? Ont-ils, par exemple, cr�� des �coles de formation pour les jeunes citoyens avec au programme l�initiation � l�histoire de l�Alg�rie, afin de pouvoir pr�venir pr�cis�ment et de lutter contre la culture de l�oubli et la manipulation de l�histoire ? Ont-ils contribu� � l��ducation du public ? Ont-ils renouvel� leur personnel dirigeant ? Ontils expliqu� � leurs adh�rents d�abord, � leurs sympathisants ensuite, les nombreux retournements tactiques qui ont �maill� leurs itin�raires respectifs ? S. Sadi n�a-t-il pas cautionn� la candidature de A. Bouteflika � la magistrature supr�me en 1999 en lui apportant un soutien sans r�serve jusqu�en 2001, prenant alors pr�texte des �v�nements de Kabylie pour se retirer. Ignorait-il, � ce moment-l�, le pass� qu�il juge aujourd�hui peu glorieux de l�ancien compagnon de H. Boumedi�ne ? Tel parti aujourd�hui dirig� et ceci depuis 1963 par un za�m, qui plus est, � partir du territoire helv�tique, peut-il interpeller les dirigeants politiques actuels � propos de leur exceptionnelle long�vit� au pouvoir ? Tout cela qui exige beaucoup d�efforts, de patience et une asc�se intellectuelle et morale exigeante, ne peut �videmment se ramener � une vaste op�ration de diversion consistant pour ses auteurs � exhumer, selon un tempo qu�ils sont les seuls � ma�triser, des �v�nements douloureux de notre pass�. Cette entreprise, parce qu�elle est encombr�e d�arri�re-pens�es, n�a que peu � voir, m�me si elle sacrifie � quelques v�rit�s, parfois oubli�es, avec la r�habilitation de la r�alit� historique.
A. M.


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