Savez-vous que l'Australie autorise ses citoyens à changer quatre fois par an leurs noms sur les papiers officiels, ce qui leur permet de disposer à chaque fois de nouvelles identités et de nouveaux passeports ? Le cas de l'agent du Mossad Ben Zygier, tué dans les geôles israéliennes, nous renseigne sur le degré de délabrement du système australien et constitue un fait inédit dans l'histoire de l'identification des ressortissants d'un pays. Zygier a été recruté par le Mossad et grâce à ses quatre passeports australiens, chacun portant un nom différent (Ben Zygier, Ben Allen, Ben Alon, Benjamin Burrows), il a pu espionner pour le compte du Mossad. L'affaire Zygier met à jour un énorme scandale : l'utilisation par le Mossad de passeports australiens renouvelables sous des noms différents, ce qui leur permet d'accomplir des assassinats et autres basses besognes avec la complicité de juifs possédant la double nationalité australienne et israélienne. Selon la presse australienne, Zygier s'apprêtait à révéler les abus et autres opérations mafieuses du Mossad dans l'utilisation de ces passeports pour ses agents. C'est ce qui l'a tué. Dorénavant, les détenteurs de passeports australiens, surtout ceux qui visitent des pays ennemis d'Israël (Syrie, Liban, Iran...) seront des suspects potentiels. Les changements de nom sur les passeports de Zygier ne sont pas passé inaperçus des services de renseignements australiens (ASIO) qui l'ont questionné notamment sur ses activités dans des pays comme le Liban et l'Iran où il a pu séjourner grâce à ses multiples passeports. L'ASIO suspectait Zygier d'espionner pour le compte du Mossad de même que trois autres juifs australiens binationaux qui avaient émigré en Israël pendant la dernière décennie. Ces derniers étaient également retournés en Australie pour changer leur nom sur leurs passeports et ainsi obtenir de nouveaux. D'après The Sydney Morning Herald et autres médias, l'ASIO suspectait Zygier de vouloir révéler des informations sur les modes opératoires du Mossad, notamment sur l'utilisation de passeports étrangers comme ceux d'Australie, soit au gouvernement australien soit aux médias avant qu'il ne soit kidnappé et ramené manu militari en Israël, embastillé et quelques mois plus tard «suicidé». Selon un officier des renseignements australien dont les paroles ont été reprises par Fairfax Media, M. Zygier «pourrait avoir été sur le point de faire des révélations mais il n'en a jamais eu la possibilité». Huit jours après la révélation par la police de Dubaï que des agents du Mossad suspectés d'avoir assassiné un responsable du Hamas avaient utilisé des passeports australiens, le Mossad a informé l'ASIO de l'arrestation de Zygier sans fournir les détails des charges portées contre lui. A l'époque, les relations entre l'Australie et Israël étaient très tendues à cause de cette utilisation de passeports australiens pour l'assassinat de l'un des commandants du Hamas, Mahmoud al-Mabhouh à Dubaï. Le responsable du bureau de liaison de l'ASIO à Tel Aviv a été prévenu de l'emprisonnement de Zygier par le Shin Bet. Il a pu être victime d'un règlement de comptes entre les services de renseignements australiens et le Mossad, car l'Australie, furieuse de l'utilisation frauduleuse de ses passeports par les tueurs du Mossad, avait expulsé en mai 2010 le conseiller de l'ambassade israélienne Eli Elkoubi qui était également officier des services de renseignements à l'étranger du Mossad. Tel Aviv s'était plaint que le nom et la fonction au sein du Mossad d'ElKoubi aient été révélés et publiés dans un journal le Canberra Times. Autrement dit, l'Australie a décidé de griller l'un des hauts officiers du Mossad. Ben Zygier avait changé de nom et de passeport trois fois. Parmi les trois autres Australiens devenus également Israéliens et sous surveillance de l'ASIO, un autre aussi en avait changé trois fois, et les autres deux fois pour des noms à consonance anglo-australienne au lieu de juive européenne. A l'évidence, s'ils travaillent pour le Mossad et sont envoyés dans des pays arabes et ou musulmans, cela leur permet de ne pas être suspectés et refoulés. Dans chacun des cas, ces hommes avaient utilisé leurs nouveaux passeports pour se rendre en Iran, en Syrie, au Liban, soit des pays qui ne reconnaissent pas Israël ou refusent l'entrée à quiconque présentant un passeport portant un tampon de séjour en Israël. L'agence australienne Fairfax Media, qui a suivi de près toute ces affaires de passeports, avait enquêté sur ces hommes et leurs liens avec une société européenne qui vendait du matériel électronique en Iran et qui servait de couverture pour les activités d'espionnage du Mossad. Ce qui fait dire aux médias israéliens que l'Iran va pouvoir remonter cette filière et démasquer les espions. Toujours selon l'agence, Zygier était entré en Australie en 2009 sous prétexte d'obtenir un MBA à l'université Monash et était entré en relation avec un groupe d'étudiants d'Arabie Saoudite et d'Iran sur le campus universitaire Caulfield. Idem pour les trois autres binationaux cités ci-dessus qui travaillaient aussi pour le Mossad. Un officier des renseignements israéliens avait dit à Fairfax en 2010, lors de l'affaire de Dubaï, qu'il est notoire que le Mossad contacte des juifs venus d'autres pays s'installer en Israël pour qu'ils l'aident en lui confiant leurs passeports. «Leurs noms sont utilisés plus tard mais les personnes elles-mêmes ne sont pas impliquées», avait-il expliqué. Ce n'est pas le cas de Zygier qui était sous surveillance de l'ASIO depuis au moins six mois avant l'assassinat de Dubaï. Selon la TV australienne ABC, Zygier aurait fourni des informations à l'ASIO (services secrets australiens) sur différents plans du Mossad dont une importante opération en Italie. C'est probablement pour avoir été «retourné» par l'ASIO que le Mossad a «suicidé» Zygier et que l'Australie – soutien inconditionnel au régime sioniste –, qui avait eu connaissance de son arrestation et de sa détention, n'a rien fait pour le sortir de prison. On apprend par ailleurs sur le site du Crif, que «l'Allemagne a proposé ses services consulaires aux ressortissants israéliens qui se heurteraient à des difficultés dans les pays avec lesquels Israël n'a pas de relations diplomatiques». Est-ce à dire que l'Allemagne serait prête à fournir une couverture diplomatique aux agents du Mossad «ressortissants israéliens» qui ne disposent pas d'une double nationalité comme c'était le cas de Ben Zygier et d'autres ? Dans une interview avec la chaîne australienne ABC, l'ancien ministre des Affaires étrangères Alexandre Downer a estimé que «Ben Zygier aurait commis un acte qui lui aurait valu une telle peine», notant qu'«il avait dans le temps (dans les années 2005-2007) dévoilé l'utilisation par le Mossad de passeports australiens vrais et faux et qu'Israël avait reçu des avertissements à cet égard». Toujours selon ABC, «Ben Zygier avait coopéré avec l'intelligence australienne et fourni des détails sur les opérations du Mossad, notamment une opération de grande envergure en Italie qui se préparait depuis des années». La famille de Ben Zygier a décidé de rompre le silence en contactant le correspondant du quotidien israélien, le Yediot Ahronot, ce mardi, pour lui dire «qu'elle exige qu'Israël révèle toute la vérité et qu'elle attendait la publication des résultats de la commission d'enquête israélienne avec impatience». Le ministre de la Sécurité intérieure israélien, Yitzhak Aharonovitch, a assuré «qu'aucun prisonnier X, c'est-à-dire détenu sous un faux nom, n'est actuellement emprisonné en Israël ». «Il n'y a pas de détenus anonymes en Israël», a affirmé le ministre dont les propos ont été diffusés par la radio publique israélienne. D'après lui, «il y a une supervision appropriée (sur les prisons), la loi est respectée, il y a également un grand souci pour la sécurité de l'Etat d'Israël qui pour se protéger mène parfois des actions secrètes». Le quotidien Maariv, citant des responsables des services pénitentiaires, affirme pour sa part que Ben Zygier se serait pendu à l'aide de draps dans les toilettes de sa cellule qui n'étaient pas équipées de caméras. Le quotidien a précisé que les services pénitentiaires n'ont pas été informés d'éventuelles «tendances suicidaires» du détenu. M. Aharonovitch, dont le ministère est responsable des services pénitentiaires, a réaffirmé que le rapport sur le décès de Ben Zygier rédigé par une juge avait conclu à son suicide. «Il est possible que ce rapport soit rendu public prochainement dans sa totalité ou partiellement», a ajouté le ministre. Notons, par ailleurs, que le même ministre, après avoir déclaré qu'il n'y avait pas prisonnier X dans les prisons israéliennes, se contredit avec brio en affirmant que Ben Zygier a accepté d'être détenu sous un faux nom afin de protéger la sécurité nationale et sa famille. Il a également consenti à l'ordre d'interdiction de publication sur son affaire, qui a été ensuite confirmé par la présidente de la Cour suprême, Dorit Beinish. Rappelons que les médias israéliens avaient auparavant révélé que Ben Zygier ne serait pas le seul détenu X en «Israël» ! A la lumière de ce scandale gigantesque, peut-on concevoir une politique de coordination de la lutte antiterroriste à travers le monde, sachant que certains Etats offrent des passeports à volonté à leurs citoyens ? L'Australie vient de nous démontrer les défaillances de son système et son impact néfaste sur la sécurité mondiale. Nous devons attirer l'attention des autorités algériennes sur ce précédent dangereux pour notre sécurité tout en sachant que notre pays ne reconnaît pas l'Etat d'Israël et on se demande si nous n'avons pas déjà été ciblés par cette grande opération du Mossad. Nous n'arrêterons jamais de réclamer une vigilance implacable, notamment sur l'utilisation des passeports australiens à des fins de déstabilisation des Etats et l'Algérie devrait contrôler rigoureusement dans ses points d'accès au territoire, tout individu porteur d'un passeport australien. A bon entendeur... Le repas de l'un est poison pour l'autre, proverbe australien.