Le médecin-chef du service de médecine légale du CHU de Tizi Ouzou, le Pr Brahim Boulassel, a recommandé, hier, la mise en place d'unités de protection de l'enfance à l'échelle nationale, afin d'assurer pour chaque enfant, victime ou menacé, les prestations spécifiques d'une prise en charge intégrale, multidisciplinaire, ainsi que de centres d'accueil spécialisés dans les abus sexuels chez les enfants. Ces unités, a-t-il dit, auront pour mission le suivi et l'évaluation, l'accueil, l'écoute, le diagnostic et l'accompagnement médical, juridique et psychologique. Il s'exprimait lors de la 3e journée nationale de la pédopsychiatrie organisée par le CHU de Tizi Ouzou sous le thème : «Des violences à l'encontre des enfants». S'appuyant sur une étude rétrospective ayant porté sur 146 cas d'agressions sexuelles des mineurs, colligés au service de médecine légale du CHU Nédir-Mohamed de Tizi Ouzou sur une période de 36 mois (janvier 2009/ décembre 2011), le Pr Boulassel a indiqué dans sa communication intitulée «violences sexuelles sur mineurs, à propos de 146 cas», que ce type de violence sur mineurs constitue un des drames de la société à tous les niveaux, tant, a-t-il estimé, «l'enfant peut subir des abus sexuels de plusieurs manières, abus sexuel sans ou avec violence, exploitation sexuelle à des fins lucratives, etc.». Sur les 146 victimes examinées au service, dont 70 sont de sexe masculin, précise le conférencier, «30% des cas nous ont été adressés sur réquisition judiciaire, alors que le reste, soit, 70% des victimes, l'ont été sur mode libre». «La moyenne d'âge des victimes de ce type de violence était de 8 à 5 ans avec des extrêmes allant de 11 mois à 17 ans», a-t-il poursuivi. L'étude a révélé que dans 86% de ces victimes, l'agresseur était unique, connu dans 86,3% des cas et appartenait à la famille de la victime dans 12,3% des cas. «Le lieu de l'agression était le plus souvent le lieu public avec 29% des cas examinés durant cette période, le domicile de l'agresseur dans 23% des cas et le domicile de la victime dans 3,4% des cas», fait observer le Pr Boulassel. «Habituellement, les agressions sexuelles sur mineurs en bas âge sont dominées par les attouchements sexuels. Plus l'âge de l'enfant tend vers l'adolescence, plus la fréquence des pénétrations sexuelles augmente», fait observer le Pr Boulassel qui fait cas d'un taux élevé d'attouchements sexuels seuls, 74% des 146 victimes examinées au service. L'agression sexuelle se déroulait dans un contexte de violence physique dans 13% des cas alors que dans 26% des cas, l'abus sexuel consistait en une pénétration sexuelle ; le reste des cas de ces agressions se manifestaient sous forme d'attouchements sexuels, selon le conférencier. Considérant que «le but de la prise en charge de ces victimes dépasse la simple approche thérapeutique et psychosociale», et «vise la matérialisation de l'infraction en apportant la preuve du rapport sexuel, le recueil des éléments permettant l'identification de l'auteur et la recherche des éléments de préjudice subi par la victime et défini par rapport à l'état antérieur». Est qualifié d'abus sexuel la participation d'un enfant ou d'un adolescent mineur à des activités sexuelles qu'il n'est pas en mesure de comprendre, inappropriées à son âge et à son développement psychosexuel, transgressant les tabous sociaux, ou qu'il subit sous la contrainte par violence ou par séduction. «La violence sexuelle est l'une des pires formes de violence qui peuvent être infligées aux enfants. Elle se manifeste sous de nombreuses formes, l'inceste, la pornographie, la prostitution, la traite des êtres humains et/ou l'exploitation, et les abus sexuels, avec ou sans contact physique et avec ou sans violence», a estimé encore le conférencier. Notons, par ailleurs, qu'en 2012 le service de médecine légale du CHU de Tizi Ouzou a recensé 17 cas de violence sexuelle sur 92 cas examinés.