Il a marqué à vie tous ceux qui l'ont connu de près ou de loin par sa vaste culture, son franc parler, ses sautes d'humeur. Il n'admettait les contrariétés infondées tant il avait de la personnalité. On l'a vu intervenir dans des conférences pour apporter un plus d'éclaircissement, contredire avec arguments convaincants à l'appui, donner un point de vue pertinent. Une fois, c'était avec Vincent Monteil, traducteur de l'arabe au français ou inversement de nombreuses œuvres d'écrivains éminents et de la trempe de Taha Hocine. Il avait reproché au conférencier de n'avoir pas cité dans une anthologie Ibn El Arabi, considéré comme une sommité de la culture musulmane. Une autre fois, il s'était accroché avec l'écrivain Boudjedra à propos de littérature dont il n'avait pas jugé claire la présentation concernant la thématique ou la chronologie. Avec Momo, on n'avait pas intérêt à badiner ou à bredouiller. Un itinéraire, une œuvre digne des grands maîtres Effectivement, il était maître de la poésie et le théâtre classique n'avait aucun secret pour lui. On n'a pas beaucoup parlé de lui comme acteur de théâtre, alors qu'il l'a été brillamment comme au cinéma. Aux côtés de Ben Mabrouk, un autre enfant de La Casbah, d'Ouerdia, il a été une figure de proue par ses rôles, sa stature, ses répliques faciles, dans les grands films algériens. Son œuvre poétique immense avait été éparpillée, il a fallu à l'auteur de ce livre faire un travail de récupération de longue haleine pour reconstituer toute sinon une partie de la production de Himoud Brahimi, étalée sur des années de composition. Mais la poésie coulait de lui comme l'eau de roche tant il avait des prédispositions pour ce genre esthétique. Il était sensible aux phénomènes naturels relevant du beau, comme les levers de soleils lorsque l'horizon était couvert de quelques nuages qui laissaient parcimonieusement passer quelques rayons de soleil en polychrome, parce que cela donnait un ensemble de couleurs comparables à celles de l'arc en ciel. Quelqu'un qui avait beaucoup d'admiration pour lui l'avait surpris en train de contempler le soleil qui commençait à peine à apparaître à l'horizon ; au-dessus de la mer, cela ajoutait quelques nuances qu'on ne peut découvrir que si l'on y prête attention. «Himoud Brahimi n'était pas uniquement le poète de La Casbah que nous connaissons c'était aussi le métaphysicien que nous ignorions. Momo, un personnage que nous redécouvrons toujours, sans cesse», dit l'auteur dans sa biographie qu'il lui a consacrée». «Mienne la Casbah» disait-il à chaque fois qu'il parlait de cette cité ancienne qu'il l'a vu naître et avec laquelle il entretenait des liens fusionnels. Dans une conférence qu'il avait brillamment présentée devant un nombreux public, il avait parlé de 200 fontaines à La Casbah d'antan et des fontaines alimentées constamment et qu'il aimait évoquer comme symboles de la vie, de la beauté des sites historiques. A cette Casbah qu'il aimait passionnément, il a fait honneur par sa participation active, à la réalisation de films algériens bien réussis. Son rôle d'acteur émérite avait été valorisant. Parmi ses meilleurs films, on va en citer quelques-uns pour lesquels il a été déterminant. Tahya ya didou, Alger insolite dont le poème : «Ta-t-on dit, mienne Casbah, dis, t'a-t-on dit l'amour ? Je t'aime comme l'épouse qui pose son regard/Apaisé sur les prunelles de l'époux » a été l'élément déclencheur, utile à la réalisation du film. Les Plongeurs du désert est un grand film inspiré des dons d'apneïste de Momo et du record qu'il a battu dans ce domaine. Le cinéma algérien est né avec ce film, d'après lui. Son réalisateur Tahar Hannache, disparu le 7 février 2008, a failli mourir dans l'anonymat s'il n'y avait pas eu ce livre, et un article du quotidien El Watan, qui déplore cette indifférence au personnage illustre. Une poésie dédiée à sa Casbah, par ami interposé Il y a celui qui commence par Mienne Casbah, à Paul Gnion et le Corbusier. A titre d'exemple d'originalité et de beauté, cet extrait jugé beau : «Dis-moi mienne Casbah, aurais-tu le geste de nous quitter, nous laissant comme des orphelins, sans patios, sans terrasses et sans les gardiens vigilants aimés par nos maisons ? Dis-moi ce que tu ressens, je saurais le rapporter.» (recueil y a Bahyati). Amar Belkhodja a élaboré ce recueil peut-être dans l'ordre de récupération des poèmes auprès des amis de Momo. Toutefois, le livre présente une chronologie : de 1946 à 1996. Lorsqu'on les lit de bout en bout, on se rend compte d'une évolution. Il dédie des poèmes, non pas seulement à La Casbah, mais à la ville d'Alger, sous des titres évocateurs : architecture, révérence. Il lui est arrivé d'appeler sa Casbah par un titre très affectueux comme «Ma Colombe», quand donc comprendras-tu ?, «Ton nom», daté de 1948 à Marrakech. Himoud Brahimi a beaucoup voyagé et beaucoup de ses poèmes ont été composés à Marrakech en 1948, Paris 1949 à Si tu savais». Faire une étude exhaustive de la production poétique de Momo et parler de sa longue carrière dramatique et cinématographique est une gageure. C'est une équipe de chercheurs de divers domaines qui devraient s'atteler à ce travail d'investigation gigantesque, tant chaque composition recèle des secrets à décrypter, d'un langage bien ciselé, fait de métaphores, de symboles ou de paraboles à interpréter avec beaucoup de savoir-faire. On ne peut pas terminer sans relever cette belle citation : «Il vaut mieux aider un homme qui reconnaît avoir été le véhicule d'une erreur que de seconder un autre qui prétend diriger la vérité.» (Momo). Amar Belkhodja, Momo Le poète Béni, poésie, Ed. El Ibriz – Alger, 142 pages, 2013.