Un nouvel attentat a frappé jeudi la banlieue sud de Beyrouth faisant quatre morts, le quatrième à viser en six mois ce fief du mouvement chiite libanais Hezbollah engagé dans la guerre en Syrie voisine contre les rebelles. Depuis cet engagement du Hezbollah aux côtés du régime de Bachar al-Assad, le Liban a été ébranlé par une vague d'attentats, et les détracteurs de cette formation l'accusent d'avoir, par cette implication, entraîné le pays dans la violence. De plus, le pays est sans gouvernement depuis huit mois, en raison notamment des profondes divisions sur le conflit syrien entre le Hezbollah et le camp rival mené par le sunnite Saad Hariri. Après l'attentat, le Hezbollah a appelé à un «cabinet d'union nationale» pour éviter la «destruction» du Liban, un scénario rejeté par la coalition de M. Hariri qui a mis en cause le parti chiite dans l'assassinat vendredi d'un de ses membres, Mohammad Chatah. Le Hezbollah a démenti. Vers 16h15 (14h15 GMT), «un 4x4 a explosé dans la rue très fréquentée d'Al-Aarid dans le quartier de Haret Hreik», dans la banlieue sud de Beyrouth, selon l'Agence nationale d'information (ANI). Le ministre de la Santé Ali Hassan Khalil a fait état de quatre morts et de 77 blessés. Possible attentat suicide Selon le ministre de l'Intérieur Marwan Charbel, l'enquête «tend vers l'hypothèse d'un attentat suicide en raison de la présence de restes humains dans une voiture». L'armée libanaise a affirmé que la voiture piégée, une Jeep Grand Cherokee, contenait «20 kg d'explosifs». Dans la rue commerçante visée par l'attaque, la façade de trois immeubles a été dévastée ou complètement noircie, et cinq voitures ont été endommagées dont une complètement carbonisée. Une foule en panique s'est rassemblée autour des lieux, une zone densément peuplée. La banlieue sud de Beyrouth était devenue une forteresse de sécurité après un premier attentat en juillet, mais les mesures draconiennes de sécurité n'ont pas empêché trois autres attaques de s'y produire. Avant la guerre de 2006 qui a opposé le Hezbollah et Israël, le secteur de Haret Hreik abritait les principales institutions du parti. L'attentat s'est d'ailleurs produit à 200 mètres du Conseil politique du Hezbollah. L'attaque de jeudi a été condamnée par les Occidentaux et l'ONU, alors que le président libanais Michel Sleimane a affirmé que «la main du terrorisme est la même qui sème la mort dans toutes les régions libanaises». Risque de confrontation totale Les Etats-Unis, qui considèrent le Hezbollah comme un «groupe terroriste», ont condamné l'attentat et l'ambassadeur de Grande-Bretagne Tom Fletcher l'a qualifié d'«inhumain». Paris a demandé aux Libanais d'«éviter une escalade de la violence» et le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a appelé à la retenue. Le 19 novembre, un double attentat suicide revendiqué par un groupe lié à Al-Qaïda, les Brigades Abdallah Azzam, a visé l'ambassade d'Iran dans un fief du Hezbollah, faisant 25 morts. Mercredi, les autorités libanaises ont annoncé l'arrestation du chef du groupe, Maged al-Maged. Le 23 août, un double attentat à la voiture piégée à Tripoli a fait 45 morts. Le 15 août, 27 personnes ont péri dans un attentat à la voiture piégée dans la banlieue sud de Beyrouth. Le 9 juillet, un attentat dans cette même zone a fait une cinquantaine de blessés. Jeudi, tout en qualifiant l'attentat de Haret Hreik d' d'«acte diabolique», M. Hariri a répété que les morts sont «des victimes de l'implication (du Hezbollah) dans des guerres extérieures». Le Hezbollah affirme que sa lutte aux côtés du régime syrien vise à combattre des «extrémistes» sunnites qui menacent la sécurité du Liban. Les attentats des six derniers mois ont exacerbé la division déjà profonde au Liban entre pro et anti-Assad, mais aussi les tensions entre chiites et sunnites. «Le Liban est entré dans une dangereuse phase d'attaques et de contre-attaques», affirme Lina Khatib, directrice du centre Carnegie pour le Moyen-Orient. «Les tensions politiques et confessionnelles risquent de se transformer en une confrontation totale».