De l'intérieur, le système ne change pas. De l'extérieur, le système ne change pas. Par des émeutes, le système ne change pas. Par des élections, le système ne change pas. Par des conflits durables ? C'est trop dangereux pour le pays, les exemples dans notre voisinage ne manquent pas. Et alors, s'il est avéré qu'il ne peut y avoir de changement du système même en passant par des conflits éventuellement durables ? De toute façon, aucune partie n'est réellement prête à aller vers l'aventure, mais aucune d'elle n'est disponible à abandonner. Il en est autant du passage de l'autoritarisme vers l'islamisme que vers la démocratie. Un constat est à faire. Aucune transition n'a encore abouti dans les pays arabes. Tous les pays arabes qui disaient s'être engagés dans un processus de démocratisation n'ont jamais pu faire aboutir celui-ci. Pourquoi ce ratage ? D'abord, aucun pouvoir en place n'a admis d'accepter de s'appliquer le processus d'euthanasie politique. Il est prêt à élaborer lui-même les réformes politiques selon sa propre conception et à en conduire lui-même leur mise en œuvre. Bien entendu, il les conduira selon le rythme qu'il aura défini lui-même. Même le contenu du concept de démocratie sera défini par lui-même. Peut-on être juge et partie ? Apparemment non en termes de stabilité et de sécurité, car aucun pays arabe engagé dans une transition n'a connu de période sereine. Nous disons bien aucun. Durant cette phase de transition, les lois en vigueur ne changent pas à la même vitesse que les mutations politiques qui voudraient court-circuiter les différentes étapes indispensables à l'apprentissage des acteurs et des populations. Pour les personnalités et les partis politiques d'opposition, le modèle de fonctionnement de la démocratie est à puiser dans les pays occidentaux. Bien entendu, ils ne tiennent pas compte que ces pays ont des siècles de fonctionnement proche de la démocratie. Le Parlement britannique a plusieurs siècles d'existence. Les phases de transition sont les plus dangereuses car rien ne correspond à rien, en termes de planification. On ne peut pas planifier ce qui n'est pas technique. L'Algérie est passée par là. L'Egypte est dans un cheminement périlleux. La Tunisie n'en est pas sortie, mais elle a tout tenté pour ne pas déraper... La Syrie, la Libye sont en cours de chute dans la guerre civile. Les pays du Golfe n'en sont pas immunisés. Le Maroc non plus. D'ailleurs, l'offre des pays du Golfe à la Jordanie et au Maroc de rejoindre le CCG est un signe probant de l'immense peur que leurs populations ne réussissent à renverser le régime politique. Au regard des pays qui ont initié la démocratisation sous la contrainte, c'est l'islamisme qui en profite et non la démocratie. Passage obligé ? Trois déterminations s'affrontent en Egypte. Un véritable bras de fer. Les populations ne veulent pas céder. Certaines veulent l'islamisme, d'autres la démocratie etc., les autres encore sont lignées sur l'armée pour ne pas sombrer. Ni les démocrates ne sont rentrés à la maison, ni les islamistes ne sont rentrés à la maison, ni les alignés sur l'armée ne sont rentrés à la maison, ni l'armée à la caserne. Pourquoi faudrait-il sauver le système politique et placer l'armée dans la situation où elle garde le contrôle sur les mutations possibles du système politique ? Les raisons sont d'abord de politique extérieure. Les relations avec Israël seront maintenues. Pas question de ré-impliquer l'Egypte dans une guerre avec cet Etat. Pas question de modifier les orientations politiques, les relations avec les Etats-Unis. Pas question de renverser les alliances, de s'extraire du rôle qui lui est prêté de pivot dans l'architecture régionale de sécurité définie par les Américains.