Pour en être arrivés à une telle situation, des décisions prises ont certainement été erronées, car cela serait grave si elles étaient intentionnées. Décisions erronées, donc analyses erronées. Erreurs d'analyse ? Assez graves même, car depuis longtemps, trop longtemps, les attentions étaient détournées du réel, donc des thérapies véritables à élaborer et mettre en œuvre. Depuis longtemps, la focalisation sur l'islamisme était excentrée par rapport à la manœuvre principale qui est celle de ménager, et donc de ne pas prendre pour cible l'autoritarisme. Les décideurs (le pouvoir d'une manière large ?) avaient imposé leur grille de lecture, défini le cadre dans lequel devraient évoluer les réflexions stratégiques. Aujourd'hui, c'est la focalisation sur les services de sécurité qui constitue une opération excentrée par rapport à la manœuvre principale qui est celle de détourner les attentions sur la corruption et sur les batailles autour des enjeux de pouvoir. Très forte, l'institution en charge de telles orientations, vraiment capable d'influence sur les élites pour que ceux-ci en font leurs convictions. Depuis longtemps, tout a été fait pour décrire le champ politique comme théâtre d'opérations semi-clandestines autour d'enjeux liés à l'idéologie et à la nature de l'Etat. Une logique démocratie-islamisme ? C'est ce qui avait été tenté d'en faire une vérité, alors qu'il s'agit d'une logique «autoritarisme, autoritarisme». La démocratie n'a pas de place dans cette conjoncture. Ou la continuité du système du parti unique qu'on ne peut pas qualifier de démocratique, loin de là même, ou un pluralisme politique d'expression avec un parti unique de gouvernement. Un système autoritariste est conscient qu'il est soumis à deux menaces. Ce sont la démocratie et l'islamisme. Cela est valable dans tous les pays arabes. Il convainc les islamistes que l'ennemi commun est la démocratie porteuse de la laïcité et il convainc les démocrates que l'ennemi est l'islamisme, porteur de l'intégrisme, de la régression et du terrorisme. Les régimes voudraient bien que les évolutions politiques suivent toujours un processus linéaire, l'avenir devant être la réédition du passé, avec juste une certaine amélioration. Dans cette vision, les forces de sécurité devraient toujours être disponibles pour réprimer les opposants, toutes catégories confondues.