Les combattants du Hezbollah et les miliciens d'Al-Qaïda ne se sont jamais affrontés avant la guerre en Syrie. C'est dans ce pays, surtout dans la Ghouta, Alep et le Qalamoun, que les deux camps ont pris connaissance des capacités et des atouts de force l'un de l'autre. Pour les rebelles radicaux, les éléments du Hezbollah combattent sous l'effet de la captagone, alors que les combattants de la résistance libanaise voient en l'autre camp «des fous qui portent des cuillères dans leurs poches dans le but de prendre le repas avec le prophète» ! «Le Hezbollah est takfiri», voilà ce que disent les combattants d'Al-Qaïda de ce parti libanais. Et les combattants du Hezbollah disent de même sur les membres de l'organisation du «djihad mondial». Dans toutes les batailles qui ont opposé ces deux parties, c'est le Hezbollah qui sortait triomphant. «Mais perdre une bataille ne signifie pas perdre la guerre... nous sommes la communauté victorieuse», prétendent les éléments d'Al-Qaïda interviewés par le journaliste du quotidien «Al-Akhbar» Redwane Mortada. Un Libanais du front al-Nosra raconte : «Certains hommes armés du Hezbollah sont comme possédés par un djinn. Dans l'une des batailles contre eux, je les ai vus comment ils poursuivaient leur route alors qu'ils essuyaient des tirs nourris de notre côté. Nous avons atteint trois d'entre eux et les autres ont continué leur chemin. Seul un fou se comporte ainsi. Ils possèdent une audace inégalée. Je l'admets». Mais son ami l'interrompt : «Certes ils abusent de la drogue...de la captagone». «C'est vous qui êtes suspectés de vous adonner aux stupéfiants», réplique le journaliste. Le premier combattant répond : «la drogue est prohibée chez nous comme chez eux. Même s'il est ton ennemi, tu dois être juste envers lui». Pendant les combats dans le Qalamoun, les habitants de la Bekaa confirment que tous les miliciens de l'opposition syrienne ont pris la fuite, à l'exception des combattants du front al-Nosra et de la Brigade verte, tous deux affiliés à Al-Qaïda. Mais après quelques jours de la bataille, ils se sont évadés à leur tour. L'un des blessés dans la bataille de Sahl, transporté à un hôpital d'Ersal, rapporte que les combattants du Hezbollah possèdent «une intensité de feu si importante que tu as l'impression que le ciel pleut du feu. De plus, ils comptent sur les traîtres parmi nous», indique-t-il. Un autre jeune de la Bekaa de l'ouest ayant combattu en Syrie témoigne à son tour : «La différence est grande entre un élément du Hezbollah et d'Al-Qaïda. Leur nombre est plus grand, leurs armes sont plus fortes et plus sophistiquées. Ils possèdent des avions, des chars, des roquettes Volcan et d'autres roquettes dont on ne connaît rien. Leurs habits, leurs armes, leurs repas coûtent des milliers de dollars, alors que le membre d'Al-Qaïda paie de son propre argent pour acheter une arme et des munitions »! «Le Hezbollah est takfiri et n'hésitera pas à nous égorger nous tous», poursuit-il avant d'admettre que son camp égorge «pour terrifier l'ennemi!» Dans l'autre camp, les combattants du Hezbollah voient en Al-Qaïda «un monstre en papier amplifié par les médias». «Les membres de l'armée syrienne libre sont des amateurs, alors que les salafistes sont plus féroces parce qu'ils sont dogmatiques. Mais ils ne sont pas organisés, et aucun d'entre eux ne tient bon devant l'intensité de feu, même s'ils possèdent des cœurs de pierre», assure un combattant du Hezbollah ayant pris part à la bataille dans le Qalamoune. Celui-ci parle de «la folie des miliciens d'Al-Qaïda». «Ils attaquent en dizaines et meurent en dizaines sans que leur flux ne s'arrête. Ta main se fatigue à force de tirer. On les distingue par leurs longues barbes et leur bannière». «Leur seul atout de force est les attentats terroristes, les voitures piégées et les opérations kamikazes», dit un deuxième jeune combattant du Hezbollah. Un troisième combattant affirme par ailleurs qu'Al-Qaida «excelle dans les meurtres et la violence féroce dans les régions soumises à son contrôle seulement, alors que dans la confrontation directe avec nous, ils sont très faibles». La confrontation entre le Hezbollah et Al-Qaïda est inéluctable de point de vue des deux camps. En effet, c'est une guerre existentielle dans laquelle chaque camp œuvre pour éliminer l'autre par tous les moyens disponibles.