Dans le cadre de la révision de la Constitution, des consultations ont été entreprises par la présidence de la République. Si cela a été accueilli favorablement par la classe politique, la société civile et une grande partie de la population s'interrogent sur les invitations adressées aux chefs de groupes terroristes, aux dirigeants du parti dissous et même à certains repris de justice. En plus des ex-du Fis dissous, certaines personnes au passé noir et qui ont même fait des peines de prison pour des délits d'escroquerie ont indiqué qu'elles ont été invités à se rendre au niveau de la présidence de la République. L'un de ces invités de «marque» a même montré la lettre d'invitation signé par M. Boudelaa. Les représentants de la société civile avec qui nous nous sommes entretenus trouvent que la présence à El-Mouradia de certaines personnes à l'origine de la tragédie noire est non seulement inacceptable mais une grande trahison envers les milliers de martyrs qui ont donné leur vie pour la République et la démocratie. «En quelle qualité les Madani Mezrag, Cheikh Sahnoun et autres personnes qui ont mis l'Algérie à feu et à sang participent aux consultations pour la révision de la Constitution ?» se sont interrogés nos interlocuteurs. Pour le peuple algérien, les mains de ces personnes sont tachées du sang des milliers de victimes qui ont péri durant la décennie noire, ont-ils ajouté. Dans plusieurs de ses déclarations, Madani Mazrag, à qui il a été reproché d'avoir achevé lui-même un militaire prisonnier, n'a jamais regretté d'avoir pris les armes contre l'Etat. Ces derniers jours, Mazrag a fait savoir que l'ex-Front islamique du salut a déjà mis un pied dans le champ politique et que son retour est prévu après l'achèvement de la révision de la Constitution. Pour la société civile, l'invitation envoyée à Mazrag et à certaines personnes n'est qu'une flagrante atteinte aux lois de la République et surtout aux textes de la réconciliation nationale. «Si ces derniers ont été blanchis et qu'ils se sont reconvertis en ancien moudjahidine, comme ils l'avaient eux-mêmes réclamé, le peuple algérien veut le savoir», a déclaré un membre de l'Organisation nationale des victimes du terrorisme. En plus des représentants de la société civile, de nombreux citoyens ne comprennent pas cette nouvelle stratégie du pouvoir qui donne plus de considération aux bourreaux du peuple algérien et met à l'écart ceux qui ont sauvé l'Algérie. A ce même sujet, le président du Rassemblement pour la République (RR) est furieux : «Nous assistons actuellement à un véritable renversement de situation. Si les Hommes qui ont évité à l'Algérie de s'écrouler ont été mis à l'écart, le pouvoir ouvre le dialogue avec la mafia et les criminels». C'est le monde à l'envers. A signaler que le président du RR, le docteur Djebaili Abdelwaheb, est l'auteur du livre «Abdelaziz Bouteflika l'homme de la concorde et de la diplomatie» édité, le 12 octobre 2003. Plusieurs membres d'organisations nationales à l'image de l'ONVTAD ne mâchent pas leurs mots et s'interrogent sur ce qui passe actuellement dans les couloirs d'El-Mouradia. Ces derniers ne sont pas du tout rassurés surtout en ce moment où les Algériens constatent avec regret le retour de l'anarchie et du désordre vécus durant les années 1990. Même les mosquées renouent avec l'anarchie des années 1990, redevenant des lieux de propagande pour les militants du Fis dissous. Chaque vendredi, des dizaines de militants du parti dissous investissent les mosquées, surtout à Alger, sans que les autorités ne bougent le petit doigt. Au niveau de la mosquée d'El-Wafa Bel Ahd de Kouba (Alger), le n°2 du parti dissous donne des prêches incendiaires similaires à ceux qu'on avait l'habitude d'entendre au cours des années de braise. Après chaque prière du vendredi, Ali Belhadj prend la parole et fait des véritables procès aux forces de sécurité, les accusant de tous les noms. «Par rapport à ce qui se passe dans les commissariats du pays, ce que vous voyez à travers les sites internet n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan», a indiqué Ali Belhadj. L'un des partisans d'Ali Belhadj s'est même permis de comparer les responsables des services de sécurité à Maurice Papon. Après les policiers et les gendarmes, le lieutenant d'Abassi Madani a traité les gardiens de prison de criminels. «Ce ne sont que des peureux et lâches», a indiqué Belhadj. Ne s'arrêtant pas là, Belhadj répète les menaces et met en garde : «Attention, en Tunisie, c'est un policier qui était à l'origine de la révolution». Les imams ont eu également leur part et furent accusés d'être des «pions» du pouvoir. Même le président de la République, le président du Conseil constitutionnel et plusieurs autres ministres ont été traités des tous les noms. Le discours d'Ali Belhadj est interrompu à chaque fois par les slogans habituels à savoir «Allah Ou Akbar, Douala Islamiya». «La Ilaha Ila Allah Alliha Nehya Wa Alliha Nemout Wa Aliha Nalka Allah ou encore Ya Ali Ya Abbes, Al Jabha Rahi Labass». Le retour sur la scène politique de ceux qui étaient à l'origine de plus de 200 000 morts et des milliers de disparus ne rassure guère les citoyens qui s'interrogent sur ce renversement de situation qui pourrait à n'importe quel moment replonger le pays dans les années 1990.