Dans le panorama des groupes ambassadeurs de la musique originaire du désert, les musiciens nigériens d'Etran Finatawa occupent une position singulière en assumant une double culture touarègue et wodaabe. The Sahara Sessions, leur quatrième album international, sent le sable et le thé. Quand la réalité se superpose au cliché, c'est sous une tente, installés sur des tapis posés à même le sol, en plein désert du Niger, que se sont déroulées les Sahara Sessions qui forment la matière du dernier CD d'Etran Finatawa. Un confort tout relatif, mais qui a le goût du quotidien pour les membres du groupe. «Il ne faut pas qu'on s'habitue au luxe. On a fait trois albums en studio. Donc, on s'est dit qu'il valait mieux maintenant en faire un qui nous rappelle où on habite, comment on a commencé, d'où cette musique vient», indique Alhousseini Mohamed Anivolla, chanteur et guitariste. Pour l'ingénieur du son britannique Colin Bass, également producteur réalisateur, la difficulté résidait surtout dans la façon de protéger les micros du sable. En retour, il a obtenu un son pur, authentique, naturel. Avec des musiciens qui reconnaissent que ce cadre les rend plus «relax», au point de n'avoir rien répété ! Pas de risque de bruit parasite qui pourrait gêner l'enregistrement, mais une démarche participative peu habituelle, avec des spectateurs qui deviennent des invités, là encore pour rester fidèle à ce qu'ils ont toujours connu. «Le soir, quand on joue, les gens viennent de partout, ils s'assoient, ils tapent des mains, on fait la fête», poursuit Alhousseini. Passé par là, un griot local, dont le rôle est celui d'un «conservateur des traditions», vient féliciter les musiciens de faire l'effort de rester attachés à leurs racines, dans une improvisation capturée sur le morceau «Wa Oyan A Wa Imouss I Bastila.» Cette volonté de sauvegarder une forme de patrimoine vivant est l'une des raisons de la naissance d'Etran Finatawa – «Les étoiles de la tradition» – en janvier 2004 lors du festival au Désert à Essakane, dans le nord du Mali. La particularité du projet tient d'abord à son aspect pluriculturel dans ses effectifs comme sur le fond, mêlant l'héritage touareg à celui des Wodaabe, éleveurs nomades apparentés aux Peuls. Musicalement, chaque peuple a ses particularités, et les associer ne relève pas de l'évidence, mais leurs intérêts communs ont eu raison des obstacles. «Depuis toujours, on s'est partagé la nature, avec nos animaux, on s'est retrouvés aux points d'eau, mais chacun était dans son coin. Comme il n'y a plus d'animaux et qu'avec la sécheresse les gens sont partis à droite et à gauche, pourquoi ne pas se mettre ensemble pour mieux conserver nos traditions ?» explique Alhousseini. Pour lui, la musique a d'abord été une occupation d'enfant, derrière le troupeau, une flûte aux lèvres. Puis il a emprunté la guitare d'un fils d'Ali Farka Touré souvent sollicité pour les baptêmes. Il a aussi écouté les cassettes de Tinariwen, de Jimi Hendrix ou Carlos Santana... Au sein de la formation Etran En Guefan, à partir du milieu des années 90, il joue avec son compatriote Ghalitoune Khamidoune, considéré comme le fondateur d'Etran Finatawa (mais qui a cessé d'en faire partie après le CD Desert Crossroads paru en 2007). La première tournée européenne du nouveau groupe, dix-huit mois après qu'il ait été créé, offre l'occasion d'entrer en studio. Cinq jours suffisent pour accoucher de l'album qui parait dans la collection Introducing du label britannique World Music Network, structure avec laquelle Alhousseini et son équipe continuent jusqu'à présent, de travailler. Le quintet, réduit à un quartet lors de The Sahara Sessions pour cause de retard d'un des membres, a trouvé sa place sur la scène internationale, malgré la concurrence de fait qui s'est installée entre représentants de la musique touarègue. S'ils sont de plus en plus amenés à demeurer éloignés de leur terre natale, ils n'en restent pas moins des hommes du désert, appréciant très modérément les villes: trop de bruit, d'agitation, de circulation. Alhousseini le confie volontiers : «Pendant une tournée, quand on est à la campagne, je suis très content parce que c'est là que je me sens bien.» Etran Finatawa, The Sahara Sessions (World Music Network) 2013