Ne trouvant pas rien pour justifier les lacunes et les problèmes qui «empoisonnent» leur département, certains ministres n'ont pas trouvé mieux que de montrer du doigt les journalistes. Pourtant, tout le monde sait que ce n'est pas la faute à la presse si la situation se détériore dans plusieurs entités gouvernementales dans notre pays. Intervenant hier dans une conférence de presse, le ministre de la Justice, Tayeb Louh, a indiqué qu'il envisage organiser des formations au bénéfice des journalistes dans le but de les spécialiser selon lui en droit. «Il y a des journalistes qui ne savent même pas faire la différence entre la mise en détention provisoire prononcé par un procureur ou par un magistrat instructeur», a déclaré le ministre. Les journalistes devraient apprendre et comprendre qu'ils sont obligés de préserver l'honneur des justiciables, devait ajouter Tayeb Louh. Les journalistes qui assistaient à la conférence de presse n'ont pas du tout compris où il voulait en venir. Il a fallu beaucoup de sang-froid aux journalistes présents dans la salle qui ont réussi à se retenir pour ne pas répondre à l'orateur. Ces derniers ont bien voulu répondre à M. Louh pour lui faire savoir que la presse ne fait que relater des faits pour informer l'opinion publique. Donc, elle ne pourrait pas être responsable dans la désastreuse situation qui prévaut au niveau dans certains départements ministériels. La presse n'est pas également responsable et n'a pas à être incriminée si toutefois des négligences ou de l'incompétence ont été constatées chez certains commis de l'Etat. L'un de nos confrères nous a indiqué qu'il a bien voulu dire à dire à M. Louh que ce n'est la faute aux journalistes si des magistrats ont failli à leur devoir, que ce soit par leur comportement indigne en étant impliqués dans des affaires de corruption ou qui ont fait l'objet de critiques par les justiciables en raison de leur partialité. Le ministre a ajouté que des citoyens ne trouvent parfois que la presse pour se faire entendre, surtout lorsque leur dossier est classé sans suite, sans l'ouverture au préalable d'une enquête. Il est vrai que la presse a relaté plusieurs affaires scabreuses qui ont souillé l'image de la justice. Le ministre de la Justice, garde des Sceaux, sait que plusieurs dizaines de magistrats ont été traduits devant la commission de discipline alors que d'autres impliqués dans plusieurs affaires demeurent toujours suspendus. Est-ce que le fait de donner une information sur une affaire qui s'est déroulée dans un tribunal ou dans une institution quelconque, veut dire que le journaliste a porté atteinte à un magistrat ou à un citoyen ? Bien au contraire, en informant l'opinion publique sur ces affaires, la presse n'a fait que son travail : celui d'informer. La proposition de M. Louh visant à former des journalistes a fait rire plusieurs collègues. «Si c'est uniquement pour connaître ce que veut dire une détention provisoire», nous allons prendre attache avec nos correspondants dans les wilayas pour apprendre cette mesure pénale. Chaque jour, nos collaborateurs relatent des dizaines de cas de cette procédure», a plaisanté l'un de nos confrères. Il y a quelques jours, c'est le ministre de la Communication qui a pointé du doigt la presse, citant les violences dans les stades. Est-ce qu'en faisant une couverture d'avant ou d'après-match, cela veut dire que le journaliste a incité à la violence ? Si tel est le cas, ce n'est pas uniquement une formation qu'il faudrait pour les journalistes, comme l'avait préconisé le ministre de la Communication, mais des poursuites judiciaires pour incitation à la violence. Malheureusement, ce n'est pas le cas, chaque jour des milliers d'articles sont publiés dans le monde que ce soit sur l'avant, l'après-match, sur l'ambiance ou sur les faits qui se sont déroulés dans les stades. Il convient de cesser d'incriminer ou de tenter d'intimider les journalistes, ils continueront à faire leur boulot en toute objectivité et en respectant l'éthique et la déontologie de la profession.