Il était temps! Il était temps que la justice «invite» la presse. Le mot mis entre guillemets est celui qui a été utilisé par des magistrats à l´occasion de la 14e rencontre du Groupe africain de l´Union internationale des magistrats (UIM) qui s´est ouvert, lundi dernier, à Alger. Entre guillemets, car il est plus juste de dire «propose». Mais avant d´aller plus en avant sur la différence de ces deux termes, voyons de plus près ce que préconisent les mêmes magistrats qui ont exprimé ce rapprochement entre les médias et la justice. Ils se proposent de participer à la spécialisation des journalistes en matière judiciaire. C´est bien. C´est même très bien. Ceci dit, les relations des journalistes avec la justice ont toujours été tendues. Empreintes de méfiance. Une méfiance que les magistrats justifiaient précisément par l´absence de spécialisation des journalistes. Ils n´avaient pas tort mais ce «refuge» les arrangeait tellement qu´aucune proposition de formation, comme celle qui vient d´être formulée, n´avait été faite jusque-là. Pour mieux tenir à distance les journalistes. On évoquait leur confusion entre «jugement» et «arrêt», «appel» et «pourvoi en cassation», «contrôle judiciaire» et «liberté provisoire», de ne pas maîtriser les attributions de la chambre d´accusation ou ceux de la Cour suprême, etc. Comme les temps changent. La justice se rend enfin compte de la nécessité «d´inviter» les journalistes à des cycles de formation. Eh oui, c´est ainsi! Après des années et des années, on s´aperçoit que des lacunes existent. A ceci près que nos magistrats ne recommandent pas la moindre formation en communication à leurs confrères qu´ils comptent installer dans les fonctions de chargés de presse. Comme si eux pouvaient avoir la science infuse. La meilleure preuve qu´ils ne l´ont pas est cette erreur monumentale de communication qu´ils viennent de commettre en mettant sur le compte du seul journaliste la relation difficile qui a prévalu jusqu´ici avec les magistrats. De quoi creuser davantage le fossé. Car, enfin, qui peut se passer de l´autre? Aucun! La justice a autant besoin des journalistes, bien formés bien sûr, pour l´indispensable transparence sans laquelle elle ne pourra jamais évoluer, que les femmes et les hommes de la presse ont besoin de la coopération effective de la justice pour remplir pleinement leur mission qui est d´informer l´opinion. Médias et justice ont tous deux besoin d´apprendre le «métier» de l´autre. Que l´un «propose» à l´autre, oui! Que l´un «invite» l´autre, non! Vous voyez, chers magistrats, un mot mal utilisé ou une pensée mal formulée et c´est l´effet contraire garanti. C´est le b.a.-ba de la communication. Il vous faudra l´apprendre.