Par son appel à un renforcement du front intérieur, le Président avertit qu'aucune démarche ne se fera hors des institutions. Hors des institutions, c'est hors jeu. Hors des institutions, c'est contre le jeu. Du moins, cela devrait-il être ainsi perçu. Quand on fait une telle lecture, et qu'on la confronte à la détermination des partisans de la transition, alors la place est laissée aux inquiétudes. Le pouvoir et une partie de l'opposition sont dans des rapports de force très inégaux. Le pouvoir, comme l'indique son nom, est dans la position de pouvoir. Il peut. Toutes les institutions lui permettent de pouvoir. Quant à l'opposition, que peut-elle ? Organiser des manifestations permanentes non violentes ? On dit que des manifestations permanentes non violentes ont pour mission, non pas d'amener le pouvoir à négocier, mais à le renverser. Serait-il possible que cette partie de l'opposition soit écoutée par la majorité des populations qui suivront de telles consignes jusqu'à la chute du pouvoir ? Jeu de poker ? Il y a une autre proposition en direction de... l'armée. Hamrouche entrevoit deux types de démarches. Ou l'armée s'implique et alors tout sera possible pour la recherche d'une solution pacifique et durable, ou alors que l'armée n'intervienne pas comme arbitre, la seule porte qui demeurerait ouverte ce serait celle du chaos. Pourquoi du chaos ? Il n'y a pas eu assez d'explications, ni de la part de Hamrouche ni de celles des personnalités et partis politiques. Quant au FFS, pour sa démarche, le départ de la génération qui l'a créé devrait se faire en laissant aux futures générations une vraie constituante. Qui a raison et qui a tort ? Récapitulons. Le pouvoir dit qu'il n'a pas imposé une démarche unilatérale et que toutes les sensibilités ont participé à la «discussion». Il dit ne pas accepter une démarche hors institutions. L'opposition n'est pas monolithique. Elle conjure mais diverge. Entre les assurances et ré-assurances du Premier ministre et les doutes renforcés de l'opposition, entre les risques d'élargissement des virus communautaristes et l'économie de recherche d'une autre solution que celle de slogans des pouvoirs publics et de l'impuissance des notables, entre l'insuffisance des démarches destinées à satisfaire des demandes sociales en constante évolution et l'augmentation de la criminalité, c'est la cohésion nationale comme espace de stabilité et de garantie de sauvegarde de la sécurité nationale qui est dangereusement mise en péril. Si les menaces se précisent, selon le PT et d'autres partis, l'Algérie ne pouvant changer de voisinage, celles-ci sont ignorées, là encore nous faisons l'économie d'un débat interne qui impliquerait les populations, alors que ce sont ces dernières qu'il faudrait convaincre car ce sont elles qui font la «révolution». Peu importe l'appartenance partisane ou idéologique de leurs auteurs, c'est ce qui se dit qui doit être pris en compte. Des analyses très approfondies doivent pouvoir s'entreprendre. Malheureusement, dénoncer les menaces est fonction de la distance politique des auteurs par rapport au pouvoir, et non des convictions. Lorsqu'il est dit dans le camp présidentiel que la sécurité et la stabilité sont liées au Président, lorsque le PT sous-entend la «même chose» en disant qu'il ne soutiendra aucun candidat de l'opposition, la lecture à en faire est celle d'une détermination du pouvoir à ne pas renoncer à sa propre succession. Coûte que coûte. Même au prix d'une ingérence extérieure sous toutes ses formes ? En conséquence, devant cette détermination, c'est à l'opposition de ne rien exiger en terme de revendications politiques. C'est une forme de jeu de poker. Face à un pouvoir qui surenchérit, il sera demandé à l'opposition de faire des concessions. L'opposition va-t-elle surenchérir elle aussi ? Va-t-elle plutôt se résigner au nom de la sécurité nationale ? Dans le camp de l'opposition, il y a les démocrates, les islamistes et ceux qui n'ont pas de certitudes doctrinales. Par contre, le pouvoir est inclassable dans ce système référentiel, il n'est ni de gauche, ni de droite, ni du centre, ni islamiste, ni démocrate. Les enjeux de pouvoir n'ont pas de coloration politique. Dès qu'est envisagé de changer la géopolitique, les Américains plus particulièrement, s'y emploient à redonner vie aux clivages ethniques, confessionnels, dans le sens plutôt belliciste. Il est vrai que ces clivages ne sont pas toujours créés de l'extérieur. Ils y étaient avant. Ce sont ces clivages qui constituent pour la sécurité nationale les plus grands et plus graves des périls. Pourrait-il exister un espace de solidarité nationale, de défense si les différentes communautés ne participaient pas à égalité à l'exercice du pouvoir, à la définition des politiques de développement et à la mise en œuvre de ces dernières ? Ce sont d'abord ces vulnérabilités de la sécurité nationale qui créent les menaces extérieures. Lorsque les minorités sont marginalisées, lorsque des identités sont brimées, exclues, lorsqu'une identité nationale n'est pas collective et intégrante, qu'elle exclut certaines de ses composantes, lorsque l'accès au pouvoir n'est pas fondé sur la citoyenneté mais sur l'appartenance communautaire, toutes les conditions sont ainsi réunies pour que s'exercent des menaces sur la sécurité nationale. Une logique ethnique et une logique démocratique sont fatalement incompatibilités.