Pas de hausse du taux directeur aux Etats-Unis Le désespoir frappe les économistes, les politiciens, les financiers et les milliardaires américains (1). Aucun d'entre eux ne veut reconnaître que les lois inexorables de l'économie politique impérialiste (stade ultime du mode de production capitaliste) s'appliquent implacablement et que ni la présidente de la FED ni la Maison-Blanche ne peuvent rien y changer. Ils auraient tous espéré une hausse du taux directeur américain, sans l'espérer paradoxalement, puisqu'ils savent tous le prix à payer pour valoriser leurs actifs boursiers et retenir aux Etats-Unis le capital qui s'enfuit (2). Il n'y a aucune conspiration pour faire tomber la bourse américaine et chasser le capital des Etats-Unis. Il n'y a simplement aucune solution à la crise systémique (organique) de l'impérialisme globalisé et mondialisé - amorcée aux Etats-Unis et qui s'étendra sous peu au monde entier. Les plumitifs pleurnichent puisque la FED a encore reculé, disent-ils. Elle a failli à son devoir de créer les conditions de la valorisation du capital (ie. la production d'une abondante plus-value). Elle a descendu pavillon devant l'émeute appréhender si elle devait hausser le taux directeur américain et plonger de ce fait des millions de prolétaires états-uniens dans le chômage, la faillite personnelle, à la rue, sans nourriture et sans abris. Le capital fuit les Etats-Unis Le capital et l'or continueront de fuir ce paradis fiscal déchu pour tenter de faire fortune dans d'autres paradis fiscaux tout aussi exsangues. Qui dira à ces requins-spéculateurs «banksters» et «boursicoteurs» que sous l'impérialisme, stade ultime du capitalisme, toutes les bourses du monde ne forment qu'un seul réseau interconnecté et que l'économie mondiale ne forme qu'une seule et unique entité gouvernée par les lois impératives du capitalisme globalisé et mondialisé. Les traités de libre-échange (TransPacifique) ne précèdent pas la lever des barrières tarifaires, ils entérinent le fait accompli, après coup, et ils se multiplient au milieu de cette désespérance prolétarienne impuissante. À Atlanta, ces jours-ci, quelques polichinelles politiciens canadiens iront présenter en vain leur prestation de figuration devant les véritables maîtres de l'économie intégrée, globalisée et mondialisée (3). Les investisseurs auront beau fuir avec leur pactole en direction de l'Europe, du Japon, de la Chine (déjà mal en point) la crise systémique du capitalisme les rejoindra jusque là. Un analyste le souligne : «Cette politique d'argent gratuit aboutira à créer les conditions d'un éclatement encore plus apocalyptique des bulles boursières» (4). Un autre déclare : «Quand les entreprises ont de l'argent, elles préfèrent racheter leurs actions, ce que le marché aime bien, qu'investir dans de nouvelles capacités de production » résume Elga Bartsch, la chef économiste de Morgan Stanley (5). Si de nouvelles capacités de production ne sont pas développées, c'est donc que la production de plus-value stagne ou périclite ... donc, que ce mode de production est moribond ! D'où vient donc l'enrichissement factice des milliardaires sur papier? Le krach du taux zéro Le krach de 1929 est survenu après une longue période de taux zéro du «prime rate», pendant laquelle les banques prêtaient frénétiquement, ce qui a fait grimper les valeurs boursières à des niveaux qui ne correspondaient en rien à leur vraie valeur (sic) déclare un cambiste. Une terrible dépression s'en suivit. C'est ce néant qui attend l'impérialisme mondial qui ne pourra pas continuer à donner l'illusion de prospérer avec un pétrole à 40 ou 50 dollars le baril et une inflation quasi nulle (6). En fait la FED et la classe capitaliste monopoliste américaine font face à un dilemme shakespearien : 1) Soit, ils maintiennent le prix du crédit à zéro ou presque (0,25%) et ils voient s'enfuir le capital vers d'autres paradis fiscaux à la recherche d'une utopique valorisation; et ils observent les entreprises américaines délocaliser leur siège social et leur gestion financière vers d'autres cieux tout aussi incléments; et ils permettent aux salariés de continuer d'emprunter jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus rembourser, pour ensuite décréter une dévaluation drastique du dollar flouant ainsi leurs commettants et tous leurs créanciers internationaux : 2) Soit, ils haussent le taux directeur et le prix du crédit et jettent de ce fait des millions d'Américains à la rue, dans la plus terrible indigence, mais toujours disposée à vendre leur force de travail à vil prix pour survivre; réhabilitant ainsi la plus-value absolue en plus de la plus-value relative. Alors, la terre promise par Jefferson - le paradis de la libre entreprise capitaliste sanguinaire - l'utopie de la nouvelle frontière et de la destinée manifeste perdront tous leurs attraits pour la nouvelle génération d'esclaves salariés paupérisée, surexploitée, aliénée et enragée. Que fera la classe prolétarienne ? Une inconnue tourmente toutefois la présidente de la FED, tout comme le Président de la Maison-Blanche. La classe prolétarienne américaine tolérera-t-elle une telle déchéance et ne risque-t-elle pas de s'enflammer pire qu'à Fergusson, Oakland ou Seattle? Bref, l'un ou l'autre de ces scénarios d'apocalypse ne risque-t-il pas de connaître un second épisode - la guerre civile aux Etats-Unis? Voilà pourquoi nous disons que le pays au monde où l'insurrection populaire est la plus probable ce n'est pas la Syrie, l'Ukraine, la Grèce, la Tunisie, la Hongrie, l'Allemagne ou la France, mais bien les Etats-Unis d'Amérique, l'Etat-nation ou les contradictions inhérentes au mode de production capitaliste, en phase ultime impérialiste, sont les plus exacerbées. La classe prolétarienne américaine met au défi la classe capitaliste yankee de hausser le taux directeur états-unien et de la contraindre à la déchéance, mettant en péril jusqu'à sa survie. Un mode de production doit assurer le développement des forces productives et la reproduction élargie de l'espèce humaine ou il ne mérite pas de survivre. Le mode de production capitaliste mondialisé est aux soins intensifs et nous parions qu'il n'en survivra pas. La Fed a (encore) reculé. Elle maintient le statu quo...Mais le statu quo n'est pas tenable. Les taux bas et l'absence de rendement incitent au risque. Cette politique d'argent gratuit aboutira à créer les conditions d'un éclatement encore plus apocalyptique des bulles. Le krach de 1929 a résulté d'une longue période de taux zéro pendant laquelle on a emprunté frénétiquement, on a fait grimper les valeurs boursières à des niveaux qui ne correspondaient plus à leur vraie valeur. Une terrible dépression s'en était suivie. C'est ce néant qui attend le capitalisme américain qui ne pourra pas continuer à donner l'illusion de prospérer avec un pétrole à 40 ou 50 $ et avec une inflation quasi nulle. La Fed préfère croire en l'éternité, tenir, tenir, tenir, en espérant le miracle, une croissance mondiale comparable à celle d'avant la crise, mais qui ne reviendra plus, pas avant longtemps. Elle est dans l'impasse. Elle hésite. Elle sait qu'elle n'a pas droit à l'erreur... Or le système financier est devenu beaucoup plus complexe qu'il était en 1929, en 1987, et même en 2008. Un article du Monde titrait vendredi: «Et si les taux ne remontaient jamais ?» ! Un des membres du Comité politique monétaire a même évoqué l'hypothèse d'un abaissement des taux en terrain négatif, à - 0,1 % !! L'éternité ou le néant... En réalité, la Fed est placée devant le cas d'un coma dépassé. Elle s'accroche à l'espoir qu'il sera possible de remettre en état un système qui n'a pas fonctionné depuis le 16 décembre 2008 et dont aucun relèvement de taux n'a été opéré depuis 2006 ! Presque 10 ans ! Un tel cas ne s'était encore jamais produit dans l'histoire. Le système financier ne peut survivre sans être constamment mis à jour. Si jamais le système se réveillait et fonctionnait par lui-même, il serait mis en présence d'un environnement qui aurait beaucoup changé. Or chacun sait que, passé 4 minutes, l'usage du défribrillateur devient inutile. Ce temps transposé dans la réalité financière a largement été dépassé. L'opération d'urgence qui s'imposait en 2008 est devenue un état permanent. Aujourd'hui, on peut juste maintenir le système en survie artificielle en lui envoyant sous perfusion des milliards et des milliards de monnaie, quotidiennement. Combien de temps pourra-t-il tenir dans ces conditions ? Eternellement, pense Yellen. En réalité, elle n'a pas d'alternative, car le moindre relèvement de taux dans un contexte déflationniste provoquerait une catastrophe. Les taux d'emprunt américains grimperaient, tout ce qui se paie en dollar se mettraient aussi à flamber, la dette exploserait. Ce serait la ruine, le krach, parce que la croissance est aujourd'hui beaucoup trop faible pour espérer pouvoir éponger une telle liquidité. L'hyper-inflation emporterait tout. Yellen s'est lancée dans une partie de poker menteur qui fait apparaître, mois après mois, qu'elle bluffe, que les statistiques de croissance et de chômage sont outageusement truquées (Lire l'article pourtant assez mesuré de La Tribune en dessous). Elle pensait qu'avec le temps, la situation s'arrangerait et qu'elle arriverait à faire coïncider son discours avec la réalité. C'est tout le contraire qui se produit. L'économie américaine ne se porte pas si bien que ça. Et l'effondrement de l'économie chinoise, la dévaluation du yuan, l'exportation d'une déflation hautement toxique assombrissent encore un peu plus le tableau. Le mythe d'une Amérique capable de tirer la croissance mondiale à elle seule fait désormais partie d'une histoire révolue. Yellen est coincée entre le néant et l'éternité... ou presque. «Le véritable courage consiste à être courageux précisément quand on ne l'est pas». Jules Renard La FED a donc cédé à la facilité en ne remontant pas ses taux d'intérêts hier soir, avec, et c'est certainement la plus grande surprise, un seul membre qui aurait souhaité un relèvement immédiat. Nous exposions ici même la semaine dernière que les arguments pour et contre la hausse de taux étaient très proches, mais croyions que la volonté de la FED de montrer que finalement la grande crise était terminée l'emporterait... il n'en a donc rien été. Lors de sa conférence de presse, Mme Yellen a cité les incertitudes nouvelles sur la situation économique en Chine, mais aussi leurs incidences sur les marchés en août: vision court termiste, qui contredit totalement la « forward guidance » dont les banques centrales, dont la FED, nous abreuve depuis des années; il semblerait donc que les événements ponctuels aient plus d'impact dans les décisions qu'une réflexion à plus long terme sur la politique monétaire voulue (on rappellera qu'il y a maintenant un an que la Fed a retiré de ses communiqués « la banque centrale peut être patiente »). Pourtant, la vision que la FED a de l'économie américaine n'a pas vraiment varié, avec des croissances attendues aux alentours de 2 % pour les deux prochaines années; il est vrai que les perspectives sur l'inflation restent très basses ce qui a justifié ce statu quo (montrant là encore que les projections sur les taux des banques centrales à horizon 12/24 mois ne valent rien). Enfin, Mme Yellen a répété que la trajectoire est bel et bien une hausse des taux prochainement, et que la date du virage importait moins que la direction qui serait prise, façon de faire retomber la tension à l'approche de ces réunions. Notons quand même que les premiers indicateurs d'activité (les PMI régionaux) sont plutôt faibles dans le secteur manufacturier, de même que les indices de production industrielle et, plus important encore, d'utilisation des capacités de production: incertitudes là encore, qui fait redouter à la Fed de faire une erreur en remontant ses taux. Rendez-vous maintenant fin octobre puis mi-décembre. Ailleurs, pas d'informations nouvelles: tout juste remarquerons nous que partout les chiffres d'inflation se tassent de nouveau (Japon/Zone euro/Chine) et plus fortement que ce qui avait été anticipé et que les grandes institutions révisent toutes la croissance mondiale en légère baisse, et nettement plus pour les pays émergents dans leur ensemble. (...) Détente des taux depuis hier soir et la décision de la Fed, surtout sur la partie courte de la courbe aux Etats-Unis. Détente à prévoir également en Europe, où la BCE augmente graduellement ses interventions avec des anticipations qui commencent à faire surface qu'une annonce d'une extension du QE dans le temps et/ou en volume pourrait être annoncée dès la fin de l'année. Repli du dollar contre toutes les devises, le marché semblant même aller plus loin que la Fed en pensant qu'il y a maintenant une probabilité que les taux ne remontent pas du tout en 2015. C'est un des principaux dangers pour la stabilité financière: les bourses européennes et le Nikkei ont pu progresser essentiellement grâce à la « dévaluation » des devises. Les évolutions du yen seront particulièrement importantes: il y a eu depuis 3 ans d'énormes positions de carry-trade (emprunts en yens, convertis en devises étrangères, placements à l'étranger, remboursement en yens affaiblis) dont le débouclement pourrait apporter un surcroit de volatilité. (Suite et fin)