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Quand Tahir Pacha fait la médiation entre l'Algérie et la France !
Publié dans La Nouvelle République le 07 - 12 - 2015

Le temps, au courant du mois de mai 1830. Le lieu, au large de la Méditerranée. Tout d'abord devant les côtes algéroises, assiégées depuis trois ans par la marine française, suite à l'incident de l'éventail. Tahir Pacha est arrivé pour faire la médiation entre le dey Hussein et le roi de France. Revenons un peu en arrière.
Les relations entre le Dey Hussein et la France étaient déjà tumultueuses malgré les accords de paix signés. Les dettes des deux commerçants Bakri et Bushnak, ne sont payés qu'en partie. Le Dey est exacerbé puisqu'il est actionnaire de la vente des blés. Une partie des dettes lui revient. Par ailleurs, le consul français à Alger, Deval, est responsable des relations tendues entre la Régence et Paris par son rôle nocif. Il intervenait à plusieurs reprises pour la récupération des bateaux qui ne sont pas Français, bien que le traité franco-algérien exonère seulement les bateaux français de la capture, absence de réponse aux demandes de remboursement de la dette... A la veille de la fin du Ramadhan, le consul se présente au palais pour présenter ses vœux comme le veut la tradition. Le fameux incident eut lieu entre les deux. Un blocus fut frappé sur Alger par les forces maritimes françaises. Durant 3 ans, de 1827 à 1830, aucune démarche sérieuse n'est engagée ni par l'Empire ottomane ni par la France ; mais à partir de la fin avril 1830, quand les préparatifs français commencent à s'accélérer pour une expédition contre Alger, les efforts diplomatiques commencent à s'intensifier. Certaines sources évoquent une proposition faite à Istanbul, par sa Majesté le Sultan, d'envoyer une expédition ottomane qui punira le Dey Hussein et le remplacera par un nouveau Dey tout en protégeant les intérêts français perdus à El-Kala (exploitation de Corail). Cette proposition tient compte du mécontentement britannique aux bruits courants sur l'intention de créer une colonie française en Algérie, ce qui nuira énormément aux intérêts du commerce britannique. Ces efforts ne débouchèrent à aucun résultat. Depuis avril 1830, Charles X et surtout son ministre de Guerre sont déterminés à lancer cette campagne pour des raisons internes. La situation n'est pas stable à l'Hexagone. Les autres raisons sont d'ordre commercial. Le cabinet français était remonté à cause du droit de commerce accordé à des négociants anglais à l'est algérien depuis 1824. Cette région est censée être suivant des traités, monopolisée par le commerce français. Par ailleurs, des pavillons protégés par le drapeau français (suivant les traités entre la Régence et la France) furent capturés sur les côtes algériennes. Les préparatifs de la marine au port de Toulon battaient leur plein. La porte sublime ne pouvait pas envoyer une protection à Alger. Le sultan Mahmoud El-Thani veut jouer une dernière carte. Il envoie un émissaire, Tahir Pacha. Le but était de fléchir la position du Dey, et de son Divan. Il comptait les convaincre de donner quelques concessions au roi. Des excuses, des avantages commerciaux et la libération de tous les détenus. D'autre part, il comptait convaincre les Français de ne pas lancer cette campagne contre l'Algérie. Il était même prêt à offrir la tête du Dey Hussein et de se nommer à sa place pour mettre fin à cette campagne. Qui est Tahir Pacha ? Tahir Pacha était un amiral et membre du Divan ottoman. Il était le commandant de la flotte ottomane durant la fameuse bataille de Navarin. Bien qu'il fût battu, il était toujours respecté puisqu'il a affronté les trois plus grandes forces navales de l'époque. Voyage à Tunis Sa première mission citée dans les ouvrages historiques est le déplacement à Tunis. Elle consistait à convaincre le bey tunisien de ne pas collaborer avec l'armée française, comme il leur avait promis au début. Celui-ci jouait un double jeu. Il se disait d'accord mais d'un autre côté il a promis aux Français une aide qui ne sera pas apparente afin d'éviter une révolution de ses sujets qui n'accepteront jamais un soutien à une force chrétienne contre des Musulmans. Ahmed Bey, ne signera rien avec l'armée française : Par ailleurs, Tahir Pacha a aussi pesé sur les envois qui ont été faits au Bey Ahmed de Constantine. Ce dernier a reçu des contacts dans le but de le dissuader de tout aide au Dey. En contrepartie, le Beylick de l'Est sera épargné de l'occupation, et il en restera le gouverneur. On ne sait quelle réponse Ahmed Bey pouvait réserver à cette proposition, mais en tout cas la présence de Tahir Pacha à Tunis a mis fin rapidement à cette démarche. Vers Alger : Après cette mission, une autre mission plus périlleuse est confiée à l'émissaire. Le 25 mai, deux jours avant le départ des troupes françaises de Toulon, il arrive dans les eaux d'Alger dans le but de convaincre le Dey Hussein de céder et ensuite de porter ces conclusions à Paris. Les résultats Tahir Pacha a été empêché d'accéder à Alger. Il a été accompagné à Toulon par un navire de la marine française, où il rencontra le Maréchal De Bourmont, responsable de la campagne. Pourquoi on lui a refusé l'accès ? Tout simplement, on avait peur que le Dey soit tué, comme à l'habitude des janissaires d'Alger, et qu'un nouveau Dey soit nommé. Ainsi l'argument français, la correction destinée contre le Dey, ne sera plus d'actualité. La marine française avait des raisons pour tout mettre en œuvre afin que la mission de Tahir Pacha n'aboutisse pas. Par ailleurs, le gouvernement français voyait cette initiative comme un complot turc sur l'instigation des britanniques qui ne voulaient pas voir le projet du roi de France aboutir. Il considérait que Tahir Pacha était chargé de tuer Hussein Dey et de prendre la tête de la Régence. Ceci aurait pu compromettre les projets français de conquête. Informé de ce projet, le cabinet français instruit les navires du blocus d'Alger stationnés depuis 1827 de ne pas laisser passer Tahir Pacha. Cet acte convient le divan d'Alger. Le Dey craignait sa présence et ne voulait pas le recevoir. De Toulon à Paris, rien ne change Tahir Pacha arrive à Toulon où il rencontre le général en chef. Il expose sa mission de bons offices. A cela, de Bourmont lui répond qu'il n'est pas habilité à discuter cette question. Il a la mission de préparer la guerre et il le fait. L'affaire devra donc être discutée à Paris. Dès lors, Tahir Pacha se dirige de Toulon au sud de la France à Paris. Vu l'Etat avancé de préparation, ni le cabinet ni le Roi Charles X ne pouvaient faire marche arrière au risque de s'exposer à une révolte générale qui se sentait déjà depuis un moment contre la restauration de la Monarchie. Le Pacha est retenu à Paris le plus longtemps possible, dans le but d'éviter toute réaction turque qui attend toujours le bilan de la mission de Tahir Pacha. Le Royaume-Uni, via son consul à Paris, a contesté l'entrave de la mission de Tahir Pacha. Elle a exprimé son étonnement vis-à-vis de cette attitude. Selon son consul, Tahir Pacha pouvait bien réussir sa mission et éviter le déclenchement de la guerre. Cette opposition britannique se justifie par la concurrence franco-britannique sur le commerce en Méditerranée. Il y a bon nombre de questions qui pourront être soulevées au regard de cette mission. Cependant deux conclusions principales peuvent être tirées du principe même de la médiation : 1- L'Algérie agissait en grande indépendance dans ses relations internationales. Même si l'Empire avait une autorité morale sur la Régence, ceci ne l'a pas empêché de se poser comme intermédiaire qui n'est pas neutre certes, mais qui peut poser un équilibre entre les deux pays (l'Algérie et la France). 2- l'oligarchie militaire gouvernante à cette époque à Alger ne se gênait pas de s'opposer à des décisions prises par la Porte-Sublime. Le Dey fut décidé à ne pas céder aux pressions françaises. Il était prêt à faire la guerre et même à payer de sa vie dans cette confrontation. C'est là qu'intervient le consul britannique de l'époque à Alger. Il affirmait au Dey que la France n'a pas l'intention réelle de lui faire la guerre, vu l'opposition qu'elle rencontre en Europe. Il expliquait que c'est une menace pour obliger la Régence à accepter les conditions posées. D'ailleurs, ce même consul servira de médiateur, entre autres, à la demande du Dey, entre celui-ci et de Bourmont après la conquête de Sidi Ferradj. Suite à la conquête, la relation entre la Porte-Sublime et le Bey de la Tunisie s'est dégradée à cause de la collaboration de ce dernier. Tahir Pacha a tenté, à la tête d'une escadre, de renverser ce bey pour nommer un autre gouverneur plus loyal. La protection de la marine française a fait échouer cette tentative. Il conduira en 1835 la campagne contre la Libye dans le but de rétablir l'autorité ottomane sur une Libye presque indépendante sous Ali Pacha. Plus tard, au début des années 1840, il exercera la fonction de gouverneur civil et militaire de la Bosnie.

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