Histoire Jusqu?à présent, la conquête de l?Algérie suscite encore des interrogations, notamment sur les véritables motivations de Charles X concernant la prise d?Alger. Selon le journaliste Pierre Péan, dans un livre-enquête à paraître prochainement à Paris, la conquête de l'Algérie aurait été menée dans le seul but d'accaparer le trésor de la Régence d'Alger, en juillet 1830. «Et si cette conquête avait été menée dans le seul but de faire main basse sur les immenses trésors de la Régence d'Alger afin de constituer les fonds secrets de Charles X pour corrompre et retourner le corps électoral ?», s'interroge l'auteur dans Main basse sur Alger, enquête sur un pillage (aux éditions Plon). Cette interrogation est à la base de l'enquête qui tord le cou à la légende du fameux «coup d'éventail», soufflet asséné à Pierre Deval, consul de France auprès de la Régence d'Alger, par Hussein Pacha, Dey d'Alger, le 30 avril 1827. Piqué au vif par des propos outrageants exprimés en ottoman par Pierre Deval, le Dey Hussein soufflette le représentant diplomatique français de son éventail en plumes de paon, rappelle l'enquêteur. Selon lui, ce geste d'humeur servira de prétexte officiel à la colonisation de l'Algérie, en juillet 1830. Après une longue enquête, Pierre Péan a retrouvé les traces de l'or découvert dans les palais de La Casbah, où étaient entassés des richesses évaluées en francs de 1830 à au moins 250 millions, soit quelque 10 milliards de francs 2001, selon une estimation minimale de Pierre-François Pinaud, historien spécialisé dans l'histoire des finances du XIXe siècle, cité par l'auteur. Selon Pierre Péan, loin d'être une affaire d'honneur français outragé, le résultat direct d'un coup d'éventail à un représentant de la France, l'expédition militaire contre l'Algérie fut donc un «hold-up financier» jamais admis. «Officiellement, ce fameux trésor a payé un peu plus que les frais de la conquête, soit environ 48 millions de francs en or et argent, alors que le trésor de la Régence s'élevait à au moins 250 millions de francs (de 1830), soit un détournement d'au minimum 200 millions», écrit Pierre Péan. Cette manne fabuleuse n'a pas atterri dans les seules caisses de l'Etat français. Le roi Louis-Philippe 1er, la duchesse de Berry, des «oligarques» militaires, des banquiers et des industriels comme les Seillière et les Schneider, ont profité de ces richesses, indique l'enquête. Le développement de la sidérurgie française doit ainsi beaucoup à cet or spolié, souligne encore l'auteur. La thèse de la spoliation de l'or algérien n'est pas tout à fait nouvelle. Avant que Pierre Péan ne s'en empare, au hasard d'une recherche sur la conquête de l'Algérie destinée à alimenter une biographie du duc de Bourmont, premier maréchal de la colonisation, un historien, Marcel Emerit, professeur à la faculté des lettres d'Alger, avait consacré en 1954 une étude à ce sujet. Il avait notamment découvert un rapport de la police française de 1852, qui, à partir des découvertes de la commission d'enquête gouvernementale sur l'or de la Régence, affirmait que «des sommes très importantes avaient été détournées et qu'une grande partie de ces spoliations avaient abouti dans les caisses privées de Louis-Philippe», rapporte Pierre Péan.