Depuis l'abandon de l'étalon or en 1914 (1), jusqu'aux accords de Bretton Woods (2) après la Seconde Guerre mondiale, la gestion financière du mode de production capitaliste planétaire fut l'objet de nombreuses remises en question. Du veau d'or au dollar roi Le Bancor (3) proposé comme monnaie internationale fut mis de côté par les Etats-Unis qui imposèrent le dollar US. Tant que les Etats-Unis disposaient dans les coffres de Fort-Knox d'importantes réserves en or et en argent, il n' y avait pas de problème de convertibilité. C'est seulement quand la croissance économique se déplaça des Etats-Unis vers l'Europe et le Japon que les réserves d'or américaines s'amenuisèrent suite à un déficit de plus en plus important de leur balance des paiements, balance commerciale pour commencer, puis balance financière par la suite (4). Quand la Chine, sortant de sa longue phase de décollage industriel capitaliste (amorcée en 1949), prit son envol comme puissance industrielle et commerciale de premier plan, le dollar devint de plus en plus une entrave au développement capitaliste international. C'est à ce moment que les premières remises en cause du dollar comme monnaie du commerce international commencèrent à surgir émanant des trusts financiers internationaux (y compris des trusts multinationaux ayant leur siège social aux Etats-Unis). En dépit de diverses mesures d'ajustement, le dollar s'est maintenu jusqu'à présent, mais le temps est venu de chasser la bête récalcitrante de la meute et de proclamer un nouveau «Gouden Kalf». En mars 1968, une crise monétaire éclata, qui se solda par la mise en place d'un double marché de l'or, l'abolition de l'obligation de la convertibilité-or dollar, l'établissement de taux de change flottant, le rejet en somme des accords de Bretton Woods (5). Tentatives de révolte de puissances capitalistes flouées Depuis que le dollar est devenu l'étalon monétaire du commerce international, tous ceux qui ont essayé de le détrôner n'y sont pas parvenus, en France, De Gaulle et Giscard ont essayé, ils ont été évincés. Quand Saddam Hussein voulut quitter la zone du pétrodollar, il avait mis en place une arme de « destruction massive » qui lui vaudra la mort. L'Iran fit une tentative pour constituer un panier de devises (excluant le dollar) pour le commerce du pétrole. Aussitôt Israël, aux ordres, lança une campagne contre les centrifugeuses iraniennes devenues des armes de destruction massive. Il fallut dix ans de négociation avant que l'Iran se résigne à ne plus contester l'hégémonie du pétrodollar et pour que les Etats-Unis signent un protocole d'entente accréditant le développement de l'énergie nucléaire en Iran (6). Depuis, la crise financière permanente n'a pas réduit la puissance de la City ni de Wall Street, bien au contraire, et ce, même si le dollar est devenu une monnaie suspecte, une monnaie de singe (7) alimentée par la planche à billets (quantitative easing - QE). Mais attention, cette politique monétaire inflationniste (américaine, européenne et maintenant chinoise) était nécessaire pour retarder l'effondrement de l'économie mondiale suite aux crises financières sans précédent de 2001 et de 2008. Les banquiers, les économistes, et les cambistes du monde entier le savent et c'est la raison pour laquelle ils se taisent, laissent braire et cherchent désespérément une voie de sortie de la crise endémique. Ils sont tous coincés, exécutants américains, banquiers européens et internationaux, dans le même cul-de-sac financier inextricable. Ainsi, les gros détenteurs de dollars bidon s'excitent et prennent des initiatives hasardeuses. Les monarchies du Golfe (Arabie Saoudite, Bahrein, Emirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar, envisageaient, pour 2010 une monnaie unique sur le modèle de l'euro. Au moment de signer l'accord, il n' en restait plus que quatre, la menace du nucléaire iranien ayant fait son effet. Puis, ce fut le tour des autres producteurs d'énergies fossiles qui, ne voulant pas être les dindons de la farce, envisagèrent leur «solution» pour se sortir du cartel du pétrodollar. Le Cartel de l'OPEP et la Russie souhaitèrent marcher sur les traces de Saddam Hussein et tentèrent de mettre en place une monnaie unique pour honorer les contrats pétroliers. La Libye et la Syrie, deux amis de la Russie furent envahis et démembrés. L'Ukraine fut envahie et démembrée et elle n'est pas près de se relever. La Chine quant à elle proposa une monnaie universelle par la mise en place d'un instrument de paiement dont la valeur serait déterminée à partir d'un panier de monnaies, et non plus fixée sur celle du dollar américain. Or cet instrument existe déjà, mais pas pour cet usage : ce sont les droits de tirage spéciaux (DTS) mis en place par le FMI aussi tôt qu'en 1969 (8). Fin mars 1995, Dominique Strauss-Kahn déclarait « légitimes » les discussions sur une nouvelle monnaie de réserve. Quelques années plus tard, à la direction du FMI il récidiva puis au printemps 2011 le «joker» du FMI était pris en flagrant délit d'agression sexuelle, activité qu'il pratiquait pourtant depuis fort longtemps. Michael Hudson (9), dans un article sur la dollarisation et le démantèlement de l'empire militaire et financier américain (17 juin 2009) va jusqu'à déclarer : « La ville russe d'Iekaterinbourg, la plus importante à l'est de l'Oural, pourrait désormais être connue comme le lieu où sont morts non seulement les tsars, mais aussi l'hégémonie américaine. Non pas uniquement à l'endroit où le pilote américain Gary Powers a été abattu en 1960, mais aussi celui où l'ordre financier international dominé par les USA a été mis à bas. » Michael Hubson récidive : « La remise en cause de l'Amérique sera le thème principal des réunions élargies de Iekaterinbourg, en Russie (ex-Sverdlovsk) des 15 et 16 juin (2008) rassemblant le président chinois Hu Jintao, le président russe Dmitri Medvedev et les représentants les six pays de l' Organisation de Coopération de Shanghai (OCS). Cette alliance regroupe la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Tadjikistan, le Kirghizstan et l'Ouzbékistan. L'Iran, l'Inde, le Pakistan et la Mongolie y ont le statut d'observateurs. Mardi le Brésil s'y joindra pour les discussions commerciales entre les pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine). » Suite à cette réunion le Président Sarkosy (France) s'est dit en accord avec l' esprit d'Iekaterinbourg, ceci dans la logique du nationalisme gaulliste et lors du G8 qui s'est tenue à L'Aquila (Italie-2009) plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement ou leurs représentants ont clairement remis en cause le désordre monétaire existant depuis l'abrogation des accords de Bretton Woods et ils se sont lamentés de la prédominance du dollar dans les échanges internationaux. Nicolas Sarkozy a appelé à un débat à propos d'une éventuelle monnaie de réserve. Sarkozy fut battu aux présidentielles subséquentes (2012). Le représentant chinois a évoqué, pour sa part la nécessité d'un régime monétaire international de réserve diversifiée et rationnelle basée sur le principe des droits de tirage spéciaux (DTS), étalonné à partir d'un panier de devises dans lequel la Chine aimerait bien voir figurer le Yuan. Notez au passage que ces tergiversations et ces contorsions de la gouvernance capitaliste internationale ne pourront pas sauver le système économique capitaliste dont la dégringolade n'est pas causée par l'hégémonie du dollar US, mais par les profondes contradictions qui traversent ce mode de production entre le développement immense des forces productives et l'inadéquation des rapports de production capitalistes. La réponse américaine ne s'est pas fait attendre Le président Obama a défendu le dollar : « En ce qui concerne la confiance dans l'économie américaine ou dans le dollar, je ferais remarquer que le dollar est extraordinairement fort en ce moment. Et la raison pour laquelle le dollar est fort en ce moment, c'est parce que les investisseurs considèrent que les Etats-Unis ont l'économie la plus forte du monde, avec le système politique le plus stable au monde. Je ne crois pas à la nécessité d'une monnaie mondiale. » Or, justement, depuis que Barack Obama a fait cette déclaration le dollar est en baisse et les capitalistes monopolistes internationaux (y compris les grandes firmes ayant leur siège social aux Etats-Unis) délocalisent leurs capitaux des Etats-Unis vers l'Europe, le Japon et la Chine (9). Les lois inexorables de l'économie capitaliste sont imparables. Ainsi aujourd'hui, alors que toutes les tentatives concertées de contourner le dollar-empereur ont échoué, il n'ya plus que 60 % du commerce mondial libellé en dollar alors que ce chiffre frôlait les 90 % quelques années auparavant (10). Il apparaît donc que la question du dollar comme monnaie du commerce international est au centre des préoccupations du monde capitaliste et au centre de leurs rivalités. Comme l'histoire du fétiche-argent nous l'enseigne, il arrive toujours un moment ou il faut passer sous les fourches caudines du « paiement au comptant », et ce moment approche, mais il ne marquera qu'une descente aux enfers supplémentaires pour la masse des prolétaires salariés du monde entier. Ce moment ne marquera absolument pas la fin de la crise économique systémique du capitalisme, mais au contraire son approfondissement qui pourrait bien être l'étincelle qui mettra le feu à toute la plaine prolétarienne mondiale.