Les préoccupations sociales de la jeunesse dans les pays méditerranéens se font une place majeure dans la sélection des films en compétition au 1er Festival d'Annaba du film méditerranéen (FAFM), ouvert jeudi dernier au Théâtre régional Azzedine-Medjoubi. L'immigration, les problèmes conjugaux, les conflits d'héritage, la drogue et le chômage constituent l'essentiel des sujets traités par les 18 films en lice pour le Grand prix du festival, le «Annab d'or». «Madame Courage», dernier film du réalisateur algérien Merzak Allouache, explore le fléau de la délinquance juvénile à travers l'histoire d'un jeune délinquant, vivant dans un bidonville, qui se drogue à coups de pilules surnommées «‘Madame Courage»'. Le film traduit un vécu social dans lequel le public, venu nombreux assister à sa projection, samedi, dresse un état des lieux dans lequel se reconnait une bonne partie de la jeunesse algérienne. Le jeune réalisateur espagnol, Jonas Caprigano revient dans son film «‘Mediterranea»' sur le phénomène de l'immigration et des difficultés d'intégration des immigrés, souvent confrontés à l'hostilité et à la marginalisation. Toujours côté espagnol, le cinéaste Asier Altuna, aborde le conflit des générations à travers l'histoire d'une famille dont les parents et les enfants s'affrontent. Dans le même registre, la réalisatrice française, Ounie Lecomte revisite, dans «Je vous souhaite d'être follement aimée», le parcours du combattant des nés sous X à travers l'histoire d'une jeune femme en quête de son identité et de sa mère biologique. La cinéaste libanaise Rana Salem retrace, pour sa part, dans un road movie (genre cinématographique où un voyage sur les routes est le fil conducteur du scénario, ndlr), le chemin d'un jeune couple qui sombre dans la déprime, tandis que «Waynon», autre film libanais, se penche sur les souffrances des familles des disparus de la guerre civile du Liban qui a éclaté en 1975. La cinéaste tunisienne, Raja Amari, revient, quant à elle, dans «Printemps tunisien» sur la révolution des Jasmins qui avait abouti, en 2011, à la chute du régime de l'ancien président Ben Ali. Un contexte qui fait croiser le destin de quatre jeunes gens, dont une fille. Le réalisateur turc Selim Evci épluche dans son film «Secret» le sujet de l'infidélité à travers l'histoire d'un musicien de renom qui entretient une relation amoureuse avec l'amie de sa fille, alors que «Le scarabée des cendres», de la réalisatrice marocaine Sanna Akroud, traite des conflits d'héritage. Outre l'Algérie, douze pays dont la Tunisie, la France, l'Italie et la Syrie participent à cette édition qui se poursuivra jusqu'au 9 décembre au Théâtre régional Azzedine-Medjoubi. Le rôle du cinéma dans le débat autour de l'émigration clandestine Les participants à une conférence consacrée au phénomène de «l'émigration clandestine en Méditerranée», organisée en marge du Festival d'Annaba du film méditerranéen, ont mis en relief le rôle du cinéma dans «le lancement et l'approfondissement» du débat autour de ce phénomène. Le cinéma, un art de l'image et du son, est un outil efficace pour rendre compte du drame des émigrants clandestins, mus par de «faux rêves d'Eldorado», a estimé le cinéaste et enseignant universitaire oranais, Mohamed Bensalah. Cet intervenant, évoquant les raisons qui conduisent des jeunes à braver la mer à la recherche d'une prétendue «vie meilleure», a considéré que les solutions imaginées par les pays de l'espace euro-méditerranéen resteront sans effet en l'absence d'une réelle volonté de traiter le problème dans toute sa profondeur. Pour sa part, le Pr. Fouad Bouketta, de l'université d'Annaba, soulignant que l'émigration clandestine en mer méditerranée connait une recrudescence «impressionnante», a rappelé, à ce propos, que l'année 2014 a été marquée par l'arrivée sur les côtes européennes de 274 000 migrants contre 100 000 en 2013. Pour cet universitaire, le règlement de cette question reste tributaire des mesures que les Etats doivent prendre pour créer, dans leurs pays, les conditions d'une vie décente et épanouie, susceptible de renforcer dans les rangs des jeunes le sentiment d'appartenance à leur pays, à leur culture. Au cours de cette conférence organisée dans un hôtel de la côte annabie, en présence de nombreux étudiants, membres d'associations et juristes, les participants ont aussi traité de l'aspect le plus dramatique de l'émigration clandestine, celui, en l'occurrence, de la disparition en mer de nombreux jeunes gens ayant tenté la «folle aventure». Laetitia Tura, réalisatrice avec Hélène Crouzillat du long-métrage documentaire «Les messagers» a participé au débat qui lui a donné l'occasion de présenter son film où des témoins, des migrants, racontent parfois de façon poignante, la façon dont ils ont frôlé la mort.