Ce n'est toutefois pas ce que disent la Grande-Bretagne et la France. Une source du gouvernement britannique a déclaré au « Telegraph » que les ministres «se dirigeaient vers» un plan consistant à envoyer une aide militaire aux côtés des alliés européens pour vaincre l'Etat islamique en Libye. La France, qui a effectué des vols de reconnaissance au-dessus de la Libye, souhaite également une autre mission de bombardement de l'Occident. La semaine dernière, le Premier ministre Manuel Valls a demandé à ce que les efforts internationaux pour écraser les djihadistes de l'Etat islamique s'étendent aux pays d'Afrique du Nord. « Nous sommes en guerre, nous avons un ennemi (...) que nous devons combattre et écraser en Syrie, en Irak et demain sans doute en Libye», a-t-il déclaré. Un tel résultat est ce que l'Egypte et les Emirats arabes unis cherchaient à obtenir depuis le coup d'Etat militaire au Caire il y a deux ans. Prévenir de la nécessité d'une intervention étrangère dans l'est de la Libye fut le premier geste ou presque du nouveau régime en Egypte en 2013. Le général élu par Abdel Fattah al-Sissi pour cette mission est le général libyen qui a travaillé pour la CIA, Khalifa Haftar, une personnalité tellement clivante qu'il a même réussi à diviser le parlement de Tobrouk. Avant que les bombardements puissent commencer, la Grande-Bretagne et la France doivent être invitées à intervenir par la Libye elle-même. Cela n'arrivera pas à moins qu'il y ait un gouvernement nominal d'unité nationale. Il n'a pas à siéger. Il lui suffit simplement d'exister en tant qu'entité virtuelle. Voilà la raison qui se cache derrière cette hâte à créer un gouvernement d'unité nationale, estiment certains analystes. Son premier acte ne serait pas d'entamer un processus de réconciliation nationale. Ni même de se lancer dans la quête de la sécurité nationale. Ce serait d'entériner une autre intervention étrangère. Dans ce sens, les interventions forment un cercle parfait : de la Libye au Mali, à l'Irak, à la Syrie, et maintenant retour à la Libye. Chaque intervention fournit le prétexte à une autre. Et aucune d'elle ne finit. La France a lancé son intervention militaire au Mali en janvier 2013 pour mettre fin à un soulèvement de différents groupes militants dans le nord. La mission était de libérer le nord de l'occupation djihadiste et de restaurer la souveraineté malienne sur l'ensemble du territoire. Ce n'est pas vraiment ce qui s'est passé. L'opération Serval est terminée et l'opération Barkhane continue. Les Français sont toujours là, tout comme les djihadistes. Bombarder l'EI à Syrte signifierait sans doute bombarder d'autres groupes djihadistes dans l'est du pays, lesquels ont jusqu'à présent largement agi comme un frein à l'expansion de ce dernier. Après près de cinq ans, les Libyens devraient réaliser que ni l'ONU ni la communauté internationale ne peuvent mettre un terme au conflit en Libye. L'expérience a montré que la médiation internationale peut être corrompue. Celle-ci peut donc exacerber et prolonger le conflit. Approuver sans discussion une nouvelle intervention étrangère visant l'EI, voilà la raison qui se cache derrière cette hâte à créer un gouvernement d'unité nationale. (Suite et fin)