Nous vivons des heures passionnantes et peut-être un peu dangereuses... A Munich, lors de la Conférence annuelle sur la sécurité, Medvedev vient de déclarer que le monde était entré dans une « nouvelle Guerre froide », blâmant les Etats-Unis et l'expansion continuelle de leur instrument militaire, l'OTAN : «Parfois, je me demande si nous sommes en 2016 ou en 1962.» Bonne question... Le secrétaire-général de l'Otan a, lui, défendu son dinosaure par l'habituelle rengaine que l'on entend depuis 50 ans : «La rhétorique, la posture et les manœuvres de la Russie sont destinées à intimider ses voisins, sapant la confiance et la paix en Europe.» Si l'on pouvait le croire avec certaine raison du temps de l'URSS, personne ne peut être dupe de la politique américaine aujourd'hui. Les récents délires sur la possibilité pour les Russes de « prendre les pays baltes en trois jours » avaient évidemment pour seul but de justifier le renforcement de l'OTAN en Europe de l'est. Les observateurs sérieux, dont le respecté National Interest, peuvent bien se gausser de ce prétexte imbécile et fallacieux, qu'importe, puisque les vassaux européens de l'empire et leur mafia médiatique feignent d'y croire. Mais revenons à notre conférence de Munich... Lavrov et Kerry se sont écharpés sur la Syrie, le Russe déclarant que Washington avait renié ses engagements et l'Américain critiquant le choix des cibles russes. Kerry est ici d'une mauvaise foi criante. La résolution 2254 du Conseil de sécurité de l'ONU, votée à l'unanimité, intimait aux Etats membres de « combattre l'Etat Islamique, Al Nosra et autres groupes terroristes affiliés ou non à ces deux groupes ». C'est exactement ce que Moscou fait à Alep, les légendaires « rebelles modérés » n'étant qu'une vue de l'esprit. Alep justement. Les petits protégés djihadistes de l'axe américano-turco-saoudien sont au supplice. Les qaédistes d'Al Nosra, grands amis de Fabius, ont même dû dégarnir leurs positions d'Hama pour renforcer celles de la grande ville du nord. Pas sûr que ça change quelque chose sinon de faciliter encore plus la reprise du centre du pays, dont Hama fait partie, par les forces loyalistes. Les YPG encerclent désormais Azaz, bastion islamiste à 5 km de la Turquie et point d'entrée du ravitaillement des rebelles. La situation est désespérée pour les djihadistes non-EI, pris entre trois feux : les Kurdes à l'ouest, les loyalistes au sud et Daech à l'est. De désespoir, mais prête à prendre tous les risques, la Turquie a bombardé les YPG qui font mouvement autour d'Azaz. Précision importante : ces bombardements ont été le fait de l'artillerie à partir du sol turc et non de l'aviation, clouée au sol par les S-400 russes. Mais la situation est tout de même dangereuse. Comment vont réagir Russes, Syriens et Kurdes, et dans une moindre mesure les Américains dont l'allié canonne l'autre allié ? (A suivre)