Le Moyen-Orient vit des heures importantes, dangereuses et très incertaines. Des signes extrêmement contradictoires nous parviennent de Washington, qui peuvent tout aussi bien indiquer un feu vert donné à leurs associés turcs et saoudiens pour une invasion de la Syrie, entraînant évidemment une réponse russe (et iranienne) débouchant sur une guerre ouverte, régionale et peut-être même plus... La direction américaine semble en réalité complètement perdue et tiraillée de tous côtés. Ecartelée entre des alliés qui se battent entre eux sur le terrain syrien, déchirée aussi au sommet du pouvoir entre des secteurs qui se ne s'entendent plus du tout. La CIA et les néo-cons continuent leur soutien mordicus aux djihadistes, ce qui exaspère le commandement militaire US, plus ou moins frondeur depuis 2013 et résolument opposé à toute collaboration, même cachée, avec Al Qaïda. Entre les deux, Barack Obama, indécis devant l'éternel, balance et se prend les pieds dans le tapis. Cela dit, les YPG soutenus par Jaysh Al-Thuwwar (rebelles arabes des Syrian Democratic Forces, groupe crée par Washington l'année dernière) sont entrés dans les quartiers nord d'Alep, où ils combattent les terroristes «modérés» si chers aux médias occidentaux. Ceci est fort intéressant car la ville même d'Alep est assez éloignée du canton kurde d'Afrin et les YPG n'y ont théoriquement aucun intérêt. Cela suppose donc qu'une véritable alliance tactique a été mise en place entre les forces du régime et les YPG mais aussi les SDF, c'est-à-dire une entente tactique entre des composantes soutenues par la Russie et par les Etats-Unis. Par ailleurs, Moon of Alabama se pose sérieusement la question de savoir si des forces spéciales américaines n'aident pas ces mêmes YPG et SDF à prendre Azaz, à la grande fureur du sultan. Ceci pourrait en tout cas expliquer la demande du Pentagone à la Russie de ne pas bombarder certaines zones où opèrent ces forces spéciales US. Changement imperceptible mais réel par rapport au temps pas si lointain où le Pentagone refusait tout contact avec la Russie, y compris pour coordonner leurs vols au-dessus de la Syrie. Jusqu'ici, la Russie a respecté la demande de Washington, ouvrant la porte à une coopération entre les deux grands pour en finir avec la rébellion islamiste et, à terme, ramener la paix en Syrie. Mais... les tout derniers développements font office de douche froide. Certes, l'attentat d'Ankara, revendiqué par un groupe kurde dissident du PKK pour venger les crimes de l'armée turque à Cizre (notamment les 150 personnes brûlées vives le mois dernier), n'a pas du tout convaincu les Américains et les Européens de la responsabilité du PYD, accusation délirante du gouvernement turc qui la maintient contre toute vraisemblance. (A suivre)