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Il y a 57 ans tombait au champ d'honneur Nour Eddine Rebah
Publié dans La Nouvelle République le 20 - 04 - 2016

«Si nous venions à mourir, défendez nos mémoires.» Didouche Mourad. Il y a cinquante-sept ans, le 13 septembre 1957, au cours d'un terrible accrochage entre l'ALN et l'armée française, dans le djebel Beni Salah, à Bouhandès, à quelques km au sud-ouest de Chréa, dans le massif blidéen, tombait pour l'indépendance du pays, l'arme à la main, Nour Eddine Rebah. Il était voltigeur au commando de la zone 2 de la wilaya 4. Avant de s'engager dans la lutte armée, il était étudiant à l'université d'Alger, dirigeant des jeunesses communistes et membre du conseil de la Fédération mondiale de la jeunesse démocratique (FMJD). «Sa mort hante mes nuits», me confia le chef de la zone 2, Ali Lounici. Le souvenir de la mort au combat de Nour Eddine Rebah ne le quitta jamais...
Nour Eddine Rebah, qui doit son éveil politique précoce à ses oncles maternels, Makhlouf et Ali Longo, militants au syndicat CGT et membres du Parti communiste algérien (PCA), est né le 20 juin 1932 dans le vieux quartier andalou des Ouled Sultan, à Blida. Aîné des neuf enfants d'Ahmed Rebah et Hafsa Longo, il fit ses études primaires successivement à Blida (école Cazenaves), Charon (aujourd'hui, Boukadir, à l'ouest de Chlef) et Alger (école de la rue du Soudan, dans la Basse-Casbah). A Saint Eugène (Bologhine, banlieue d'Alger), enfant, il suivit l'école coranique où enseignait l'imam cheikh Sahnoun. Après avoir passé brillamment le concours national des bourses, il entra au Collège moderne du boulevard Guillemin (aujourd'hui annexe du Lycée Okba), à Bab El Oued. Il termina, ensuite, le cycle secondaire au Lycée Bugeaud (Lycée Emir Abdelkader, actuellement), en classe de philosophie, en menant de pair ses études et l'activité politique anticoloniale intense dans laquelle il s'était pleinement engagé et qui le mena, en tant que militant du PCA, à intervenir dans les meeting visant à mettre en échec la répression qui s'abattait, alors, sur les militants du mouvement national, et particulièrement sur les membres de l'Organisation spéciale (OS), dans ces années 1950. Une dimension internationale En août 1950, à l'âge de 18 ans, Nour Eddine Rebah fit partie de la délégation algérienne au 2ème congrès de l'Union internationale des étudiants (UIE), tenu à Prague, qui vit la participation des militants anticolonialistes que les Algériens connaîtront plus tard, comme Maître Jacques Vergès ou le professeur d'économie Gérard Destannes De Bernis. Devant les représentants des étudiants venus de tous les coins du monde, il fit un exposé saisissant sur la misère des enfants algériens sous le colonialisme. Une année après, en 1951, à Berlin, au Festival mondial de la jeunesse, placé sous la présidence d'honneur du savant Frédéric Joliot-Curie, il rencontra les poètes Pablo Neruda (Chili) et Nazim Hikmet (Turquie). En 1953, au défilé inaugural du Festival mondial de la jeunesse de Bucarest, il était en tête d'une importante délégation algérienne qui comprenait des personnalités de la culture comme Mahieddine Bachtarzi et Mustapha Kateb. Brandissant une banderole avec le mot d'ordre, écrit en arabe, «la jeunesse algérienne en lutte pour l'indépendance », la délégation fut acclamée par des centaines de jeunes venus du monde entier. Entre temps, il obtint le bac et s'inscrivit, en novembre 1952, à la Faculté de médecine de l'Université d'Alger. En décembre 1953, il fut élu vice-président de l'Association des étudiants musulmans d'Afrique du Nord (AEMAN), dans un contexte fortement marqué par la diffusion des idées marxistes dans les milieux universitaires. Ses conditions matérielles très difficiles le contraignirent, en octobre 1954, à prendre un poste d'instituteur à Ain Rich, à 300 km au sud d'Alger, tout en continuant à suivre ses études par correspondance. Dans ce douar isolé, il eut à apprendre à lire et à écrire à des enfants dont les conditions de vie étaient des plus pénibles : pieds nus, en haillons et la faim au ventre, ils effectuaient de longs trajets pour arriver à leur école-gourbi, comme l'appelaient, à ses débuts, les autorités coloniales. Les anciens de Ain Rich qui l'ont connu gardent en mémoire sa sollicitude à l'égard de ces enfants, privés de tout, qu'il aidait comme il pouvait. En mars 1955, il retourna à Alger et reprit le chemin de l'Université. Pendant les vacances d'été, il travailla à Tourisme et Travail à Cap Aokas, près de Béjaïa, puis, à la rentrée suivante, au Collège de Tizi Ouzou (aujourd'hui lycée Amirouche) comme maître d'internat. C'était, évidemment, une « couverture » à ses activités militantes. Il était, en effet, connu des services de la DST qui l'avait déjà arrêté à deux reprises, en octobre 1952 et en avril 1953, en prolongement de l'affaire appelée « complot des pigeons » qui fut un prétexte, en France, en mai 1952, à l'arrestation du dirigeant communiste Jacques Duclos. Conduit au siège de la DST, qui se trouvait à Bouzaréah, Nour Eddine Rebah avait refusé, les deux fois, de répondre aux questions des policiers et de signer le PV de son interrogatoire. L'engagement dans la lutte armée En octobre 1955, il intégra, à Alger, un groupe des Combattants de la libération, organisation armée créée par le PCA. Il prit part ensuite à un convoi d'acheminement, vers le maquis de l'Arba, près d'Alger, des armes récupérées par son ami Henri Maillot, qui avait détourné, le 4 avril 1956, un camion de l'armée française. En juillet 1956, suite aux accords FLN-PCA, il intégra les rangs de l'ALN. Amar Ouamrane, chef des maquis de la zone 4 (qui deviendra wilaya 4, après le congrès de la Soummam), l'affecta au commando dirigé par Ali Khodja, dans le quadrilatère montagneux l'Arba –Tablat -Palestro (actuelle Lakhdaria)-Fondouk (actuelle Khemis el Khechna). En octobre, il fit partie du commando chargé d'organiser la lutte armée dans le sud de l'Ouarsenis, à partir du douar Beni Hendel. Après la retentissante élimination du sinistre Masmoudi, auteur du massacre, en août 1956, de djounoud du premier détachement conduit par Si Abdelaziz, Nour Eddine Rebah, artisan de cette opération, fut promu au grade d'officier-commissaire politique de la région d'El Meddad-Theniet el Had, nouvellement créée et, en cette qualité, eut pour mission d'organiser la lutte dans la région de Vialar (Tissemsilt, aujourd'hui) au cœur du Sersou. C'est à cette période qu'il rencontra, dans un refuge, incidemment, un ami de Saint Eugène, le docteur Youcef Damardji, installé à Tiaret, qui tombera plus tard, lui aussi, au champ d'honneur. Les moudjahidine, survivants de cette région, se souviennent de Nour Eddine, leur commissaire politique et, particulièrement, de la façon dont il réussit à démêler l'affaire du caid Ben Youcef, chef de l'ancestral réseau caidal d'Ighoud-Beni Maida, tissé par les Ben Ferhat. Arrêté fortuitement par l'ALN, en février 1957, le caid avait été conduit au poste régional de commandement où Nour Eddine Rebah le convainquit, après des heures de discussions et en lui assurant la vie sauve et la liberté, de se mettre au service de l'ALN. Il évitait ainsi la création d'une harka dans la région. Découvert par la suite, le caid Benyoucef fut arrêté par l'armée française et condamné avec d'autres membres de sa famille pour « collaboration » avec l'ALN... Mort sans sépulture C'était en mars 1957. La machine de l'ostracisme se mettait en marche dans la wilaya 4. Elle touchera les anciens cadres du PCA qui s'y trouvaient, tels Bouali Taleb, Abdelhamid Boudiaf ou Mustapha Saadoun. Dans un recueil publié par l'historien Mohamed Harbi, Les Archives de la Révolution, Abdelhamid Boudiaf, un des premiers commissaires politiques de l'Orléansvillois (Chlef), décrit cette pratique sectaire qui s'est traduite, dans le cas de Nour Eddine Rebah, par une forte pression pour le faire fléchir et l'amener à renier les idées politiques généreuses, qu'il portait depuis son jeune âge, sur l'avenir social de l'Algérie une fois indépendante. Nour Eddine Rebah, qui refusa de céder à ce diktat idéologique, traversa alors un moment très dur. Une phase dite « de transit », consistant à le faire passer d'un groupe à l'autre, sans arme; en fait, une mise à l'écart. A la fin du mois d'août 1957, après avoir décliné l'offre d'une formation à l'Ecole militaire de Baghdad, il rejoignit, à sa demande, le commando de la zone 2 de la wilaya 4, en qualité de voltigeur et fut doté d'un fusil MAS 49. Cette unité d'élite s'était distinguée, quelques jours plus tôt, le 3 septembre 1957, dans un accrochage avec un commando de parachutistes, dans le secteur d'Ouled Benaissa, au sud-ouest de Médéa, où, de l'aveu-même de la presse coloniale, l'armée d'occupation subit de lourdes pertes. L'instant fatal arriva le vendredi 13 septembre 1957, dans le djebel Beni Salah, au sud-ouest de Chréa. Arrivé la veille dans la cuvette d'oued Merdja, avec ses compagnons des commandos des zones 1 et 2, majoritairement étudiants et lycéens, il fut encerclé par l'ennemi. Au petit matin, l'alerte fut donnée quand l'armée française actionna son dispositif infernal : les bombes au napalm larguées par les B-26 enflammaient le lit de l'oued pendant que les obus de l'artillerie s'écrasaient sur Bouhandès. Son fusil MAS 49 à la main, Nour Eddine Rebah tenta une percée du côté de l'Ancienne Redoute, dans le massif Guerroumène dont la crête était tenue par les parachutistes du général Massu. Les premières balles ennemies furent pour lui. Grièvement blessé, il rendit l'âme dans des circonstances encore inconnues. Il avait 25 ans. Mort sans sépulture, mais d'une mort tranquille. Sans reniement de ses idées et principes, malgré le spectre hideux de la « fosse » (ech châaba, allusion à la liquidation physique) constamment agité, au maquis, par des « frères d'armes » à l'esprit malheureusement étroit. Après sa mort, son nom continua à être cité au Tribunal permanent des forces armées d'Alger, dans des procès intentés à ses amis Georges Acampora, Yahia Briki et Abderrahmane Taleb. Nour Eddine Rebah fut même condamné à mort par contumace, en mars 1958, alors qu'il n'était déjà plus de ce monde. Sur les lieux de son dernier combat, dans la vallée d'oued El Merdja, à Bouhandès, où, quelque part dans le ravin, se trouvent ses restes blanchis, une modeste stèle, érigée en 1987 par ses anciens camarades de la wilaya 4, rappelle son souvenir et celui de ses jeunes compagnons d'armes tombés au champ d'honneur, en ce vendredi 13 septembre 1957, à l'exemple du lycéen Mokhtar Chebout, d'Hussein Dey, que l'on appelait le « poète », et du collégien Sellami dit Didouche, de Médéa, qui était un sportif connu. Source www.babzman.com

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