«La dette est un véritable traquenard pour ceux qui y ont eu recours. On en sort que très péniblement comme le montrent les nombreux pays empêtrés dans l'emprunt devenu perpétuel ; l'Algérie a encore des marges de manœuvre pour envisager la coproduction, la co-localisation et des partenariats «gagnant-gagnant »pour peu qu'elle devienne vertueuse dans sa gouvernance. Conséquence de la dérégulation des marchés internationaux, la problématique de la dette et du développement économique est en passe de ressurgir en Algérie, si les dirigeants ne prennent pas les dispositions nécessaires pour se prémunir du danger de l'endettement extérieur. L'idée de recours à l'endettement extérieur pour poursuivre le développement économique semble faire son bonhomme de chemin auprès des décideurs algériens comme alternative pour faire face à la baisse du prix du pétrole et maintenir son programme de développement et sa stabilité politique. L'endettement bien maitrisé est un outil conciliable pour parachever des projets économiques et assurer sa continuité politique. Il peut être avisé pour un Etat ou une entreprise de s'endetter pour investir aussi longtemps que la croissance qui en résulte est supérieure au cout du crédit. Il faut cependant bien distinguer l'emprunt obligataire qui est proposé qui résulte d'une créance détenue par des nationaux, qui à l'instar du Japon qui ne pose pas de problème incommensurable, et celle issue des institutions internationales, comme la Grèce qui pose de graves problèmes de souveraineté. Il est impératif de rappeler notamment de manière succincte que : -Que l'exportation de notre pétrole représente près de 97% des ressources du pays en devises -L'Algérie a lancé un grand programme de développement des infrastructures dont 40% de ses ressources sont consacrés à l'amélioration du développement humain. -Que les transferts sociaux représentent 30% du PIB (loi de finances 2015). -Que le pays ne produit pratiquement rien et importe pratiquement tout. -Que la vulnérabilité du pays est quasi-totale puisque liée essentiellement au revenu de la rente pétrolière. La chute des ressources de cette dernière estimée à près de 60% a entrainé déjà. la consommation d'une partie «du fond de régulation des recettes (FRR) ou péréquation» c'est à dire du mécanisme de redistribution qui vise à réduire l'impact des écarts du marché pétrolier et les fortes fluctuations des cours sur l'évolution de l'économie nationale. Entre septembre 2014 et septembre 2015 le matelas de la réserve de change a subi une contraction de plus 32,57 milliards de dollars ramenant la cagnotte à 152,7 milliards de dollars selon la banque d'Algérie. Aujourd'hui se pose la question de recours à l'endettement extérieur pour contribuer au développement et maintenir une politique sociale qui relève encore de « l'état providence.» (Premier ministre lors de la réunion avec les walis le 18 août 2015) En tant que témoin – cadre chargé de la communication du chef de gouvernement des années 1988-1989, une période où l'endettement national (30 milliards de dollars) avait atteint son paroxysme et que le pays était pratiquement « en situation de cessation de paiement. » Je peux attester de l'état de l'anxiété incompressible des responsables de l'époque dont je devais avec mon équipe transcrire les communiqués des conseils de gouvernement mais aussi à veiller de ne pas inquiéter davantage nos créanciers. – en prenant bonne note que « la confiance » est un élément déterminant en économie. Déjà à l'intérieur de l'équipe gouvernementale des débats houleux se nouaient sur la conduite à tenir face à cette situation ; une question lancinante : que faire ? Fallait-il : -Aller à encore plus d'endettement ? -Mettre en vente notre stock d'or et perdre la garantie de remboursement éventuel qu'il constituait ? -Aller au rééchelonnement auprès des institutions internationales comme le F.M.I ? -SWAPPER la dette ? Après avoir sonné la mobilisation de l'appareil d'état (institutions internes économiques politiques, culturelles et sociales), les institutions externes l'appareil des affaires étrangères toutes ses ambassades, le haut de comité de l'énergie, les experts, concevoir des coalitions internationales pour trouver une parade à la baisse du prix du pétrole, sans oublier les sollicitations de prêt des'' pays amis ‘'notamment de ceux qui avaient eu des facilités pour la chasse à l'outarde dans le sud algérien - toutes ces initiatives s'étaient révélées in fine infructueuses. C'est la mise en œuvre d'une politique de proximité intense, «un gouvernement de terrain » (inspection de wilayas, évaluations serrées des politiques publiques, une médiatisation adéquate et ciblée, une image sécurisée et de travail, une stabilité ressentie, une confiance progressivement retrouvée et une aide inattendue d'un pays voisin de 844 millions de dollars qui a éloigné momentanément le spectre de la cessation de paiement en 1989. Un effort titanesque a permis un changement de paradigme passant d'une gestion basée sur les autorisations globales d'importations (A.G.I) à une gestion à partir de lignes de crédits, c'est-à-dire passer du mode financier au mode logistique, lequel rapportait une certaine disponibilité des produits sur le marché national soulageant la consommation locale. Les créanciers étaient plus enclins à livrer des produits qu'ils produisaient que donner des enveloppes financières. D'autant qu'une communication agressive avait été mise en œuvre, laquelle pouvait laisser croire que l'Algérie allait incessamment bénéficier d'une solidarité financière de certains pays amis, et par chance aucun démenti n'avait été relevé (l'adage « on ne prête qu'aux riches » de même que la cupidité, ne sont pas de vains mots en économie comme l'a mis en évidence le prix Nobel 2001 Joseph Stiglitz) Cette inversion de politique d'importation passant du mode financier à celui de la logistique ,a eu pour effet de redonner confiance à de nombreux pays déjà créanciers et donc prêts à nous livrer de leur logistique - tant pour relancer l'économie, que des produits pour réamorcer la consommation – ce qui a permis de stabiliser et d'améliorer les relations à l'intérieur avec la population mais aussi à l'extérieur avec les pays de la méditerranée comme l'Italie et l'Espagne, les premiers à nous ouvrir leurs lignes de crédit. La tension s'atténuant sur le front socio-économique, les pénuries globalement maitrisées, il était devenu alors possible de parachever les réformes politiques. De ce point de vue, il a été établi que la base sociale et politique du gouvernement de l'époque s'était élargie mais en même temps elle s'était rétrécie au sommet. Une situation qui laissait présager des transitions difficiles et des bouleversements politiques possibles. Les leçons qu'il faut absolument retenir, en ce qui concerne l'endettement c'est que c'est un véritable piège (les Etas unis, la France, la Grèce,... les politiques de rééchelonnement imposées par le F M I ...) : « une véritable trappe et si on y tombe on en sort jamais, ... sauf un miracle. Un miracle s'est produit avec un prix de baril de pétrole à 147 dollars en 2007, une véritable euphorie, ce qui a permis à l'Algérie d'envisager le remboursement anticipée de sa dette de 30 milliards de dollars issue du choc pétrolier de 1986, d'annuler les 902 millions de dollars de dettes de 14 pays africains , se permettre de prêter 5 milliards de dollars au FMI, et de mettre de côté une cagnotte estimée à 179 milliards de dollars en 2014, selon la banque centrale d'Algérie. Mais la réalité est toute autre pour de nombreuses nations empêtrées dans le piège de la dette y compris les plus développées, se retrouvant dans l'obligation d'appliquer des politiques d'austérité pour rembourser, créant un climat de malaise social dans leurs pays respectifs (cf.occupy wall street - 2011). La victoire du modèle capitaliste en 1989 a ouvert la boite de pandore ; le «GLASS- STEAGLE ACT» (3) prend sa revanche sur le « BANKING- ACT» (4), la loi 93-980 (5) fait interdiction à l'Etat d'emprunter à sa banque centrale. La perte de souveraineté est collatérale à l'endettement, les cercles financiers alors peuvent imposer leurs directives aux Etats. La situation aujourd'hui en Algérie avec ses deux ans de réserve de change permet d'initier une politique de développement vertueuse en s'appuyant sur « la coproduction », la « co- localisation » (6), sur les « clusters ou pôles d'excellences » (7), à la faveur de guide de mécanisme de régulation et d'activation (revoir l'autorisation de recours à l'endettement extérieur pour le projet du port de Béjaïa – APS du 6.05.2016 ) Saisir l'opportunité d'un partenariat gagnant-gagnant avec la chine (projet du port en eaux profondes de Cherchell) et avec la Russie pour le développement d'industrie militaire (du know-how), à l'inverse de détracteurs (8), pourrait devenir l'épine dorsale d'une industrie civile renaissante. Saisir aussi la présence des pays émergents - ces nouveaux acteurs relançant «la stabilité hégémonique » dans la région Sahélienne - pour créer des synergies dans tous les domaines du développement vertueux et proposer des alternatives non violentes nous évitant le chaos qui ne nécessitent pas de changer de «système » (selon l'économiste Hamid Temmar, conf. du 21/04/16) ou de «gouvernance » (d'après l'économiste Abdelouaheb Rezig, conf. du 28/04/16) pour sortir de l'addiction à la rente pétrolière. Pr Mohamed Reda Mezoui, Directeur du laboratoire études et analyses des politiques publiques en Algérie (Université Alger 3). Directeur de la spécialité master des études politiques comparées (faculté des sciences politiques et des relations internationales (Université Alger 3). Expert consultant international.