uelque 6.000 militaires (sur les 7.500 personnes arrêtées) ont été placés en garde à vue. Des figures emblématiques de la rébellion, tels le général Mehmet Disli qui a mené la prise d'otage du chef d'état-major Hulusi Akar et l'aide de camp, le colonel Ali Yazici, ont été touchés par la purge. 70 généraux et amiraux, dont Erdal Ozturk et Adem Huduti, respectivement à la tête des troisième et deuxième armées, ont connu le même sort, selon l'agence de presse Anadolu. D'après le quotidien Hürriyet, des officiers ont également été arrêtés sur la base aérienne d'Incirlik (sud), rouverte dimanche et réutilisée par la coalition internationale menée dans sa guerre contre Daech. Dans l'autre base tout aussi importante de Konya (centre), des « affrontements entre les forces de sécurité et des insurgés résistant à leur arrestation ont eu lieu ». A tous les niveaux des institutions de l'Etat, la main lourde d'Erdogan s'est abattue sur le corps des policiers (8.000 limogeages) et des magistrats (2.745 des 15.000 juges relevés de leurs fonctions). Près de 3.000 mandats d'arrêt ont été émis à l'encontre des juges et des procureurs. Deux juges de la Cour constitutionnelle, dix collaborateurs du Conseil d'Etat et cinq membres du Haut-Conseil de la magistrature avaient aussi été arrêtés samedi. Dans les milieux diplomatiques, l'attaché militaire de l'ambassade de Turquie au Koweït, Mikail Gullu, a été arrête en Arabie saoudite où il a tenté d'embarquer à bord d'un vol à destination de Düsseldorf, en Allemagne, via Amsterdam et doit être remis aux autorités turques. La chasse aux putschistes rythme le processus de démantèlement de la rébellion incrustée dans les institutions nationales et accusée de liens avec le prédicateur en exil aux Etats-Unis, Fethullah Gülen. « Derrière ce coup d'Etat, il y a les Etats-Unis... Les Etats-Unis ont l'obligation de nous livrer Fethullah Gülen », a martelé le ministre du Travail, Suleyman Soylu. Sorti victorieux de l'épreuve de force, Erdogan, décidé de faire payer « le prix fort » aux mutins, franchira-t-il la ligne rouge de la dérive répressive ? A l'appel d'Erdogan à redescendre dans la rue, malgré la déroute des putschistes, plusieurs milliers de personnes se sont à nouveau rassemblées dans la nuit de dimanche à lundi sur la place Taksim, ainsi que sur la place Kizilay, à Ankara. « Le jour, allons travailler. Le soir, après le travail, poursuivons notre veille sur les places publiques », a affirmé le Premier ministre turc, Binali Yildirim, devant la foule dans la capitale. Fort de la mobilisation populaire, le président Recep Tayyip Erdogan promet de « continuer d'éliminer le virus » au sein de l'Etat turc en évoquant le possible rétablissement de la peine capitale, abolie en 2004 dans le cadre de la candidature d'adhésion d'Ankara à l'Union européenne. Mais au-delà d'une légitimité incontestable, la dérive répressive généralisée inquiète la communauté internationale. Le président américain a souligné le « besoin vital » de toutes les parties concernées d'agir « dans le cadre de l'Etat de droit ». De Bruxelles, Federica Mogherini, qui dirige la diplomatie européenne, a également estimé que le respect de « l'Etat de droit et de la démocratie était le meilleur moyen d'affronter les difficultés que vit la Turquie ». De Berlin, qui s'insurge contre des « scènes d'arbitraire et de vengeance », à Paris refusant de délivrer un « chèque à blanc », la Turquie est mise face aux exigences d'un traitement démocratique du putsch avorté. « Nous allons demander des comptes pour chaque goutte de sang versée », a répliqué le Premier ministre turc, tout en précisant que son pays allait « agir dans le cadre de la loi ».