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Un patriote debout
Publié dans La Nouvelle République le 14 - 08 - 2016

Un engagement avant la Révolution Né le 15 avril 1933 à Tolga, Hadj Aissoui Abdeslam fait partie de ceux qui ont connu la période de la préparation à la révolution avant 1954. Son nom de guerre était «El-Aissani». Adjudant, il a œuvré dans le 3ème bataillon à la zone nord de la base sous les ordres de Abderrahmane Ben Salem. Il m'a raconté des anecdotes sur les communications de la révolution. La transmission de messages se faisait entre des personnes qui ne se connaissaient pas. Quoi de mieux pour garder le secret de la révolte en phase de lancement.
Les séances étaient tellement conviviales, propices au rafraichissement de la mémoire et au déliement des langues. Un engagement avant la Révolution Né le 15 avril 1933 à Tolga, Hadj Aissoui Abdeslam fait partie de ceux qui ont connu la période de la préparation à la révolution avant 1954. Son nom de guerre était «El-Aissani». Adjudant, il a œuvré dans le 3ème bataillon à la zone nord de la base sous les ordres de Abderrahmane Ben Salem. Il m'a raconté des anecdotes sur les communications de la révolution. La transmission de messages se faisait entre des personnes qui ne se connaissaient pas. Quoi de mieux pour garder le secret de la révolte en phase de lancement. Entre Badji Mokhtar et Hadj Ali ! La révolution n'était pas faite de saints. A ce propos il raconte l'histoire de Hadj Ali assassiné avant même le début de la révolution par ses frères. Ce Hadj Ali était un combattant notoire originaire de Oumeche à Biskra. Il était parti en Palestine en 1948 pour participer à sa révolution contre la naissance de l'état sioniste. En revenant en Algérie en 1952, il contacte les «Fellagas» tunisiens pour participer à leurs actions révolutionnaires. Naturellement dès que les bruits ont commencé à courir sur la préparation d'un coup de force par le CRUA, il s'engage pour la cause de son pays. Mais Badj Mokhtar ne voyait pas d'un bon œil cet engagement. Il contacte El-Arbi Ben M'Hidi pour lui exprimer ses craintes de ce Hadj Ali venu de nulle part, qui n'est pas connu des milieux nationalistes et qu'en outre peut-être délégué par des sionistes puisqu'il revient de la Palestine ! On demande alors de le surveiller pendant un mois pour décider de son sort. Après un mois trois personnes sont délégués pour le tuer. Chose faite, mais Hadj Ali arrive à faire tomber un de ses tueurs. Hadj Abdeslam pense que Hadj Ali est tombé victime à cause de l'amour de leadership. Il pense que dans le camp de Badji Mokhtar on craignait que ce Hadj Ali devienne vite un chef dans la zone à cause de ses connaissances militaires et son gabarit impressionnant. Hadj Ali est assassiné en septembre 1954 ; Badji Mokhtar lui ne tardera pas à tomber sur le champ d'honneur le 18 novembre 1954 ! Deux mois sépareront la mort des deux hommes. Prisonnier, mais vite libéré Hadj Abdeslam raconte comment il s'est fait prisonnier avec beaucoup d'humour. Peu après le déclenchement de la révolution, son chef lui demande de revenir en civil vers Bouhadjar puisqu'il n'est pas connu de la police française comme militant. Ainsi il pourra circuler librement au sein de la population. La cause principale est le manque cruel d'armement. Son arme a été donnée à deux recherchés qui ont rejoint les maquis. Le 30 avril 1955, il s'est fait arrêté. Il se rappelle que c'était après la prière d'El-Aïd. C'était le résultat d'une indication faite par un algérien collaborateur avec l'armée française. Lui et son collègue étaient armés. Mais avant la fouille, il arrive à jeter son arme ainsi que l'arme de son compagnon. Il arrive à la brigade de l'armée. On l'intimide pour parler mais il nie tout en bloc. Après un moment, il demande au militaire devant lui : « si tu veux que je parle, amène-moi des cigarettes, un café et des gâteaux». Ses vœux sont vite réalisés. Mais il dit : « je demande à parler au lieutenant de cette brigade en personne ». Le lieutenant arrive, mais Hadj Abdeslam ne finit pas d'exiger. «Je demande à te parler seul en tête à tête en présence de mon compagnon». Ce dernier pense que Hadj Abdeslam a trahi et l'insulte avec les plus grotesques mots. Abdeslam ne répond pas. Il lui demande d'attendre et de voir seulement. En étant en tête à tête avec ce lieutenant nommé, il commence : « oui nous sommes des moudjahidines. Il est une heure du matin. Si nous ne sommes pas chez nous avant 07 :00 du matin, nos frères vont attaquer la brigade. Vous mourrez certainement.». Le Lieutenant est abasourdi devant la confiance du maquisard. Oser avouer que c'est un Moudjahid au sein même de la brigade alors que la coutume veut que les maquisards nient tout en bloc même sous la torture ! Hadj Abdeslam va plus loin. Il prétend que le colonel français de la région est un complice de la révolution. Il a inventé ce grotesque mensonge sur le coup. Le lieutenant finit par avaler l'hameçon. Il décide même d'accompagner les deux maquisards là où ils devront aller puisque c'était le couvre-feu. Ils risquaient de se faire tuer par l'armée. Comment Ben Salem a rejoint la Révolution Abderrahmane Ben Salem, un des fameux chefs de la base de l'Est, et un des plus connus au niveau national. Il était un engagé volontiers à l'armée française. Il combattait les fellagas. Comment se fait-il qu'il a rejoint la révolution en 1956 ? Ben Salem leur avait raconté une histoire qui peut être une scène d'un film hollywoodien. A la fin de 1956, il était dans sa section. Sous les ordres d'un capitaine. Ils pénètrent la maison d'une femme algérienne dont le mari est présumé un fellaga. Cette femme tenait entre ses bras un nourrisson de deux mois. Il n'arrêtait pas de pleurer. Le capitaine de l'armée française l'intimide de l'arrêter. La femme explique qu'il a faim et donc il n'arrêtera pas de pleurer. Le capitaine s'approche et met le bout du pistolet devant les lèvres du nourrisson qui commence à le lécher. La capitaine rigole avec Ben Salem : « regarde, il essaie de prendre mon pistolet ; c'est un petit fellaga ». Boum ! Le capitaine ose tirer sur le nourrisson lui explosant la tête dans les bras de sa maman. Cette dernière ne fait qu'une seule chose. Elle lance un grand youyou de fierté pour célébrer la mort de son bébé. Ben Salem est abasourdi. Le Capitaine l'intimide : « Tu as de la pitié pour elle, tu veux que je tire sur toi ». Ben Salem répond vite, non mon capitaine si tu veux je la tue elle aussi. La suite de l'histoire est connue. Ben Salem en revenant dans la caserne complote Aouachria et ses autres camarades algériens. Ils tuent ce capitaine et d'autres militaires français. Ils prennent autant d'armes possibles et désertent vers les maquis. Alimentation durant cette période Ensuite, l'alimentation durant la guerre de libération. Comment faisiez-vous pour assurer vos besoins ? Il y avait tout un service consacré à l'intendance. Notre alimentation était assurée par les civils. La population nous donnait parfois ces propres repas même en restant à sa faim. Elle nous voyait avec une grande fierté. Cette confiance mettait plus de pression sur nos épaules. Nous devions un comportement exemplaire. Tout dépassement à l'égard d'un civil était sévèrement sanctionné. En période de combats ou de siège, nous mangions de l'herbe. Dans cette région, les plantations ne manquaient pas. Nous cherchions surtout celle dite « péperousse » en langage de la région. Une fois pendant 17 jours, c'était presque notre seule alimentation ! Je demandais aux civils de nous dénoncer ! Hadj Abdeslam est très intelligent. Déjà un autre Moudjahid m'avait parlé de lui avant même de le rencontrer. Il était réputé par son sang-froid même dans les situations les plus délicates. L'exemple de ce qu'il a fait quand il a été capturé en témoigne. Il m'a dit qu'il lui arrivait après un ravitaillement chez un civil, de lui demander de dénoncer les moudjahidine à la brigade. Les civils sursautaient d'indignation en assurant qu'ils ne sont pas des traîtres à la cause. Hadj Abdeslam leur expliquait que c'est une façon de protéger les civils. Les militaires supposeront que puisqu'ils dénoncent les moudjahidine, ils ne font pas partie de l'OCFLN. Par ailleurs, il y aura toujours un vrai collaborateur qui dénoncera l'accueil des «fellagas». Il vaut mieux par conséquent le faire par soi-même. Le but est de passer leur action pour une action sous la contrainte des «fellagas». Blessure ! Hadj Abdeslam est blessé en novembre 1960. Il est tombé victime d'une mine antipersonnel. Il souffre des conséquences jusqu'à nos jours. Il a perdu 3 doigts de sa main gauche, ainsi qu'une grande cicatrice au niveau de l'épaule. Il a fallu attendre 1968 afin que le dernier fragment décide de sortir de son corps, alors que toutes les opérations précédentes ont échoué à le faire. Il m'a raconté cette scène avec grande émotion. Les larmes aux yeux, il m'a expliqué combien il a souffert de la blessure qui a failli lui coûter la vie après l'indépendance. On voulait l'amputer ; il a tout fait pour l'éviter. Il a encore ses deux bras. Mutation des condamnés à mort : En évoquant certains aspects de l'organisation de la révolution, Hadj Abdeslam m'a parlé des condamnés à mort. Il m'a expliqué que les condamnés à mort par les instances de l'administration coloniale étaient en général mutés à d'autres régions/wilayas où ils sont moins connus. Le but était de faciliter leurs mouvements ainsi que leur rôle dans la lutte armée. Démobilisé en 1960 ! Hadj Abdeslam n'a pas manqué d'exprimer sa tristesse de l'attitude adoptée par certains des responsables à l'armée. En parlant de ses droits, il dit qu'il a découvert en 1968 qu'il était démobilisé de l'armée en 1960 tandis qu'en principe aucune fiche ne peut être préparée avant l'année 1962. Il a perdu certains de ses droits à cause de cette décision. Qu'est-ce que vous ressentez ? A l'égard de cette injustice, il a exprimé une grande tristesse. Or, il exprime également sa fierté de la mission accomplie. Certes je me plains d'une injustice mais ceci n'a rien à voir avec notre mission lors de l'engagement : la victoire ou le martyre. Le 19 mars 1962, notre mission a été accomplie. Il finit par implorer Allah : « Rabi Yerham Chouhada ».

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