Les rebelles chiites Houthis, qui contrôlent une partie du Yémen dont la capitale Sanaâ, ont annoncé dimanche 2 octobre la formation d'un gouvernement de «salut national», parallèlement au cabinet du président Abd Rabbo Mansour Hadi basé à Aden (sud). Cette mesure a été décidée par le Conseil politique suprême – un organe dont la création fin juillet par les rebelles et leurs alliés partisans de l'ex-président Ali Abdallah Saleh avait contribué à la suspension, le 6 août, des négociations de paix interyéménites tenues pendant trois mois sous l'égide de l'ONU à Koweït. Le président du Conseil politique, Saleh al-Sammad, a chargé dimanche Abdel Aziz ben Saleh ben Habtour de former un gouvernement de salut national dont il sera le premier ministre. Gouverneur d'Aden jusqu'à la prise momentanée de cette ville en mars 2015 par les Houthis, M. ben Habtourest est membre du bureau politique du parti du Congrès populaire général (CPG), dirigé par l'ex-président Saleh. Mornes perspectives La mise en place d'un gouvernement à Sanaâ par le Conseil politique (qui n'est pas reconnu par la communauté internationale) est de nature à entraver, ou du moins à compliquer, les perspectives d'un règlement politique au Yémen. L'annonce de cette initiative a d'ailleurs coïncide avec la présence dans la région du médiateur de l'ONU Ismaïl Ould Cheikh Ahmed, qui a été reçu dimanche à Ryad par le président Hadi, et avec l'arrivée à Sanaa du patron des opérations humanitaires de l'ONU, Stephen O'Brien, pour s'enquérir de la crise humanitaire au Yémen. Le conflit, qui a généré une grave crise humanitaire, a fait plus de 6 700 morts et déplacé au moins trois millions de Yéménites depuis l'entrée, en mars 2015, d'une coalition militaire arabe sous commandement saoudien au Yémen pour épauler les forces pro-Hadi. Un an de conflit et une crise humanitaire sans précédent Le chaos règne au Yémen, déchiré par la guerre. Alors qu'aucune solution politique ne se dessine, la population fait face à une importante crise humanitaire. Un conflit «très largement négligé par nos diplomates» ; une crise humanitaire «beaucoup plus grave qu'on veut bien le dire». C'est dans ces termes alarmants que le politologue Laurent Bonnefoy, chercheur au CNRS, évaluait la situation au Yémen. Le conflit dure en effet depuis plus d'un an dans ce pays du Moyen-Orient qui se trouve dans une impasse, au grand dam d'une population confrontée à une grave crise humanitaire. Un président élu contraint de s'exiler en Arabie saoudite. Des rebelles qui contrôlent une partie du pays. La situation politique au Yémen est aujourd'hui bloquée. Deux camps s'opposent : les forces alliées au chef de l'Etat, Abd Rabbo Mansour Hadi, élu en 2012, et les milices chiites houthistes, qui soutiennent son prédécesseur, Ali Abdallah Saleh. Ce dernier avait pris la tête du Yémen du Nord dès 1978 avant de devenir président d'un Yémen réunifié en 1990. Mais après ses trente-trois années de pouvoir, dans la foulée du «printemps arabe», Ali Abdallah Saleh est chassé de son poste en novembre 2011, sous la pression d'une partie du peuple et de la communauté internationale. En échange, il obtient l'immunité pour lui et ses proches, aux termes de l'accord pour une transition politique signé à Riyad, en Arabie Saoudite. Son successeur, Abd Rabbo Mansour Hadi, reconnu par la communauté internationale après sa victoire à l'élection présidentielle de 2012, pour une période de transition de deux ans, a rapidement subi la pression des rebelles chiites. Le président est accusé de n'avoir jamais réussi à stabiliser le pays, ni à redresser son économie. Les rebelles houthistes, qui se présentent comme un mouvement des déshérités, mobilisent leurs sympathisants dans la capitale, Sanaa, au nom de la lutte contre la corruption. En mars 2015, le président Hadi est contraint de quitter Sanaa face à l'offensive des milices houthistes et l'échec d'un accord pour le partage du pouvoir. Il gagne le grand port d'Aden, dans le sud, d'où il s'exile chez son allié saoudien, à Riyad.