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Poésie et chant de combat pour la liberté
Publié dans La Nouvelle République le 10 - 10 - 2016

Il est né aux Etats-Unis, pendant les siècles d'esclavage des Africains, dans les champs de coton. Les textes chantés exprimaient la douleur des travailleurs nègres obligés de travailler sous la menace des patrons blancs.
Du matin au soir et sans répit aucun, ils travaillaient pour la cueillette du coton, plante industrielle qui a fait le bonheur de l'époque. Si les noirs chantaient c'était pour se soulager, oublier les longues journées de travail voulues par les patrons blancs pour obtenir les meilleurs rendements possibles. On était à l'ère du travail manuel et le machinisme n'avait commencé qu'à la fin du 18ème siècle, début 19ème. Chanter ou marmonner et en chœur, pour ne pas éveiller l'attention des patrons C'était prendre un gros risque que de chanter pour dénoncer le système d'exploitation et la mise en esclavage des Noirs par les Blancs. C'est à une véritable persécution qu'a été livrée la communauté des Noirs en devenant esclaves des Blancs, venus d'Europe, pour faire par la force et l'humiliation ce que les Indiens ont refusé de faire : se soumettre corps et âmes toute leur vie et pendant des siècles pour travailler dans les champs, matin et soir, sous la chaleur et le froid, toute l'année, sans avoir le droit de dire « assez » à ceux qui les frappent dès qu'ils s'arrêtent pour se reposer ou pousser un soupir. Et la solidarité entre les nègres esclaves fut telle qu'ils s'interpellaient dans les champs pour se mettre d'accord sur la chanson à murmurer, exécuter le même cri à multiples connotations, d'autant plus que le même cri prononcé différemment peut donner lieu à des interprétations inaccessibles aux non initiés, les patrons blancs qui ne doivent pas avoir accès aux messages des noirs. Ces derniers ont dû, pendant les longues journées de travail, exercer les cordes vocales pour la prononciation des notes musicales selon différents tons. Le blues est avant tout un poème en strophes à 2, 3, 4, 5, 6 vers Avant de prendre de l'expansion et de devenir un chant libre et officiellement reconnu, accompagné d'un orchestre comme le jazz, le blues des origines, celui des Noirs esclaves travaillant sous la menace d'une cravache, avait la forme d'une succession de tercets traduisant la douleur intérieure des pauvres esclaves arrachés de leur terre natale pour venir cueillir du coton ou planter, piocher, débroussailler : « Il n'y a pas de pluie pour vous arroser / oh, oui, je veux rentrer chez moi / veux rentrer chez moi ». Il ne faut pas perdre de vue que quand il s'agit de texte chanté, le producteur peut se permettre quelques transgressions comme dans ce que train chanté en américain : O come go wid me, o come go wid me, o come wid me A walking in de heawen / roam, ce qui donne en français : « oh, viens avec moi / oh, viens avec moi / oh, viens avec moi / marcher dans ce paradis où j'aime errer » On voit bien que la chanson a une vocation bien noble, soutenir la cause des esclaves opprimés dans leur douleur quotidienne, leur faire entendre des paroles de soulagement pour leur redonner quelque espoir, faire comprendre que les Blancs exploiteurs sont des individus inhumains, leur redonner espoir d'un monde meilleur même si celui-ci tarde à venir. Le texte du blues connaît un constant changement. Le même tercet est répété avec les mêmes mots, la même rime suivie d'un refrain. La strophe donne une sensation de détresse ; les mêmes souffrances sont quotidiennes et point de délivrance, sinon du côté de Dieu qu'on implore « La mère de Lazare, elle arriva en hurlant et en pleurs / La mère de Lazare, elle arriva en hurlant et en pleurs / C'est mon fils unique. Seigneur, c'est mon fils unique ». Valorisation et métamorphose thématique du blues au XXe siècle, après l'abolition de l'esclavage Le blues s'est libéré pour entamer un processus d'officialisation comme genre musical au même titre que les autres musiques : le jazz, le rock, le tango. Il s'accommode de tous les instruments de musique comme des grands orchestres avec les joueurs de banjos, mandolines guitare, violons, pianos, clarinettes. Et avec l'évolution, le blues rural est venu se greffer le blues classique des villes : celui de « Memphis blues », « Baby seal Blues », « Dallas blues ». ainsi, le blues est avec un genre musical officiel chanté de nos jours, après avoir été pendant des siècles d'esclavage, des chants interdits et punis par la loi des Blancs. Toute tentative de transgression était considérée comme une volonté de subversion. Avec le modernisme et la démocratie, le blues a pris de l'expansion. Il est même inspiré du folklore grâce au disque qui l'a mis au diapason du peuple noir. Bassi Smith dite la mère ou l'impératrice du blues, Ida Cox, Sarah Martin ont permis au blues classique de passer au stade de la popularité par la vente de millions de disques raciaux pendant la migration de vagues successives de noirs du sud et de l'ouest vers le nord. Le blues classique exécuté même par des femmes talentueuses accompagnées du piano, de la guitare ou d'un orchestre émarge nettement en même temps que le jazz. Les compagnies de disques se sont développées sous l'influence de la ville, de la vie, des cabarets. Un nombre impressionnant de chanteurs, pour la plupart descendants d'esclaves, font du blues leur musique favorite pour chanter divers thèmes d'actualité : d'ordre social, sentimental, individuel, lorsqu'il y a déconnection par rapport à l'univers, au travail, à la société, au coût de la vie, à la vie professionnelles, aux relations entre individuels ou familiales. Lorsqu'un genre musical s'étale sur des siècles de production, il y a une évolution des thèmes, sauf que durant les siècles d'esclavage, ils restent à peu près identiques. Avec la liberté d'expression, les genres, les thèmes se diversifient. La femme dans tous ses états, le couple par union libre ou le mariage, la croyance en Dieu restent des thèmes dominants, par rapport au travail qui assure la vie ou l'entretien d'une famille, le devenir de chacun, l'incertitude du lendemain. Le blues est né chez les plus pauvres, arrières arrières grands-parents des Noirs d'aujourd'hui. On sait pourquoi ils l'ont inventé et nous pouvons dire qu'il n'a aucun risque d'extinction tant il est bien enraciné chez les Noirs d'Amérique et dans l'histoire.

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