Les soldats de l'organisation Etat islamique ont miné les accès aux faubourgs de leur fief irakien. Dans le campement militaire de Tal Aswad, un village abandonné en lisière du Kurdistan irakien, l'impatience est palpable. Six jours après leur installation, les 2 000 hommes des forces antiterroristes irakiennes (ICTF) attendent l'ordre de déploiement pour aller déloger l'organisation Etat islamique (EI) de Mossoul, la deuxième ville du nord de l'Irak, contrôlée par les djihadistes depuis juin 2014. L'offensive a été lancée, lundi 17 octobre, par les forces kurdes pour reconquérir une bande de six kilomètres dans la plaine de Ninive. Mais ce sont les ICTF qui iront, seules, porter l'assaut sur la ville, depuis ses quartiers est. Dans l'après-midi, les troupes de la division 1, emmenées par le commandant Salam Jassim Hussein, sont mises en alerte. Bulldozers, tanks et Humvee sont envoyés vers la ligne de front, avant d'être rappelés quelques heures plus tard. La progression des peshmergas kurdes sur le front de Bachika est plus lente que prévu. La frustration monte. Les plans de bataille sont prêts, les hommes veulent en découdre. «Certains responsables politiques disent que Mossoul sera une bataille difficile, mais nous pensons que ce sera plus facile que les batailles de l'Anbar [la grande province sunnite de l'ouest]. On connaît maintenant leur façon de se battre, leurs tactiques, leur façon de planter des mines et des explosifs», analyse un officier des renseignements de la division 1. Trois ans de batailles contre l'EI ont forgé l'expérience des ICTF. Les Kurdes irakiens livrent une bataille militaire et politique Des peshmergas et les troupes de Bagdad tentent de reconquérir depuis lundi la ville tenue par l'organisation Etat islamique. Il est minuit, la lune paraît encore pleine au-dessus du campement militaire kurde d'Asqaf. Sur un terrain caillouteux, plusieurs dizaines de blindés et de pick-up militaires sont alignés, en ordre de bataille. Les peshmergas qui se sont déployés sur cette position proche du front attendent l'aube. Ils discutent par petits groupes, vaquent entre les rangées de véhicules, se photographient avec leurs téléphones portables, fument ou tentent de dormir malgré l'agitation.A l'Ouest, au-dessus de la crête des collines que suit la ligne de front, des lueurs rougeâtres apparaissent brièvement, suivies de grondements sourds. C'est dans cette direction que se trouvent les premières positions de l'organisation Etat islamique (EI) et plus loin, Mossoul. Dans la nuit de dimanche 16 à lundi 17 octobre, l'artillerie de la coalition internationale contre l'EI donnera à deux reprises. Mais le fracas lointain auquel succède le vrombissement bas d'hélicoptères de combat américains ne trouble pas la veillée d'arme des combattants kurdes. La libération de Mossoul doit commencer à l'aube et les peshmergas prendront part aux premières opérations. Depuis l'été 2014, la grande cité située sur les rives du Tigre est la «capitale» irakienne de l'EI. La deuxième ville d'Irak est devenue, au fil du temps, une forteresse invisible et obsédante. Sa reconquête, attendue, annoncée, repoussée et enfin confirmée, est sur le point d'être engagée. La bataille de Mossoul se joue aussi à Bagdad Si, une fois reprise à l'EI, Mossoul n'est pas confiée à une administration à dominante arabe sunnite, le terreau sur lequel a fleuri le djihadisme sera inchangé. La bataille pour reprendre Mossoul, deuxième ville d'Irak, des mains de l'organisation Etat islamique (EI) peut marquer un tournant décisif dans la lutte contre le djihadisme international. A ce titre, elle ne concerne pas seulement ce malheureux pays, mais nous intéresse aussi directement. Il se joue ces jours-ci dans la vaste plaine de Ninive, terre de rocaille et de civilisation millénaire, un combat à la fois militaire et politique. La victoire doit être remportée sur ces deux fronts. Ou elle ne sera pas. Une coalition hétéroclite, et dont chacune des parties poursuit des objectifs souvent assez singuliers, s'est lancée cette semaine à l'assaut de la grande ville du nord de l'Irak. Des unités de l'armée, de la police et de la gendarmerie irakiennes, encadrées par des forces spéciales américaines, montent par le sud. Elles ont l'appui de puissantes milices chiites irakiennes, souvent sous influence directe de l'Iran, qui restent pour le moment en deuxième ligne. Des forces kurdes irakiennes, accompagnées de milices arabes sunnites locales, les unes et les autres bénéficiant de l'appui de la Turquie, avancent à l'est. Dans le ciel, les avions des pays qui participent à la coalition internationale menée par les Etats-Unis et mobilisée à la demande du gouvernement de Bagdad.En face, sans doute quelque milliers (de 3000 à 5000) de combattants de l'EI, retranchés dans une ville de plus de 1,5 million d'habitants. Ils ont miné, piégé tous les abords du centre. Ils vont se servir des civils comme d'un bouclier humain. Fédéralisation avancée Mossoul est le symbole de la transformation du mouvement djihadiste en une structure para-étatique : capturée au printemps 2014 par l'EI, elle est, avec la petite ville de Rakka en Syrie, le dernier bastion du «califat» d'Abou Bakr Al-Baghdadi. Chassé de la ville, l'EI redeviendrait un simple mouvement de guérilla, sans contrôle d'un territoire précis, privé de l'arrière-plan logistique et financier que lui procure le contrôle d'une grande cité comme Mossoul.