La société algérienne peut relever le défi posé par la violence - en particulier contre les enfants - qui ébranle ses fondements. C'est la note d'espoir du Professeur Mustapha Khiati, président de la Fondation nationale pour la promotion de la santé (FOREM), qui intervenait hier matin sur les ondes la Chaîne 3 de la Radio nationale dont il était l'invité de la rédaction. Le défi est pourtant immense, selon lui, dans la mesure où la violence s'est banalisée et revêt plusieurs formes qui vont de l'incivilité aux agressions dont les enfants sont victimes et parfois auteurs aussi. Le Pr Khiati a longuement évoqué les violences commises contre des enfants qui ont été et restent, dans notre société, des êtres à part auxquels tout le monde manifeste du respect et de l'affection, dit-il. Les atteintes extrêmes aux enfants - rapt, agression sexuelle et assassinat - et également aux personnes âgées comme l'ont montré les informations concernant des attaques contre cette catégorie de la population, ont d'après le Pr Khiati des raisons multiples qui sont au croisement de causes diverses. Il cite le cumul psychologique de plusieurs années de stress durant la décennie terroriste, les difficultés d'adaptation de certaines à la vie moderne, en liaison avec le relogement dans de grandes cités propices à l'anonymat, aux nouvelles technologies aussi amenant à un repli sur soi et au «hiatus» qui s'est créé entre générations, «et qui ne fait que se creuser chaque jour davantage», jusqu'aux causes religieuses, avec un discours religieux qui est resté archaïque, dit-il. L'école a sa part de responsabilité en se limitant, fait-il observer, à l'enseignement sans diffuser l'éducation et la culture. Ces situations vécues par les enfants produisent des traumatismes qui donnent lieu chez certains, lorsqu'ils parviennent à l'âge adulte, à des comportements d'agressivité ou de repli sur soi. Il cite l'exemple récent des violences au cours du match de football qui a opposé le MO Béjaïa au MC Oran. Il estime que la société a dépassé le Rubicon de la violence banale. Il rappelle que des études ont été faites et des propositions ont été énoncées mais qui, malheureusement, sont restées sans suite. Il cite, notamment, le suivi d'enfants rescapés du massacre de Bentalha et dont beaucoup présentent en 2016 des stigmates de cette période. Il appelle à une prise en charge réelle de ces personnes et propose d'organiser des Assises pour discuter des phénomènes de violence et traiter ces problèmes, en considérant, que ces Assises pourraient contribuer à trouver des solutions, pour autant, déclare-t-il, qu'on se décide à prendre des décisions courageuses. Il fait constater qu'une masse d'enfants se retrouvent dans la rue, à cause notamment de la déperdition scolaire, qu'il évalue à 500 000 par an avec une reprise de 300 000 à 350 000 par la formation professionnelle, et le reste quelque 150 000, quasiment analphabètes, constituent une réserve pour la délinquance. Pour le Pr Khiati, il faut repenser les méthodes de prise en charge de ces jeunes associant la société civile sur la base d'un cahier des charges qui accompagnerait les financements publics des actions en leur faveur. La société civile pourrait, à son avis, jouer un rôle majeur dans la prise en charge des enfants en difficulté pouvant potentiellement verser dans la délinquance, pour autant, dit-il, qu'on la laisse s'impliquer dans cette action de sauvegarde. Il attire l'attention sur les images par internet qui montrent l'utilisation d'armes blanches et il appelle à une plus grande implication des parents qui doivent contrôler ce que regardent leurs enfants. Il rappelle enfin le rôle de l'école et des associations de quartiers que les collectivités locales doivent encourager.