A moins de quelques semaines du coup d'envoi de la Coupe d'Afrique des nations 2017, l'Afrique s'apprête à vivre le meilleur moment de son football. Les joueurs africains seront tous au Gabon, une fête qui dérange les clubs européens. C'est l'éternel débat clubs-sélections : la CAN, jouée en début d'année, prive les formations européennes de leurs meilleurs joueurs africains. A chaque édition, elle traîne son cortège de mécontents. Notamment, du côté des clubs européens, pas franchement ravis de laisser filer leurs meilleurs joueurs pour plus d'un mois. De Newcastle à l'O. Marseille, en passant par Manchester City et Lens, les clubs européens ne font pas toujours dans la délicatesse quand il s'agit de libérer leurs joueurs africains. Mais quoi qu'en pensent certains dirigeants et entraîneurs en Europe, la CAN est là et bien là. Il faudra faire avec. Ce qui les gêne évidemment. Mais la CAF s'est montrée intransigeante : pas question de changer le calendrier. «Il faut se rendre compte qu'il y a des joueurs africains en Chine, au Qatar ou en Afrique du Sud... Là où le calendrier n'est pas le même qu'en Europe, a poursuivi Patel. Donc, si l'on jouait en juin, on aurait d'autres championnats qui râleraient et diraient exactement la même chose que Brian Marwood.» «Je suis cependant d'accord avec lui sur une chose : peut-être que le nombre de matchs joués en Angleterre est trop excessif. Ils ont tellement de compétitions : deux ou trois Coupes, la Ligue des champions et le championnat national... Peut-être que le problème ne vient pas de nous mais de l'Angleterre», a assuré le dirigeant seychellois, rappelant que la CAF a déjà ajusté l'organisation de la CAN, la faisant passer aux années impaires, histoire de ne pas faire doublon avec la Coupe du monde. D'autant que les clubs européens savent à quoi s'attendre en embauchant des joueurs africains. «Cela montre également que l'importance des joueurs africains est grande. Malgré leur absence régulière, les clubs anglais continuent à les engager.» Par ailleurs, les joueurs, eux, ont un autre regard sur cette compétition. «Nous devons nous mobiliser, au-delà de cet objectif que nous cherchons tous à atteindre, admettre que le football en Afrique a gagné en hauteur et nous, qui évoluons dans des clubs européens, sommes dans bien des cas les artisans des victoires de leurs équipes...» Au Gabon, ils seront quarante joueurs à prendre part à la CAN. Tous les deux ans ou presque les grands perdants (ou gagnants, c'est selon) sont Ajaccio, Brest et Evian avec tous trois, cinq joueurs retenus pour cette compétition. Qu'ils participent ou pas, nos représentants sont au nombre de 647 footballeurs africains (sélectionnés ou sélectionnables par un pays d'Afrique) dans l'effectif des premières divisions d'Europe (dans l'un des 52 pays membres de l'UEFA). Les Nigérians sont les plus représentés en L1 en Europe avec 105 footballeurs, suivis des Camerounais (84), des Ivoiriens et des Sénégalais (58), ainsi que des Ghanéens (52). Le pays qui accueille le plus de footballeurs de notre continent est la France (avec 130 joueurs), suivis de la Belgique (80), de l'Angleterre (37), de la Turquie (35) et des Pays-Bas (31). Les deux clubs européens où l'on retrouve le plus de ressortissants africains sont Beveren en Belgique (avec 14 joueurs, dont 13 Ivoiriens) ex-aequo avec le RC Lens. Parmi les 11 clubs européens de L1 qui ont le plus d'Africains dans leur effectif, six sont Français, trois Belges, un Russe et un Turc.» Les Algériens sont 23, les Angolais 11, Tunisiens 16 et Marocain 41. Ainsi, si les joueurs africains arrivent toujours prioritairement en France (Poli, Ravenel 2006), ils repartent désormais de plus en plus vers d'autres pays — l'Angleterre notamment — où les clubs disposent de plus gros moyens financiers. Pour cela, ils empruntent souvent les mêmes canaux que les joueurs français. Pour BeIN Sport «analyser les migrations dans le football, il faut exclure ceux qui sont nés en France et qui ont profité d'un parent parfois lointain pour rejoindre une sélection nationale, et ce, parfois sans même parler la langue du pays en question et n'y être jamais allé, ne serait-ce que pour des vacances. Le paroxysme fut très certainement atteint par la sélection algérienne lors de la Coupe du monde 2010. Elle comptait dans ses rangs 17 joueurs franco-algériens sur les 23 sélectionnés. Les 17 étaient tous nés en France et y avaient tous grandi même si finalement seuls cinq joueurs évoluaient en Ligue 1 à ce moment incontestable est le poids de l'histoire pour expliquer un entremêlement entre footballeurs algériens et français.» Dans une autre approche plus technique, la géographie du recrutement international des principaux clubs européens change fortement en fonction de leur état d'appartenance, souligne Raffaele Poli du (Centre international d'étude du sport, institut de géographe). Les clubs espagnols, français et italiens recrutent bien plus en dehors de l'Europe que les équipes anglaises et allemandes. Cette analyse confirme ce qu'écrivaient Joseph Maguire et Robert Pearton : «Si les critères économiques jouent un rôle crucial dans la détermination des modèles migratoires dans le football, ils ne sont de loin pas les seuls facteurs impliqués.» La CAN nous invite à une virée dans les diffèrents pays où les joueurs africains évoluent sous les projecteurs des médias. Cela concerne les footballeurs africains formés dans les écoles de football. C'est la France qui profita de son «empire colonial pour attirer les meilleurs joueurs dans son championnat, même si le phénomène reste marginal compte-tenu du peu d'intérêts financiers dans le football avant la décolonisation...» Ainsi, en «2005, 52% des footballeurs étrangers, rapporte Beinsport, étaient africains là où ils ne représentaient que 6,5% des footballeurs étrangers en Espagne, 11,2% en Allemagne et 9,3% en Italie. A contrario, 55,4% des footballeurs étrangers en Espagne étaient sud-américains. Ces derniers représentant une part bien plus faible en France (19,2%).» A noter que la langue commune, considérée comme un facteur culturel permet également d'intégrer plus facilement les joueurs ouest-africains et maghrébins en Ligue 1. Les footballeurs est-africains ou d'Afrique australe, majoritairement anglophones, sont très peu nombreux en France... mais aussi dans les autres championnats européens. Le soir de la finale de la Coupe d'Afrique des nations Gabon 2017, l'équipe victorieuse soulèvera non seulement le trophée mais recevra aussi un chèque de près de 3,7 millions d'euros. Cette décision de la Confédération africaine de football (CAF) annoncée ce mercredi va rajouter un peu plus d'enjeu dans la compétition.