Passons en Syrie où le nœud coulant autour d'Al Bab se resserre : jeudi noir pour l'armée turque : cinq morts dans les combats contre Daech, plus trois dans un bombardement accidentel de l'aviation russe, apparemment sur mauvais renseignements fournis par l'état-major ottoman lui-même. Avant l'admission de Moscou, les Turcs avaient accusé l'aviation syrienne de les avoir arrosés. Il est vrai que la tension monte à mesure que les nouveaux vrais-faux alliés se rapprochent les uns des autres : Des rapports faisaient d'ailleurs état de premières escarmouches entre l'armée syrienne et l'ASL hier, et l'escalade est maintenant en vue, ce qui semble indiquer qu'Erdogan et Poutine, pourtant en contact quasi journalier, ne contrôlent pas entièrement leurs protégés. Attention, c'est parfois de ces petits accrochages que sortent les grands conflits ; la poudrière d'Al Bab n'a pas encore dit son dernier mot. Et c'est sans compter les Kurdes, à 10 km à l'ouest et à l'est, qui observent, pour l'instant sagement, ce maelstrom... Sur l'ensemble de la Syrie, les Russes ont globalement la main. Le Donald change le fusil d'épaule de l'empire, les pétromonarchies et leurs laquais européens sont soudain inaudibles, le sultan a fortement rabaissé ses prétentions. Moscou se sent comme un poisson dans l'eau et vient de fournir à Damas la plus grosse quantité de missiles jamais livrée entre les deux pays, ce qui est un sûr indicateur de la confiance du Kremlin dans la victoire finale. L'ambassadeur russe à Téhéran a indiqué que l'aviation russe utiliserait des bases iraniennes si nécessaire. Le fait qu'il l'affirme publiquement est d'autant plus surprenant que des problèmes de prestige et de face étaient apparus l'année dernière : «Toujours au Moyen-Orient, nous avions évoqué l'utilisation de la base iranienne d'Hamadan par les bombardiers mastodontes TU-22m3 et le fait que Téhéran ne s'opposait pas à l'emploi d'autres pistes d'envol. Depuis, quelques bisbilles sont apparues, non pas sur le fond mais sur la forme ; des députés iraniens ont blâmé le ministère russe de la Défense pour avoir divulgué l'information, véritable coup de tonnerre puisque aucun pays ne s'était jamais vu accorder ce privilège depuis la Révolution khomeïniste de 1979. Le Perse est fier et, officiellement, l'ours n'utilise plus cette base. Derrière ce sauvetage de face, difficile d'imaginer toutefois que l'activité n'a pas repris depuis, mais ça, on ne le saura pas...», explique un analyste. Décidément, Moscou doit se sentir drôlement en confiance désormais. Et ce ne sont pas les déclarations d'Assad qui doucheront son optimisme. Lors d'une rencontre avec une délégation de députés de la Douma, il a affirmé que les Russes auraient la part belle dans la reconstruction énergétique de l'après-guerre. Jusqu'ici, rien que de très normal, mais l'argument avancé a dû fait sourire jaune à Téhéran et à Pékin, pourtant eux aussi alliés de Damas : «Ni la Chine ni l'Iran n'ont de compagnies ayant suffisamment d'expertise pour concurrencer les sociétés russes». (Suite et fin)