Une soirée musicale empreinte de sonorités orientales a été animée samedi à l'Opéra d'Alger Boualem-Bessaih par des artistes algériennes en hommage à la chanteuse libanaise Nouhad Haddad, plus connue sous le nom d'artiste de Fairouz, une légende vivante et une des voix les plus célèbres dans le monde. Organisé par l'Office national de la culture et de l'information (ONCI), le concert a vu défiler sur scène cinq chanteuses talentueuses qui ont repris avec succès les plus célèbres chansons de Fairouz, qui célèbrera en novembre prochain ses 83 ans. Accompagnées par un orchestre philharmonique dirigé par le maestro Kamel Mouati et soutenues par des choristes, Farida Reguiba, Amel Sekkak, Lamia Bettouche, Selma Kouiret et Souad Bouali, toutes révélées par le programme musical télévisé dédié aux jeunes talents «Alhane oua chabab», ont puisé dans le riche répertoire de la star libanaise pour gratifier le public algérois qui a manifesté une grande complicité avec les jeunes interprètes de Fairouz. Se succédant sur la scène de l'Opéra, les chanteuses, très distinguées par leurs voix sublimes et cristallines, ont repris des tubes de Fairouz dont «irjaa ya hawa», «aktoub ismek», «b'hibek ya loubnan» ou encore «sa'alouni ennas». Proposé par le Conseil des ministres arabes de la Culture, réuni en décembre dernier à Tunis (Tunisie), l'hommage placé sous le signe «Fairouz symbole de la culture arabe 2017» se veut une reconnaissance à la chanteuse qui continue de marquer par sa voix la scène musicale arabe qu'elle a servi durant 60 ans. Présent à la cérémonie, le ministre de la Culture Azzedine Mihoubi a affirmé en marge du concert que l'hommage à l'artiste Fairouz se veut une «reconnaissance aux génies et talents qui ont marqué le monde arabe dans tous les domaines». L'Algérie, a-t-il souligné, est «reconnaissante» envers Fairouz qui a glorifié et chanté la Révolution à travers «Rissala ila Djamila» (Lettre à Djamila), une chanson sortie en 1959 et dédiée aux femmes combattantes algériennes engagées dans la Révolution algérienne parmi lesquelles est citée nommément l'héroïne Djamila Bouhired. Etaient également présents le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, le directeur général de l'Onci, Lakhdar Bentorki aux côtés de personnalités du monde des arts et de la culture. Fairouz, née Nouhad Haddad a vu le jour le 21 novembre 1934, dans un village de montagne au Liban mais elle grandit à Beyrouth, dans le quartier Zqaq El Blat où sa famille s'installe peu après sa naissance. Dotée d'une voix puissante et ensorcelante, elle s'intéresse très jeune au chant. Avec les frères Rahbani, Mansour et Assy, elle crée un nouveau style de musique libanaise initialement très influencé par la musique latine. Après un premier concert donné en 1957, le succès est au rendez-vous et sa renommée fera le tour du monde arabe. Lorsqu'éclate la guerre civile libanaise, elle met sa carrière naissante entre parenthèse pour ne pas servir de porte-voix pour l'un des camps belligérants. Une position qui lui vaut l'affection et l'intérêt du public de toutes confessions. En 1961, Fairouz revient à Baalbeck avec une superproduction, le spectacle de 1957 était une suite de tableaux sans véritable lien, en 1959, était présentée une opérette d'un seul acte (Al' Mouhakama - le procès), en 1961, les Rahbani créent une comédie musicale en 4 actes intitulée Al Ballbakieh (la Baalbakiote). Présenté à Londres et en Amérique du Sud, le spectacle, dans son côté le plus osé et le plus occidental, ne reçoit pas un accueil très chaleureux, surtout de la part de la presse britannique. Un an plus tard, Fairouz est de retour dans une comédie musicale en 2 actes : Jisr el Kamar qui est le nom d'un village situé au nord du Liban. En 1963, les Rahbani composent Allayl wa'l Kandil (La nuit au fanal), où la diva, jeune vendeuse de lanternes, tombe amoureuse d'un « horla » (hawlou) qui trahit sa confiance, et qui est représentée au théâtre du Casino du Liban ainsi qu'à la foire internationale de Damas. En 1964, au festival des Cèdres, la pièce qui sera l'année suivante le premier film, dirigé par Youssef Chahine, de Fairuz et des Rahbani, Bayya'a el khawatim (Le vendeur de bagues) raconte l'histoire d'une jeune orpheline fataliste (Fairouz) prise dans les mensonges d'un oncle mythomane. Au Liban, on parle désormais du «théâtre des Frères Rahbani» : le théâtre musical libanais né de rien, se développe à une vitesse vertigineuse. 1967, l'année de la défaite des armées arabes face à Israël, sonna le glas de l'insouciance et de la frivolité du mouvement théâtral libanais et en particulier celui des Frères Rahbani. La «dolce vita» libanaise n'était plus de mise, momentanément du moins. En 1968, Fairouz ne monta pas sur les planches au Liban, et ce fut en Syrie qu'elle donna avec les Frères Rahbani la première de Ash-shakhs (Son Excellence) qui est le premier volet d'une trilogie satirique (avec Yaiche Yaiche et Sahh Ennom en 1970) de la bureaucratie et la politique des régimes arabes de l'époque. En 1969, la pièce fut jouée pendant près de trois mois au théâtre Piccadilly, et pour l'été de la même année les Frères Rahbani composèrent une comédie musicale épique pour le festival de Baalbeck, Jibal As-sawan (Les montagnes de Silex), prônant la résistance à l'oppresseur et dont le moment fort reste le tableau final où Gherbeh meurt en martyre. L'année 1970 fut une année particulièrement riche, les Rahbani composèrent deux comédies musicales, Yaiche Yaiche (Longue vie à sa majesté..) et Sahh En-nom (Bon réveil à vous !), suivies en 1971, d'une comédie musicale « mise en abîme » puisqu'elle avait elle-même pour sujet une troupe de chanteurs et de danseurs, à leur tête Maria (Fairouz). Pour l'été 1972, les frères Rahbani présentèrent avec Fairouz au festival de Baalbeck Natourit al Mafatih (La gardienne des clés), une comédie noire où un peuple opprimé choisit la résistance passive, pièce jouée ensuite à Damas. À la fin de la saison, Fairuz épuisée, échoue dans une clinique de Beyrouth. Son mari et compositeur fétiche Assi Rahbani est interné quelques jours plus tard : un accident cardio-vasculaire cérébral a failli lui coûter la vie. Son état se rétablit peu à peu mais Assi Rahbani et il parvient à composer Layali el chimal el hazini (Les tristes nuits) que Fairouz chante en ouverture de la Comédie musicale Al-mahatta (la gare) représentée au théâtre Piccadilly en février 1973. Une comédie aux mélodies grinçantes et mélancoliques qui voit naître la première composition de Ziad Rahbani pour sa mère : Sa'alouni en-nas (Ils s'enquirent de toi), dédiée à Assi Rahbani, qui était toujours hospitalisé à Paris le jour de la première. L'année 1979 qui vit la séparation du couple artistique Fairouz-les frères Rahbani, vit aussi naître le premier album de Fairouz dont les compositions étaient toutes signées de son fils Ziad Rahbani. L'album Wahdoun (Seuls) est un tournant dans la carrière de la chanteuse qui s'adonne pour la première fois aux mélodies et arrangements jazzy de son fils (Wahdoun, al bosta). Mais le public, habitué aux textes romantiques des frères Rahbani fut choqué par les textes crus et osés de Ziad et son humour noir. Suivra un second album en 1987 sous le titre Maarefti fik (Notre rencontre) et Kifak enta ? (Comment vas-tu ?) en 1991, qui fit couler beaucoup d'encre, les textes de Ziad Rahbani étant décidément trop modernes pour le goût de certains. En 1994, Fairouz qui n'avait pas chanté au Liban depuis 1977 se produit à Beyrouth et en 1995, elle présente avec son fils l'album Ila Assi (À Assi) en hommage à Assi Rahbani, décédé en juin 1986 qui regroupa 19 des chansons de Fairouz et des frères Rahbani réorchestrées par Ziad Rahbani. En 1991 sort l'opus Mish Kayen Hayk Tkoun (Tu as vraiment changé), contenant aussi des chansons composées par le Syrien Mohammed Mohsen. En juin 2011, Fairouz donne un concert unique au Théâtre Royale Carré d'Amsterdam, dans le cadre du Holland Festival, suivi en décembre de cinq concerts dans le nouveau complexe polyvalent Platea, au nord de Beyrouth.