«Lors de l'annonce par le ministre des Finances algérien de l'introduction de l'impôt sur la fortune pour un montant plancher dérisoire de 50 millions de dinars, 370 000 euros au cours officiel et moins de 250 000 euros au cours du marché parallèle, montrant une action irréfléchie, j'avais mis en garde le gouvernement contre une précipitation pouvant avoir des effets pervers du fait de l'effritement dus système d'information sur un sujet si sensible où domine la sphère informelle avec des quantifications contradictoires de différents responsables, et un système fiscal désuet incapable de contrôler les comptabilités réelles des sociétés.» J'avais dans plusieurs contributions et interviews insisté sur la nécessaire solidarité nationale en cette période de tensions budgétaires, loin de tout populisme et affirmé que la mise en œuvre concrète était impraticable, devant d'abord remettre de l'ordre au sein de l'économie nationale par de nouveaux mécanismes de régulation. Dans ce contexte, il m'a semblé utile de relater quelques expériences internationales sur ce sujet. I-Les paradis fiscaux L'affaire des Panama Papers a relancé l'actualité des paradis fiscaux et des sociétés offshores où en temps de crise les gouvernements doivent justifier davantage leurs actions. La liste des 10 meilleurs paradis fiscaux dans le monde publiée par le magazine Forbes qui prend en compte des indicateurs de volumes financiers est a suivante :USA (Delaware), Luxembourg, la Suisse, les Îles Caïman, le Royaume-Uni (City of London), l'Irlande, Les Bermudes, Singapour, Belgique et Hong Kong. En 2016, Forbes donne une nouvelle liste de 30 paradis fiscaux : Andorre, Anguille, Antigua and Barbuda, Bahamas,Barbade, Belize, Bermudes, British Virgin Islands (Iles Vierges britanniques), Brunei, Iles Cayman, Iles Cook,Grenade,Guernsey, Hong Kong, Liberia, Liechtenstein, Maldives, Iles Marshall, Ile Maurice, Monaco, Montserrat, Nauru, Niue, Panama, Saint Kitts, Nevis, Saint Vincent, les Grenadines, Seychelles, Turks et Caicos, US Virgin Islands, Vanuatu. Les services fiscaux français dans leur politique de lutte contre l'évasion fiscale une liste des Etats et des territoires non coopératifs (ETNC, Etats appelés « paradis fiscaux qui sont : Bermudes (ajouté en août 2013, retiré en janvier 2014-Botswana, Brunei, Guatemala, Iles Marshall, Iles Vierges britanniques ou B.V.I (ajouté en août 2013),Jersey (ajouté en août 2013, retiré en Janvier 2014), Montserrat, Nauru, Niue, Panama (ré-inscrit le 8 Avril 2016). En Janvier 2014, Jersey et les Bermudes sortent de la liste noire, après avoir été inscrits pendant seulement 6 mois ! Etonnant quand même. Les Philippines, pays qui a amélioré sa convention fiscale avec la France, est sorti de la liste en août 2013. À noter que: Anguilla, Belize, Costa Rica, Dominique, Îles Cook, Îles Grenadines, Îles Turques-et-Caïques, Liberia, Oman, Panama et Saint-Vincent ont été retirés de la liste des paradis fiscaux en 2014. Le Botswana y a en revanche fait son entrée en 2012. Selon les experts financiers, sur le long-terme on peut raisonnablement imaginer que l'avenir des paradis fiscaux dits «offshore» sera «onshore». Les juridictions opaques n'auront plus la possibilité d'ouvrir de comptes bancaires ce qui limitera fortement leur intérêt, distinguant les paradis fiscaux dans deux catégories selon la gestion de l'activité commerciale ou la gestion de patrimoine avec une LLC, un Trust ou une fondation offshore. Examinons quelques cas de paradis fiscaux. 1.- Dubaï : Chacun de ces Emirats est chargé de collecter lui-même ses impôts. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que Dubaï propose une fiscalité des plus avantageuses : pas d'impôt sur le revenu ni sur les plus-values. Et l'impôt sur les sociétés est lui quasiment nul Afin d'attirer les investissements étrangers et de favoriser les échanges commerciaux, l'émirat a instauré le principe des zones franches. 2.- La Bulgarie : Le taux d'imposition sur le revenu de 10% (un des plus faibles d'Europe) et sur les sociétés de 10% (le plus faible d'Europe) fait de lui un des pays européens les plus avantageux sur le plan fiscal. 3.- Monaco : le principe général de la fiscalité monégasque est l'absence totale de toute imposition directe » trouve-t-on sur le site internet du micro-Etat. Au moins c'est clair ! Mauvaise nouvelle, ces avantages bénéficient à tous les résidents monégasques Sauf aux Français (depuis 1962).A l'exception des Français qui vivent à Monaco sans avoir la nationalité monégasque tous les autres résidents ne payent pas d'impôt sur le revenu, d'ISF, de taxe foncière ou de taxe d'habitation. 4.- Les Bahamas : paradis fiscal bien connu, avec un impôt sur le revenu de 0%, mais aussi pour les sociétés, avec un taux d'imposition de 0%. Quelques grosses sociétés sont toutefois soumises à un léger impôt. Ce n'est qu'en 2015 que les Bahamas ont introduit la TVA, avec un taux de 7,5%. 5.- L'île Maurice, petite île, située à l'Est de Madagascar, il n'y a pas d'impôt sur la fortune et sur les droit de succession pour les descendants directs, le taux d'imposition moyen sur le revenu est de 15%, la TVA est de 15%, et le taux d'impôt sur les sociétés est compris entre 3 et 15% avec une exemption totale pour les entreprises d'import-export). 6.- Andorre étant un micro-Etat (468km2) situé dans les Pyrénées, entre la France et l'Espagne. Le pays distingue deux statuts : résidence sans permis de travail, ou résidence avec permis de travail. Le premier statut offre un taux d'impôt sur le revenu à 0%. Le second permet d'avoir un taux d'imposition compris entre 0 et 10%. Il s'agit là d'un des taux les plus faibles au monde pour un pays développé n'existant pas d'impôt sur la fortune ni de droits de succession, la TVA y est d'environ 4,5% et l'impôt sur les sociétés est compris entre 0 et 10%. 7.- Antigua et Barbuda, ce petit archipel composé de plus de 300 plages paradisiaques, pas d'impôt sur le revenu (depuis avril 2016), pas de droit de succession et pas d'ISF. Et pour attirer les investisseurs, Antigua et Barbuda a mis en place en 2012 un programme permettant d'obtenir la nationalité en effectuant un investissement. soit la contribution financière ($200 000) ou l'achat d'un bien immobilier (minimum $400 000). 8.- Malte : pays membre de l'Union Européenne où les nouveaux résidents qui ont gardé leur nationalité étrangère peuvent établir leur résidence fiscale sur l'île, leur permettant de n'être imposé que sur les revenus rapatriés à Malte. Les autres revenus, non rapatriés, ne sont pas imposés et il n'y a pas de droit de succession. II-Les impôts sur la fortune et le système fiscal D'une manière générale, le niveau d'imposition des hauts revenus est généralement lié à l'ampleur des dépenses publiques. L'impôt sur la fortune tend à être supprimé notamment au sein des pays développés ces quinze dernières années, face aux risques de départs des ménages les plus fortunés et de délocalisation des chefs d'entreprises. Examinons quelques cas 1.-La Norvège. C'est un cas intéressant à étudier du fait que c'est un grand producteur d'hydrocarbures où les recettes sont placées dans des fonds de pension pour les générations futures. En Norvège les résidents fiscaux norvégiens sont obligés de payer un impôt sur la fortune jusque maximum 1% de leurs capitaux, quel que soit l'endroit où se trouvent leurs avoirs de par le monde. Ce prélèvement d'impôt s'applique aux capitaux supérieurs à 1 000 000 NOK. Au 31 décembre de chaque année, on détermine donc l'assiette fiscale de l'impôt sur la fortune pour l'épargne ou les investissements en actions par exemple. Les dettes sont en général déductibles de la base imposable pour l'impôt sur la fortune. Par ailleurs, nous avons les taxes à la consommation où le taux standard est d'environ 25% mais un taux réduit de 15% pour la nourriture et un autre de 10% pour les transports de passagers, les hôtels, les musées, les parcs d'attraction, et les tickets de cinéma. Certains biens et services sont détaxés, y compris les exportations, les fournitures aux navires et aéronefs étrangers, les livres et des journaux et les services de transport internationaux. L'impôt sur le revenu des entreprises nationales est d'environ 24%, la taxe sur les sociétés exerçant des activités financières de 25% plus 5% versée aux salariés. Pour, le taux d'imposition pour les sociétés étrangères, les sociétés résidentes sont imposées sur leurs revenus mondiaux. Les non-résidents sont imposés sur les revenus de source Norvégienne avec une taxation sur les plus values d'environ 25%. Les dépenses ordinaires pour le fonctionnement d'une entreprise sont en général déductibles: les dépenses de recherche, la dépréciation, les cotisations à la sécurité sociale, les pertes, le paiement d'intérêts, les paiements de royalties, mais pas les dépenses de réception ni de divertissements. Mais fait unique pur garantir la transparence, les Norvégiens rendent public les revenus et les impôts de chaque citoyen, une tradition qui date de l'indépendance du pays. Ainsi, les Norvégiens savent combien leurs concitoyens gagnent et combien ils paient d'impôts.. Quand ils remplissent leurs déclarations d'impôt sur Internet chaque mois d'octobre, celles-ci deviennent en effet accessibles à tous, permettant aux voisins et collègues de se pencher sur leurs données financières personnelles. Ainsi, lorsqu'un Norvégien regarde les données d'impôts de son voisin, une notification est envoyée par courriel automatisé au dit voisin pour l'en avertir. Ceci constitue une garantie essentielle de surveillance réciproque. La seule exception concerne les médias du pays qui peuvent accéder aux données financières en toute discrétion. Deuxièmement, seuls les chiffres globaux sont rendus publics : «revenu total» et «impôt total payé», sans davantage de détails spécifiques. Ces chiffres globaux permettent de trouver un juste équilibre entre protection de l'intimité et responsabilité sociale. Cette tradition repose sur certains facteurs culturels et religieux, tout particulièrement l'influence luthérienne qui a favorisé l'émergence de ce mouvement en faveur de la transparence fiscale, permettant de promouvoir la responsabilité sociale. 2.- La Suède a supprimé depuis plus de dix ans l'ISF avec une profonde réforme économique et fiscale concernant l'efficacité de la dépense publique notamment la révision de la politique des subventions. La crédibilité de la nouvelle fiscalité suédoise a reposé sur le pilier de la réforme, à savoir la réduction des déficits publics et qu'il ya lieu de tenir compte de la mondialisation car en surtaxant le capital, cela encourage la fuite des capitaux, notamment le capital productif. La réforme a accru l'incitation au travail et réduit l'absentéisme et donc a augmenté la base fiscale. La deuxième, c'est que la réforme a stoppé le processus d'exil fiscal. La troisième, c'est qu'en simplifiant le système et en éliminant les niches on a rendu la fraude fiscale plus facile à détecter. Pour cette réforme, ne pas taxer les revenus du capital comme ceux du travail, le fondement est que le capital c'est de l'épargne - laquelle n'est à la base que l'accumulation des revenus du travail nets de l'impôt sur le revenu -, et taxer l'épargne incite les individus à réduire l'investissement et donc le stock de capital productif à long terme. Comme impact, la Suède est devenue l'un des pays développés les plus performants, avec un taux de croissance annuel de plus de 3 % en moyenne sur les trois dernières années, et des finances publiques rééquilibrées, tout en demeurant l'un des pays les moins inégalitaires au monde. La fiscalité suédoise repose sur un système «dual» dans lequel les revenus du travail l demeurent soumis à des taux d'imposition progressifs tandis que, pour les revenus du capital, c'est un taux forfaitaire à 30 %. Ensuite, avec l'abaissement significatif du taux marginal de la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu, qui passe de 87 % à 57 %, l'impôt sur les sociétés baisse de 58 % à 30 % et réduction drastique du nombre de niches fiscales ce qui a permis. L'augmentation du taux d'épargne brut qui augmenté de près de 4 points sur les vingt dernières années et un accroissement en matière d'innovation, le nombre annuel de brevets par millier d'habitants passant de 1 à 3, alors qu'il n'augmente que de 0,8 à 1,25 en France pendant la même période. (A suivre) Dr Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités, expert international