Alors que les Algériens arrivent difficilement à suivre l'évolution des travaux de la nouvelle usine de ciment de Sigus, voilà que « LafargeHolcim Algérie » emballe la machine de production de ce matériau. Appelée à être réalisée clé en main pour un investissement de 415 millions d'euros, l'usine de Sigus a été commandée par le Groupe Industriel de Ciments d'Algérie (Gica) aux Allemands du groupe «Thysenkrupp Industrial Solutions». Ce qui ne semble pas déranger pour autant l'opérateur français «LafargeHolcim Algérie» qui entamera, ce mardi 12 décembre 2017, sa première opération d'exportation de ciment gris. Il a même précisé que la première du genre depuis la levée de l'interdiction, l'exportation concernera 16.000 tonnes de ciment gris en vrac. Ce matériau à 100% algérien prendra la mer à partir du port d'Arzew à destination d'un pays d'Afrique de l'Ouest non révélé par l'exportateur. Dans le communiqué que ce dernier a transmis apparaît en filigrane, la satisfaction d'un début de mission accomplie figurant dans l'engagement pris par LafargeHolcim pour «participer au développement économique et social en particulier pour la diversification des revenus extérieurs hors hydrocarbures du pays». L'opération parait prendre une importance particulière du fait de la cérémonie officielle de lancement à laquelle participeront les représentants du ministère du Commerce et Jean-Jacques Gauthier, Directeur Général LafargeHolcim Algérie aux côtés de hauts cadres algériens. Pour réaliser cette opération, l'opérateur français bénéficierait du support commercial et logistique du groupe dont il dépend. Comme du reste, souligne le communiqué, il s'agit d'une structure leader sur son marché, dédiée au commerce international, qui détient plus de 50% des échanges de clinker et de ciment autour de la Méditerranée et de l'Afrique de l'Ouest. De même qu'il bénéficiera «du soutien très important des pouvoirs publics et des autorités portuaires du port d'Arzew». Tout ce remue-ménage, nous amène à de nombreuses questions restées sans réponse à ce jour sur le marché du ciment gris. Notamment, celle de l'enquête sans suite sur la gestion «ERCE Hadjar Soud» des années 2011 à 2016. A ce jour et bien que deux directeurs généraux successifs aient été assassinés, le dossier aurait été mis sous le coude. Et pour cause, de gros barons du trafic du ciment sont impliqués dans l'assassinat de ces pères de familles dont un avait été égorgé après avoir été kidnappé et jeté sur des décombres de la plage de Guerbés dans la wilaya de Skikda. L'un P-DG de la cimenterie de Hadjar Soud et l'autre de Sour El Ghozlane, ils avaient refusé de se soumettre au diktat de la mafia algérienne du ciment. L'enquête diligentée par la Gendarmerie avait entraîné la convocation d'une trentaine de mis en cause aux côtés d'un grand nombre de témoins, des notables de différentes wilayas de l'Est du pays ont été également cités de hauts cadres de l'Etat suspectés être parties prenantes dans les activités d'un large réseau de trafic de ciment. Les enquêteurs avaient eu en leur possession et saisi des documents comptables et bancaires, des fiches techniques et de production. Le deuxième dossier sur lequel avaient investigué les enquêteurs porte sur la production d'un ciment hors normes. «Analysé par les laboratoires, le ciment saisi s'est avéré non conforme. Pratiquement toutes les données générales de sa composition sont fausses. Le taux des constituants est faible en silicates et aluminates, proportion de chaux et de silice réactive, clinker, laitier d'HF, pouzzolane naturelle, schistes calcinées. Les propriétés ont été totalement modifiées. On peut dire que tel que présenté, ce type de ciment est à haut risque dans le secteur de la construction». C'est ce qu'avaient laissé paraître les conclusions des analyses effectuées par les laboratoires à la demande des mêmes enquêteurs.