Les luttes autour du croissant pétrolier en Libye pèsent sur la stabilité du pays et risque de saper le processus politique onusien, a indiqué lundi l'émissaire Ghassan Salamé qui évoque «une accalmie relative» menacée par les rivalités autour de la gestion des revenus pétroliers. S'exprimant lors d'un briefing au Conseil de sécurité, le chef de la mission d'appui des Nations Unies en Libye (Manul) a déclaré que les derniers événements survenus au Croissant pétrolier libyen "ont mis en évidence les questions sous-jacentes qui affectent le pays à savoir les frustrations concernant la distribution de la richesse ainsi que le pillage endémique des ressources". Il y a fort à craindre que "les accords conclus pour reprendre la production pétrolière s'arrêtent, et il sera difficile de faire progresser le processus politique", a averti Salamé, appelant à mettre fin en urgence aux rivalités autour de la rente pétrolière. Le chef de la Manul qui est revenu sur la nouvelle flambée de violences autour des infrastructures pétrolières à Ras Lanouf et As Sidra, Al-Hariga et Zouetina, a indiqué que ces événements ont "scindé le pays en intensifiant les divisions entre les institutions et les régions". Les pertes engendrées par l'arrêt des exportations pétrolières durant cette crise ont avoisiné les 900 millions de dollars, selon les estimations chiffrées fournies par l'émissaire onusien. Si cette "crise a eu un côté positif", si le fait que "les différentes autorités libyennes reconnaissent à présent qu'elles doivent agir pour protéger les richesses du pays", a-t-il poursuivi. Les exportations pétrolières libyennes ont repris mercredi dernier dans le croissant pétrolier, poumon économique de la Libye, après que le Maréchal Haftar a accepté de remettre les ports pétroliers à la compagnie nationale libyenne de pétrole (NOC), reconnue par la communauté internationale. Salamé a ajouté que la Manul allait "redoubler d'efforts pour préconiser des réformes économiques car la stabilité et l'unité du pays sont en jeu". Mise en garde contre les partisans du statu quo Au plan sécuritaire, la Libye a connu "un calme relatif", caractérisé par une baisse significative des actions militaires, selon le médiateur onusien qui a évoqué "des progrès politiques liés à l'absence de l'activité militaire sur le terrain". Le nombre de civils tués durant les échanges de feu est tombé à quatre en mars et à cinq en avril. Cependant les deux derniers mois ont enregistré une recrudescence des actes de violence qui ont "affaibli la dynamique du processus mis en place par l'ONU", a-t-il relevé, citant en cela le conflit à Derna qui attise encore les divisions dans le pays et la dernière crise autour du croissant pétrolier. Ghassan Salamé a fait savoir que le processus consultatif menée dans le cadre de la conférence nationale inclusive, sera suivi d'un rapport exhaustif contenant les recommandations pour sortir de la transition et faciliter la tenue des élections présidentielle et législatives. A ce titre, l'envoyé de l'ONU a mis en garde "contre une poignée de libyens qui bénéficient du statut quo" et qui n'hésiteraient pas à entraver les prochaines élections. Sans les nommer, Salamé a indiqué que "la marge d'action" de cette "poignée de personnes qui défient la volonté populaire" est "grande surtout ceux qui détiennent des positions officielles, souvent lucratives". "Si les conditions propices ne sont pas réunies il serait inopportun de procéder aux élections", a-t-il averti. Et d'ajouter "aux dirigeants de la Libye, je dis que le moment est venu de rendre la parole aux citoyens". L'envoyé de l'ONU juge le statu quo intenable dans ce pays en déclin La Libye est un pays qui est en déclin et le statu quo n'est plus tenable, a prévenu par visioconférence le représentant spécial du secrétaire général pour ce pays, Ghassan Salamé, lors d'une réunion du Conseil de sécurité lundi. M.Salamé a déclaré que la crise dans la région dite du "Croissant pétrolier" n'a été que l'aperçu de ce qui pourrait advenir si des progrès tangibles ne sont pas enregistrés. "Les Libyens s'impatientent", s'est-il alarmé, en conseillant aux membres du Conseil de se montrer unis. Le Conseil, a-t-il insisté, doit exercer des pressions sur les dirigeants libyens pour qu'ils adoptent, sans plus tarder, la loi sur le référendum constitutionnel et la loi électorale. Le représentant spécial a rappelé que pendant les premiers mois de l'année, la Libye a joui d'une certaine quiétude grâce à l'accalmie des actions militaires. Les Nations Unies y ont contribué, en relançant le processus politique, avec la présentation du Plan d'action pour la Libye. Capitalisant sur ce nouvel environnement, les Nations Unies ont offert une plateforme pour des accords de réconciliation et organisé des réunions sur les questions les plus épineuses comme la propriété foncière ou encore le sort des populations déplacées. M.Salamé s'est aussi félicité du retour de l'ONU dans le pays, à Tripoli et à Benghazi, où un bureau sera ouvert dans les prochaines semaines, et de l'achèvement de la phase consultative du processus de la Conférence nationale dont la date et le lieu restent à déterminer. Selon lui, ces progrès politiques sont liés à l'absence d'opérations militaires, mais ces deux derniers mois, les confrontations et la violence ont repris, dont les événements du "Croissant pétrolier" qui ont fait perdre à la Libye quelque 900 millions de dollars et exacerbé les divisions entre les institutions et les régions. Le 11 juillet, s'est réjoui le représentant spécial, le contrôle des ressources pétrolières a été restitué à la National Oil Corporation et la production a repris. Mais, a-t-il prévenu, ces événements ont mis en lumière les questions sous-jacentes, dont les frustrations liées à la mauvaise redistribution des richesses et le pillage "endémique" des ressources du pays. Si ces questions ne sont pas résolues, a prévenu le représentant spécial, la production de pétrole cessera et le processus politique sera menacé. La Mission de l'ONU va donc redoubler d'efforts pour pousser les réformes économiques dont dépendent la stabilité et l'unité du pays. Cette crise a toutefois eu un effet positif, a indiqué M. Salamé : les différentes autorités reconnaissent désormais la nécessité de protéger les richesses du pays. Les Libyens, a-t-il poursuivi, attendent avec impatience de pouvoir enfin se débarrasser de leur "patchwork" d'institutions. En 2014, 600.000 d'entre eux s'étaient rendus aux urnes alors que pour les prochaines élections, un million d'électeurs sont déjà inscrits. Mais, a-t-il alerté, ceux qui soutiennent le statu quo ont les moyens de compromettre les élections. Sans les bonnes conditions, a-t-il mis en garde, il serait inopportun d'organiser les élections. Sans un message "fort et clair" à ces individus, les conditions ne seront pas réunies.