L'Espaco est un espace d'art qui existe depuis l'année 2014, une galerie d'art, un espace dans lequel on peut apprendre la photo, la cuisine, le dessin, l'analyse d'œuvre l'histoire de l'art, les écritures créatives. Les lieux permettent allègrement les concerts de slam, récitals de poésie et pourquoi pas les concerts ou lancements d'albums unplugged. Après de nombreuses expositions et évènements de haute qualité, la respiration estivale de l'Espaco se fait sous forme de mécénat pur, et cela n'est pas pour nous déplaire. C'est ainsi que du 1er au 10 juillet 2018, l'Espaco a ouvert les portes, financé et accueilli douze jeunes artistes en devenir, opération entièrement mécénée par Dame Sakina Sadat, créatrice de l'Espaco, avec les membres de l'équipe, Souad Delmi Bouras et Faïza Allouache qui ont fait un travail d'accompagnement fantastique. Les artistes mis en jeun sont pour la plupart issus ou encore baignés par l'ESBA, d'autres assez confirmés, pour ceux qui restent, ils sont sortant des Beaux-arts, d'Alger, ils son autodidactes aussi pratiquant l'art de manier la palette avec énergie. Ils s'appellent Alès Allouache, Faïza Allouache, Abdelghani Chibane, Ilhem Goumiri, Lina Benlalam, Imène Hamra, Rafik Kerkouche, Celia Messaoud Nacer, Merouane Mezali, Vato, Fouad Yahiaoui, Farah Terkmani. Tout ce beau monde a été réuni pour une session portes ouvertes, et des workshops qui ont par leur production donné lieu à une très belle exposition faite de peinture, de dessins, de sculptures et d'installations qui sont d'un niveau quasi professionnel. Les ateliers ont été menés tambour battant par le plasticien enseignant aux beaux-arts, Karim Sergoua très porté sur la transmission. Il faut dire que le mécénat et les lieux d'art qui produisent du sens sont très rares sur ce vaste territoire culturel qu'est l'Algérie, les espaces de démonstration restent correctement représentés, mais les opérations de mécénat, de production d'art, de workshop restent à vrai-dire rarement initiés. Les jeunes artistes mis en scène par ces ateliers et mis en conditions optimales de production et d'inspiration se sont trouvés comme des poissons dans l'eau en offrant au public une très belle monstration d'une pertinence toute irisée, en effet, le travail présenté est assez étoffé sur le thème ouvert de la porte. Sur les murs un certain nombre de dessins préparatoires, illustrant les étapes successives d'élaboration avec l'animateur Karim Sergoua qui a réussi à tirer une substance artistique éloquente dont les résultats s'observent sur des œuvres plastiques comme celle de Celia Messaoud Nacer, survoltée qui présente une porte noire avec des figures humaines aux traits très nerveux, un peu référencés sur les volutes corporelles d'un certain Egon Schiele, le tout décliné en sept étapes peintes et dessinées… Un mix que la sémillante Celia par son pinceau utilisé comme un crayon réussit de belles «écritures» gestuelles. Karim Sergoua trop habitué aux boiseries en tous genres, paravents, fenêtres et autres se laisse aller à mettre ses formes et ses couleurs tonitruantes dans son œuvre «Auto création», les signes reprennent la route vers les ancêtres pour leur dire ce qui se passe en 2018 sur une peinture riche en libations plastiques. Farah Terkmani produit une œuvre en prose artistique, une fenêtre ouverte sur un personnage féminin, dans un univers peint en arabesques et motifs floraux. «Moucharabieh» est la note symbolique qui signe ce très bel objet d'art. Kahina signe un dessin, dédié à un certain Petit Mooh, le dessin de cette artiste autodidacte invitée est très fin, symétrique et qui promet dans son expression probablement un avenir esthétique très acceptable. La Galerie de l'Espaco demeure un parc de 400 m² qui se colore au gré des pas dans une représentation étrange de cette forêt irisée. Une des portes nous interpelle, elle est signée Faïza Allouache, toute en abstraction sur un fond tourbillonnant, et puis…juste là ! Un chat posé, comme par ironie, la porte fait écho à une tôle ondulée qui préfigure sans doute les aléas tortueux de la vie… l'histoire de cette tôle ondulée arrivée enfin à l'Espaco est déjà en soi un concept. Rafik Kerkouche impose un style intéressant sur une idée de fenêtre perchée bien haut sur une colonne et une échelle aléatoire pour l'atteindre, une belle installation à la symbolique tout simplement puissante. Une fenêtre aussi, présentée par l'autodidacte Imène Goumiri qui dessine à l'intérieur un couple rêveur et amoureux, la naïveté est au rendez-vous, la Goumiri laisse quelques notes colorées de feu rehausser son œuvre, sans plus ! Alès Allouache laisse son regard limpide et pénétrant envahir de couleurs et de formes symboliques sur une fenêtre flamboyante de couleurs et de signes, elle fait foi d'une inspiration formidable qui retrace aussi les rets d'une fécondité artistique émouvante, Alès présente aussi un diptyque à l'acrylique aux mystères encore vivaces. Surprenant Fouad Yahiaoui qui nous offre une «ombre» fantomatique assez surprenante quand on connait les limites de dilettante de ce jeune artiste à l'humour inspiré et à l'autodérision bien marquée. «L'ombre» en question est un personnage qui fait face à une sorte de portique ouvert sur un espace indéterminé, la silhouette qui regarde en avant est réalisée dans la texture d'un grillage très fin est un véritable exercice de style, Fouad qui manie le dessin et la peinture à merveille nous offre ici une surprenante attitude plastique d'une beauté redoutable, ce jeune artiste est à suivre donc de près. Abdelghani Chibane est sans nul doute identifié par son numéro carcéral le «786» qui ouvre les portes de la liberté et de la perception pour aller vers l'ailleurs avec le viatique d'une œuvre abstraite assez captivante, qui avec son accompagnement de peinture abstraite est aussi un exemple édifiant de talent. «Vato» Chato Loco, le chat fou imprime sa marque de fabrique sur support dur, ou sur étoffe défroissée pour nous dire une certaine idée de l'Afrique, une certaine idée de ce que le «Street Art» est devenu en Algérie, un fourre-tout qui comme le Pop Art restent des arguties lancées à tout va pour présenter des œuvres qui en réalités semblent bien loin de ces styles, n'importe qui aujourd'hui se dit Popartiste, n'importe qui se dit Street artiste, les concepts se mélangent, les pinceaux aussi. Vato reste fidèle à ses engagements il nous livre une attitude qui sera bientôt appuyée par un mémoire, et dans sa démarche artistique, le trait est toujours aussi vivace et l'inspiration radicalement africaine avec tous le chambard artistique qui va avec, Vato est un artiste intelligent et intelligible, son art en est la preuve tangible. Dans la peinture surréaliste et un peu déclinée en figuration libre, Imène Hamra pose les jalons d'une originalité de bonne facture, le traitement est assez pertinent, couleurs, compositions et thématiques montrent des aptitudes qui rassurent sur l'avenir. Et puis la très calme Lina Benlalam qui entre sculpture et peinture s'emmêle l'inspiration, pour «Abwab» elle nous donne à voir une femme en chute libre dans un tourbillon de formes colorées, très bien réalisées, sa peinture est assez égale à la sculpture qu'elle pratique en atelier de beaux-arts. Quand elle se met au travail, Lina produit du sens, il semble que le cadre didactique la freine un peu, d'où la nécessité de ces ateliers ouverts. Tout en modération et esprit zen, Merouane Mezali laisse le blanc ouvrir les portes de la sérénité, il adopte un allant vers l'architecture ou du moins une esthétique minimaliste qui s'y rapproche, pourtant le spectre d'une peinture épurée, semi-abstractive laisse des pistes que Merouane n'hésite pas à investir, il signe une œuvre à regarder d'un œil concentré. «Abwab» a aussi été un prélude à une autre résidence chapeautée par Ratiba Aït Chafa, plasticienne en plein essor, elle est accompagnée de quelques autodidactes, des jeunes artistes en devenir avec des locomotives comme Abderahmane Merine ou Djamel Matari pour respectivement une installation superbe et un travail photo excellent. Mais cela est bien-sur une autre histoire qui débutera au sein de la galerie début septembre, le workshop étant en… work in progress !!! Exposition «Abwab», workshop avec Karim Sergoua, exposition collective, installations, sculptures, peintures, dessins, Espaco jusqu'à fin juillet et reprise début septembre, Espaco, résidence CMB, Oued Terfa, entrée libre.