Avec l'élection de Jair Bolsonaro, nostalgique de la dictature, le Brésil s'ajoute à la liste déjà longue des pays qui ont basculé dans le national-populisme. Le Brésil vient d'élire un président raciste, sexiste, homophobe et partisan de la torture. Ancien parachutiste, nostalgique d'une période dictatoriale (1964-1985) que l'on croyait à jamais révolue, Jair Bolsonaro est le premier militaire élu depuis l'accession au pouvoir, en 1946, de Gaspar Dutra. Avec une très large majorité (55,1 % des voix), le candidat d'extrême droite ferme une parenthèse de l'histoire brésilienne de treize années de gouvernements dirigés par le Parti des travailleurs (PT) de Lula, à laquelle s'ajoutent trente-trois ans d'alternance politique modérée entre le centre gauche et le centre droit. Qu'il s'agisse de l'élection de Sebastian Pinera au Chili, de Mauricio Macri en Argentine ou d'Ivan Duque en Colombie, les grandes consultations politiques d'Amérique latine vont dans un sens unilatéral que seule la victoire d'Andres Manuel Lopez Obrador au Mexique a pris à rebours. Hormis cette exception, le «tournant à gauche» du sous-continent a vécu. Au Brésil, la destitution de la présidente, Dilma Rousseff, en août 2016, la condamnation de son prédécesseur, Lula, en juillet 2017, puis son emprisonnement en avril 2018 et son interdiction de briguer un nouveau mandat sont autant d'événements qui s'inscrivent dans le contexte d'une droitisation de plus en plus marquée du plus grand pays d'Amérique du Sud. Aucune ambiguïté sur son extrémisme Le parcours du futur président ne souffre d'aucune ambiguïté sur son extrémisme. Elu député dès 1991, Jair Bolsonaro est ensuite accusé d'avoir tenté d'organiser des attentats afin d'attirer l'attention sur la faiblesse des salaires des militaires, ce qui lui vaut de passer quinze jours en prison. Il faut attendre la fin de la décennie 1990 pour que l'opinion publique découvre sa violence verbale. En plein Congrès, en 1999, il regrette que la dictature n'ait pas exécuté 30 000 personnes corrompues supplémentaires, dont le président de l'époque, Fernando Henrique Cardoso. Quatre ans plus tard, au cours d'un débat télévisé, il lance à la député PT Maria do Rosario qu'il ne la violerait jamais, car elle ne le méritait pas. Un propos qu'il répète, onze ans plus tard, dans les couloirs du Congrès, à l'adresse de celle qui est devenue entre-temps secrétaire aux droits de l'homme sous Dilma Rousseff. A 63 ans, Jair Bolsonaro est, de loin, le chef d'Etat de droite élu le plus extrémiste de l'histoire récente d'Amérique latine. Outre sa violence verbale, il se distingue avec une certaine constance par son racisme vis-à-vis des peuples indigènes et des Noirs, par sa misogynie et son culte des armes à feu. Cette rhétorique lui vaut rapidement d'être désigné par la presse comme le «Trump brésilien» ou le «Trump tropical».