Le 18 août 2009 selon l'agence officielle APS, le gouvernement annonce officiellement un important projet de phosphate qui permettra de créer 5.000 emplois permanents, évalué entre 1,5 et 2 milliards de dollars. Par la suite l'APS, le 18 juillet 2016, citant l'ex ministre algérien de l'industrie et des Mines que le conglomérat industriel Indorama (né en Indonésie mais basé à Singapour) a signé trois accords d'investissement à Alger, portant la création de trois co-entreprises entre Indorama (49 %) et ses partenaires algériens (51 %) d'un montant de 4,5 milliards de dollars d'investissement afin d'assurer la transformation de cinq millions de tonnes de phosphates marchands en engrais phosphatés et la production d'un million de tonnes d'ammoniac et de 800 000 tonnes de calcium ammonium nitrate. En ce mois de novembre 2018, le ministre de l'industrie annonce que le coût du projet du Complexe de phosphate à l'Est du pays en partenariat entre deux groupes algériens Sonatrach et ASMIDAL-MANAL et deux groupes chinois CITIC et WENGFU, opérationnel selon les prévisions en 2022, devrait s'élever à près de 6 milliards de dollars avec la création de 3000 emplois directs. Sans verser dans la critique gratuite, il est à espérer que ce projet soit rentable dans le temps, et que les responsables nous expliquent le pourquoi de toutes ces réévaluations qui alourdissent le cout final. L'objet de cette présente contribution est une analyse objective de cette filière afin d ‘éviter les erreurs du passé qui se sont chiffrées en pertes évaluées à des milliards de dollars. 1- Le phosphate, utilisé comme engrais, soit à l'état naturel soit à l'état chimique, avec l'azote et le potassium, est l'un des éléments indispensables à la croissance végétale étant l'un des trois principaux nutriments nécessaires aux cultures pour atteindre leur plein potentiel et ses différents composants. C'est une ressource critique dans un contexte de démographie et de besoins alimentaires en forte croissance. vec l'augmentation de la population donc de la consommation, et la demande de nourriture diversifiée, la disponibilité limitée des terres labourées, la taille du marché mondial des engrais phosphatés devrait atteindre quelque 78,06 milliards de dollars américains d'ici 2025, selon le rapport de Grand View Research, Inc, qui prévoit pour le secteur un taux de croissance annuel composé de 5,1% et donc un accroissement de la demande d'engrais phosphatés.Ainsi le marché africain de fertilisant est considéré comme vierge à cause de la faiblesse de consommation d'engrais 4,7kg par habitant contre 200kg en Inde et en Chine. 2- Cependant l'important n'est pas d'analyser le volume produit mais de voir l'évolution du prix qui dépend de bon nombre de facteurs, dont le prix de l'énergie qui est la principale cause de la volatilité des prix des engrais phosphatés, mais également les coûts de transport, les décisions politiques, les taux de change et d'autres facteurs incontrôlables qui affectent le commerce mondial des produits fertilisants. Le prix du phosphate brut a été divisé par trois depuis son pic de l'année 2008 ; ayant chuté de -43,2% depuis l'année 2011, étant resté stabilisé autour de 115 dollars US la tonne métrique, en moyenne mensuelle en 2015. Depuis les prix sont à la baisse et très fluctuants : ainsi en avril 2018, le phosphate brut était coté à 88,00 dollars la tonne, en juillet 2018 à 86,88, en septembre à 87,50 dollars et en octobre 2018 à 91,2 dollars la tonne. Selon les prévisions de la Banque mondiale, la tendance générale et à moyen terme des prix des produits phosphatés reste orientée à la baisse, le phosphate brut se négocierait en 2020 au tour de 80-85 dollars U.S la tonne métrique, celui du DAP autour de 377,5 dollars US la tonne métrique et le TSP à près de 300 dollars U.S la tonne métrique Dans une nouvelle analyse, l'agence de notation mondiale estime que les prix des roches de phosphate resteront en moyenne à 105 dollars la tonne (sans frais à bord), en 2019 (sans frais à bord) à 110 dollars sur le long terme. Car pour les dérivés du phosphate, les circuits de commercialisation mondiaux sont contrôlés étroitement par quelques firmes et les prix étant très fluctuants, dépendant à la fois des couts et des zones. Nous avons une forte concurrence et la présence d'acteurs clés limités qui obtiennent une part importante des revenus mondiaux. Les principaux intervenants comprennent notamment les russes Eurochem Group AG et PJSC PhosAgro; les canadiens Agrium Inc. et Potash Corp. de Saskatchewan Inc; le norvégien Yara International ASA ; les américains CF Industries Holdings Inc. et Mosaik Co.; l'indien Coromandel International Ltd.; le géant marocain OCP S.A. et Israel Chemicals Ltd. Et ce sont ces grands groupes qui mènent des activités de recherche et de développement pour fabriquer des engrais phosphatés biologiques et économiques afin de répondre aux besoins du marché mondial. A titre d'exemple, pour l'urée granulés du Moyen Orient, la cotation est passée de 256 dollars en octobre 2017 à 238 en juin 2018 et à 301 fin septembre 2018. Pour l'urée granulée d'Indonésie/Malaise, le cours est passé pour la même période de 282, à 261 et à 305 dollars. Quant au cours de l'ammoniac, (yuzhny), il est passé de 243 dollars en octobre 2017 à 243 en juin 2018 et à 341 dollars fins septembre 2018. L'engrais /urée était vendue à plus de 423 dollars la tonne en 2014 et a été coté en moyenne le 20 novembre 2018 à 327 euros soit au cours actuel (1,13 dollar un euro) 369 dollars contre une moyenne annuelle en 2017 dee 327 dollars la tonne. C'est que le prix de l'ammoniac est fonction du prix du gaz sur le marché international. Selon des experts, lorsque le prix du gaz est de 4 dollars le MBTU le cout de revient de l'ammoniac est d'environ au cours actuel du dollar environ 140 dollars. Lorsque le prix du gaz est de 7 dollars le MBTU le prix de revient est d'environ 242 dollars. Qu'en est-il pour l'Algérie ? 3- Le coût du projet du Complexe de phosphate à l'Est du pays en partenariat entre deux groupes algériens Sonatrach et ASMIDAL-MANAL et deux groupes chinois CITIC et WENGFU, opérationnel selon les prévisions en 2022, qui permettra la création le premier ministre 3.000 postes de travail directs et 14.000 indirects, devrait s'élever à près de 6 milliards de dollars. IL est répartie entre la mine de Bled El-Hadba à Tebessa (1,2 milliards de dollars), la plateforme de Hadjer Kebrit à Souk Ahras (2,2 milliards de dollars), la plateforme de Hadjar Essoud à Skikda (2,5 milliards de dollars) et le port de Annaba (0,2 milliards de dollars). Il est question également de la production de 1,2 millions de tonnes/an d'ammoniac et 4 millions de tonnes d'engrais..Ainsi si l'Algérie exporte trois millions de tonnes de phosphate brut annuellement à un cours moyen même de 100 dollars entre 2019/2020, nous aurons un chiffre d'affaire, à ne pas confondre avec le profit net devant déduire les charges et le partage du profit avec la compagnie étrangère, d'environ 300 millions de dollars et pour dix millions de tonnes brut un (1) milliards de dollars… Car dans cette filière les charges sont très élevées (amortissement et charges salariales notamment) minimum de 40%, le profit net serait pour dix millions de tonnes de tonnes environ 600 millions de dollars. Si ce le projet entrer en fonctionnement en 2022, et en fonction des cadences -normes internationales- 25% 1ère année, 50% 2ème année3ème année, 75%, la vitesse de croisière sera atteinte fin 2025 et l'amortissement de l'investissement vers 2030. 4- Ainsi, le phosphate et les dérivées sont loin de procurer (idem pour le fer) une importante rente contrairement à certaines déclarations tendancieuses. Par ailleurs, quel sera le prix de cession du gaz afin d'éviter des rentes de situation de ces unités fortes consommatrice d'énergie, un bas prix en plus des avantages financiers et fiscaux, fausserait à la fois la capacité véritablement concurrentielle de ces projets sur le marché mondial qui interdit le dumping, constituant une perte pour le trésor algérien. C'est dans ce cadre, que je me permets de mettre en garde le gouvernement contre les utopies du passé. Tout cela pose la problématique de la maitrise du management stratégique (la ressource humaine richesse vitale pour la réussite de ce projet) afin d' éviter les surcoûts, la mauvaise gestion et le pilotage, qui rendrait non rentable ce projet à l'instar de l'assainissement pour plus de 70 milliards de dollars entre 1971/2017 des entreprises publiques dont plus de 70 % sont revenue à la case de départ. L'on ne saurait à l'aube de la 4ème révolution mondiale fondée sur le digital et l'intelligence artificielle, ignorer les nouvelles mutations mondiales ou l'initiation de projets non muris qui risquent de faire faillite à terme. Comme cette dérive du montage de voitures où l'on recense plus des dizaines de constructeurs qui n'existent nulle part dans le monde, allant vers la sortie de devises et des faillites prévisibles, après avoir perçu des avantages financiers et fiscaux considérables avec une facture de sorties de devises fin 2018 qui approchera les 3 milliards de dollars alors que la vitesse de croisière n'atteint pas les 25%, rendant impossible la réduction des couts et l'exportation. D'où l'importance de comprendre les nouvelles mutations de ces filières internationalisées en perpétuel mutation technologique afin d‘éviter pour l'Algérie des pertes financières qui peuvent se chiffrer en dizaines de milliards de dollars. L'Algérie a besoin d'une vision stratégique au sein de laquelle doit s'insérer la politique industrielle (institutions, système financier, fiscal, douanier, domanial, système socio-éducatif, le marché du travail, le foncier ect.), afin de s'adapter aux nouvelles filières mondiales en perpétuelles évolutions poussées par l'innovation. Sans cette nécessaire adaptation au nouveau monde en perpétuelle mutation, renvoyant à une nette volonté politique d'accélérer les réformes, donc à un renouveau culturel pas seulement des responsables mais de la société, l'Algérie ayant toutes les potentialités pour dépasser le statut quo actuel, il est vain de pénétrer le marché mondial et encore moins la filière minière contrôlée par quelques firmes internationales. Il ne faut pas vendre des rêves : l'Algérie dépendra encore pour de longues années des hydrocarbures. Les autres matières premières permettent de réaliser tout juste un profit moyen. 5- Ainsi le profit net de ce complexe après amortissement ne se fera, sauf pannes techniques ou autres désagréments, ce qui donnerait un temps plus long, que vers 2030. Evitons donc l'euphorie. Selon l'agence Wikipédia en 2016, les réserves mondiales sont estimées à 68.000.000 millions de tonnes, réparties n'ayant retenu que les principaux pays : • Chine, 3.100.000t (d'autres sources donnent 3.700.000) • Maroc 5.000.000t • Etats Unis 1.100.000t • Russie 1.300.000t • Algérie 2.200.000t • Jordanie 1.300.000t • Afrique du Sud 1.500.000t • Australie 1.100.000t • Brésil 320.000t • Egypte 1.200.000t • Pérou 820.000t • Arabie Saoudite réserves 680.000- • Tunisie 100.000t • Syrie avec des réserves de 1.300.000 tonnes La production mondiale pour 2016 est de 261.000 tonnes répartie ainsi : • Chine 138.000 kt • Maroc 30.000kt • Etats Unis 27800kt • Russie 11600kt • Algérie 1500 kt • Jordanie n 8300kt • Afrique du Sud 1700 kt • Australie 2500kt • Brésil 6500kt • Egypte 5500kt • Pérou production 4000kt • Arabie Saoudite 4000kt • Tunisie 3500 kt