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Manifestations populaires et perspectives
Publié dans La Nouvelle République le 23 - 03 - 2019

Sur le plan économique, entre I989-I990 c'est l'application des réformes avec l'autonomie de la banque centrale, à travers la loi sur la monnaie et le crédit, la tendance à la convertibilité du dinar, la libéralisation du commerce extérieur, une tendance à l'autonomie des entreprises et l'appel, très timidement, à l'investissement privé national et international sous le slogan secteur privé facteur complémentaire du secteur d'Etat. Après le socialisme spécifique, c'est l'économie de marché spécifique avec la dominance du secteur d'Etat soumis à la gestion privée. Effet de la crise économique, départ du président Chadli Bendjedid, l'instauration du HCE et une valse sans précédent de chefs de gouvernement et de ministres..
C'est durant cette période qu'est signé l'accord pour le rééchelonnement de la dette en mai 1993 avec le Club de Paris (dette publique) et le Club de Londres (dette privée ), accompagné d'un Programme d'ajustement structurel (PAS) entre l'Algérie, le FMI, la Banque mondiale (BIRD) et l'Union européenne afin de remédier aux déséquilibres de la balance des paiements fortement affectée par la chute des cours des hydrocarbures et du poids de la dette extérieure. La période qui suit verra un chef d'Etat avec un parlement de transition à savoir le CNT (conseil national de transition) combinaison d'associations et de partis politiques désignés. Viendront les élections de ce Président axées sur le rassemblement, pour sortir le pays de la crise et une nouvelle constitution (1996) qui va s'attacher à éliminer les éléments de dysfonctionnement de la Constitution de 1989 en encadrant de manière sévère les mutations. Elle crée la seconde chambre, dite Conseil de la nation, et par le truchement de l'article 120, lui donne pratiquement le pouvoir de bloquer un texte de loi voté par la première chambre, l'APN. Mais fait nouveau et important, elle limite le mandat présidentiel à deux étalé sur cinq années.
C'est à cette période que naît le Parti le rassemblement national démocratique (R.N.D) dont le fondement du discours est la lutte anti-terroriste, qui raflera presque tous les sièges en 8 mois d'existence tant de l'APN que du Sénat au détriment du Parti FLN et qui provoquera par la suite des protestations interminables et une commission sur la fraude électorale dont les conclusions ne verront jamais le jour.. Le président Liamine Zeroual démissionne et des élections sont programmées le 08 avril I999 avec l'élection d'un Président qui promet de rétablir l'Algérie sur la scène internationale, de mettre fin à l'effusion de sang et de relancer la croissance économique pour atténuer les tensions sociales. En septembre 2005, nous avons le référendum sur la réconciliation nationale avec un vote massif en faveur de la paix et c'est à l'actif du président Abdelaziz Bouteflika. Un chef de gouvernement est nommé Benbitour, ancien ministre pendant le HCE, après plus de 8 mois d'attente mais son mandat sera de courte durée, à peine une année, du fait des conflits de compétences.
Un second chef de gouvernement Ali Benflis lui succèdera mais qui démissionne, tout en se présentant candidat à la présidence avec comme conséquence une dualité dans les rangs du FLN dont il est issu. Il est remplacé par le Secrétaire Général du RND Ahmed OUYAHIA. Viennent ensuite les élections du 08 avril 2004 qui sont largement remportées par le précédent Président avec trois chefs de gouvernement successifs : premièrement le secrétaire général du RND qui a été chargé des élections de 2004, puis le secrétaire général du FLN Abdelaziz Belkhadem ourant 2007, ce Parti avec les élections successives étant devenu majoritaire tant au niveau de l'APN que du Sénat, avec peu de modification dans la composante ministérielle puisque le nouveau chef de gouvernement n'a pu nommer aucun ministre entre mai 2006 et juin 2008, assistant d'ailleurs à la même composante à quelques variantes près depuis 10 années, idem pour les Walis et les postes clefs de l'Etat.
Puis à nouveau courant 2008 voilà le retour du secrétaire général du RND qui sera chargé des élections d'avril 2009.C'est également durant cette période courant novembre 2008 qu'est amendée la constitution, à la majorité des deux chambres, les députés et sénateurs. Cet amendement ne limite plus les mandats présidentiels, tout en supprimant le poste de chef de gouvernement en le remplaçant par celui de Premier ministre consacrant un régime semi-présidentiel. Dans la foulée, l'élection présidentielle s'est tenue le 09 avril 2009 où l'ancien président est réélu pour un nouveau mandat de cinq années (2009/2014). Mais fait nouveau, une crise mondiale sans précédent depuis la crise d'octobre 1929 est apparue en octobre 2008. En septembre 2012, à la place d'Ahmed Ouyahia, qui sera désigné directeur de cabinet à la présidence de la République, est nommé Abdelmalek Sellal premier ministre qui sera directeur de campagne pour une nouvelle élection présidentielle le 17 avril 2014, remportée par Mr Abdelaziz Bouteflika, Abdelmalek Sellal dirigera quatre gouvernements successifs ayant été directeur de campagne plusieurs fois du président Bouteflika.
Nous assistons en 2017 à la nomination d'Abdelmadjid Tebboune au poste de Premier ministre le 25 mai qui sera démis de ses fonctions, le 15 août, trois mois après sa nomination à la tête du gouvernement et à nouveau la nomination d'Ahmed Ouyahia comme Premier ministre. Sans entrer dans la constitutionnalité ou pas n'étant pas expert juriste, début 2019 est annoncé à nouveau la candidature du président Abdelaziz Bouteflika pour un cinquième mandate pour l'élection présidentielle du 18 avril 2019 appuyé par le FLN, le RND, TAJ le MPA et toutes les organisations satellitaires UGTA, UNPA, UNFA, FCE avec comme directeur de campagne à nouveau Abdelmalek Sellal, qui sera remplacé suite à certains propos avec le président du FCE par Abdelghani Zaalane.
Et viennent les évènements du 22 février et du 06 mars 2019 où un décret annule les élections présidentielles ou le président annonce qu'il renonce à un cinquième mandate et propose une conférence nationale devant aborder les réformes politiques et économiques avec le remplacement d'Ahmed Ouyahia comme premier ministre et son remplacement par le ministre de l'Intérieur Noureddine Bedoui avec un vice premier ministre chargé des affaires étrangères Ramtane Lamamara, où est avancé comme président de la conférence Lakhdar Brahimi, personnage respectable au niveau international,mais inconnu de la majorité de la population a été rejeté lors des dernières manifestations Et on se retrouve le 17 mars 2019 devant une jeunesse non organisée avec un blocage politique où les partis politiques toutes tendances confondues n'ont joué aucun rôle pour la mobilisation et contrairement à certaines supputations, loin de l'islamisme radical, et de la violence avec cette jeunesse vivante ayant montré sa maturé avec un slogan directeur : «l'Algérie a besoin d'un changement dans la paix et non dans la violence». Car la gestion autoritaire bureaucratique avec des menaces ou des slogans des années passées ne portent plus avec l'ère d‘internet et des réseaux sociaux mais avec une radicalisation progressive : nous ne voulons pas du 5ème mandat, puis nous voulons un changement du système et le départ du président actuel et récemment par une certaine frange de la population, nous voulons le départ de tout le système.
Cinq scénarios et perspectives
Nous avons cinq scénarios demandant non des solutions juridiques mais des solutions politiques, car aucune constitution n'a été respectée depuis l'indépendance politique ni d'ailleurs une véritable indépendance de la justice comme en témoigne les manifestations des avocats et des juges. Premier scénario, aller vers l'Etat d'exception, sauf très graves crises majeures. Afin de préserver l'unité de l'ANP et des services de sécurité, la revue de l'ANP Al Djeich a clairement mentionné la symbiose entre l'ANP et son peuple devant éviter les drames des années passées face aux inévitables tensions budgétaires et les enjeux géostratégiques 2019/2025/2030 au niveau de la région, l'Algérie étant comme viennent de la rappeler plusieurs experts de l'OTAN un acteur stratégique de stabilisation. Le second scénario, est d'aller vers l'élection présidentielle après la démission ou l'expiration du mandat de l'actuel président, le président du Sénat étant chargé de cette transition.
Tous les acteurs présents décideurs devront analyser tous les impacts de cette option toutes en privilégiant la sécurité nationale. Le troisième scénario, est l'application de l'article 102 qui relève des prérogatives exclusives du Conseil constitutionnel Cela donne pouvoir au président du sénat également d'organiser les élections. Le quatrième scénario, est le report des élections qui doivent être fixée à avec une date précise ne dépassant pas une année avec une période de transition avec promesse de l'actuel président de ne pas briguer un cinquième mandat, un comité de sages maximum de 10 personnes, non partisans non désignées mais émanation d'une Conférence nationale et donc de la volonté populaire une instance de surveillance des élections composés de représentants de différents partis et de la société civile, la révision de la désignation des membres du conseil conditionnel, le ministère de l'Intérieur et les walis non concernés par cette surveillance assurant seulement la logistique. L'objectif des élections libres et transparentes avec un gouvernement non partisans de technocrates évitant les mêmes figures largement décriées par la jeunesse que l'on voit depuis 2000 non crédibles avec la mise sur table de toutes les revendications afin de réaliser la transition politique et économique.
Le cinquième scénario serait que le président quitte le pouvoir à la fin de sa mission, la formation d'un gouvernement de techniciens chargés de gérer les affaires courantes ne dépassant pas l'année, un comité de sages maximum de 10 personnes non partisans non désignés mais émanation de la volonté populaire d'une conférence nationale, avec pour objectif la totale transparence des élections, une instance de surveillance des élections de différents partis et de la société civile, la révision de la désignation des membres du conseil conditionnel, le ministère de l'Intérieur et les walis non concernés par cette surveillance assurant seulement la logistique. Il appartiendra au futur président de réviser la constitution, de dissoudre éventuellement les assemblées élues et d'aborder les réformes économiques et politiques majeures.
Quelles perspectives ?
Existent deus solutions : statut quo politique avec l'épuisement des réserves de change horizon 2022 (76 milliards de dollars mars 2019) avec le retour au FMI comme en 1994, avec le risque d'une déstabilisation aux conséquences imprévisibles dont le coût sera supporté par les couches les plus défavorisées et les couches moyennes qui seront laminées, soit accélérer les réformes politiques et économiques. Pour dépasser l'entropie actuelle, la majorité des responsables politiques et du pouvoir que de l'opposition, ainsi que de leurs organisations satellitaires, ont besoin d ‘une révolution culturelle pour s'adapter au nouveau monde étant à l'ère d'un profond bouleversement du système d'information avec internet et les réseaux sociaux. La société civile est à dominance informelle comme en témoigne en tenant compte des bulletins nuls et selon les données officielles du ministère de l'Intérieur 75% de la population n'ont pas fait confiance aux Partis lors des dernières élections législatives.
Mais malgré cela, au-dessus de tout, l'Algérie reste un pays dynamique, plein de vitalité, qui se cherche et cherche sa voie. Un processus de mutations internes est en train de se faire, pas celles qu'on croit, mais celles qu'on soupçonne le moins qui s'imposeront. Et la jeunesse trouvera sans interférences ses représentants qui la représenteront dignement pour faire valoir ses revendications. Les expériences historiques montrent clairement que seul le dialogue aboutissant à un compromis -oppositions et sociétés civiles ayant des bases sociales solides ainsi certains segments du pouvoir «propres» et ayant également une basse sociale, ce que l'on a qualifié de voie gradualiste qui a permis des transitons réussies loin de toute déstabilisation.
Les Algériens veulent vivre leurs différences dans la communion et non dans la confrontation, la paix étant un facteur déterminant ce qui ne signifie en aucune manière oublier de tirer les leçons du passé récent afin de forger positivement notre avenir commun. Les différentes composantes de notre société, doivent concourir ensemble à la paix, à la sécurité et à la stabilité condition de profondes réformes permettant un développement durable au profit de tous les Algériennes et Algériens. Il s'agit là de l'unique voie que doivent emprunter les Algériens afin de transcender leurs différends, à vaincre la haine et les peurs qui les habitent, à exorciser leurs démons et à trouver de nouvelles raisons de vivre harmonieusement ensemble et de construire, toujours ensemble, le destin exceptionnel que de glorieux aînés de la génération du 1er Novembre 1954 ont voulu désespérément pour eux.
J'ose espérer un avenir meilleur pour mon pays, en ces moments de grands bouleversements géostratégiques, fondé sur un Etat de Droit, plus de tolérance, d'espace de libertés et le renforcement du dialogue productif, loin de tout extrémisme, rassemblant tous les algériennes et algériens.. Tout au long de son histoire la population algérienne et surtout sa jeunesse, a su toujours trouver des solutions.privilégiant les intérêts supérieurs de l'Algérie et de l'Algérie seulement, loin des intérêts personnels d'une couche minoritaire rentière.
(Suite et fin)
Professeur des universités, expert international Abderrahmane Mebtoul


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