La désignation d'interlocuteurs pour représenter le mouvement populaire est nécessaire pour s'engager dans la transition démocratique, a estimé le politologue Hasni Abidi, spécialiste du monde Arabe et de l'Afrique du Nord lors d'un débat organisé jeudi soir à l'Institut du monde arabe (IMA, Paris). Selon ce politologue, qui a souligné que l'institution militaire ne veut pas et ne peut pas gérer la transition : « la rue a une vie politique limitée et elle ne peut continuer à manifester sans désigner des interlocuteurs pour s'engager en son nom dans la transition démocratique. Il faut commencer le dialogue avec l'institution militaire ». Pour ce chercheur qui est directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (CERMAM) à Genève, il faut établir maintenant des passerelles entre les animateurs de la mobilisation, qu'il a qualifiée d' « inédite », et les tenants du pouvoir, soutenant que « l'armée est là et ne va pas partir, car on a besoin de cette institution ». Concernant les manifestants, Hasni Abidi qui a insisté sur le fait que les manifestants soient obligés de dégager des représentants sans exclusion aucune pour la pérennité de leur mouvement, a également estimé qu'ils doivent maintenir la pression pour obtenir d'autres concessions de la part du régime. Aussi, a-t-il averti à cette occasion que « dangers guettent cette révolution » et « les forces contre-révolutionnaires ne la veulent pas », et de ce fait, la transition, une période de dialogue et de compromis, « a besoin d'un locomotive », et ce, dans le sens où « la transition démocratique n'est pas un moment de promenade. C'est un moment d'inquiétude et d'incertitudes », a-t-il expliqué avant de poursuivre que le slogan « Non au 5e mandat » est une revendication politique, sociale et économique qui demande « le changement dans la redistribution de la rente pétrolière ». Dans ce cadre, explique le politologue que « si la transition prend encore du temps, il y a un grand risque et l'Algérie pourrait s'épuiser sur le plan économique », estimant également qu'aller à l'élection présidentielle le 4 juillet prochain est un « non-sens », d'autant, plus que « le corps électoral algérien, qui est dans la rue chaque vendredi, s'exprime et dit non à cette élection ». Enfin, pour Hasni Abidi « le centre de décision, avec cette mobilisation sans précédent, s'est déplacé et le peuple est devenu un acteur avec qui il faudra composer ». Lui emboîtant le pas dans ce débat, l'autre intervenante, Razika Adnani, écrivaine, philosophe et islamologue, a adopté beaucoup plus un discours militant que de livrer à l'analyse dans ce rendez-vous de l'actualité, dans le sens où elle d'abord indiqué que la mobilisation des Algériens depuis le 22 février « a totalement changé le visage de l'Algérie ». Selon cette chercheuse algérienne, aux yeux du monde les Algériens « ne sont plus violents ou fanatiques ». C'est « un peuple qui a montré qu'il est pacifique, citoyen et pourvu d'une très grande maturité », a-t-elle poursuivi. Aussi, a-t-elle précisé que les revendications « ne sont plus religieuses ou ethniques », elles sont « plutôt laïques ». Qualifiant le mouvement de véritable « révolution » au vrai sens du terme, soutenant que même si elle ne donne pas de résultats sur le plan politique, « elle a changé le peuple et sa mentalité ». S'agissant de l'avenir de cette mobilisation, l'intervenante n'a pas manqué d'exprimer son inquiétude quant à l'avenir de cette mobilisation populaire, précisant que « s'il n'y a pas de changement politique et par la suite social et économique, l'image de l'Algérie va s'effondrer et probablement on risque de choisir la violence », et ce, avant d'avertir que toute transition n'est pas forcément démocratique, appelant le Hirak à « rester très vigilent».