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Quelle politique énergétique pour l'Algérie 2019/2030
Publié dans La Nouvelle République le 27 - 07 - 2019

Le ministre de l'Energie vient de faire savoir le 23 juillet 2019 que les raffineries de pétrole en Algérie « suffisent pour couvrir la demande nationale en carburant, estimée à 15 millions de tonnes et que depuis fin 2018, nous n'avons effectué aucune importation de carburant, et toute la production disponible sur le marché est Algérienne ». Cependant toute politique des carburants est indissociable de la politique économique globale notamment le transport et devant être analysée au sein de la politique énergétique. Car, le secteur économique de l'énergie en Algérie occupe une place prédominante dans l'économie. Les hydrocarbures à eux seuls représentent 60 % des recettes du budget et 98 % des recettes d'exportation.
L'Algérie est classé 18e producteur de pétrole, 10e producteur de gaz naturel et 6e exportateur de gaz naturel au monde. La problématique de la diminution ou de l'augmentation de la consommation de carburants traditionnels dépend d'une série de facteur : -de l'installation des capacités de raffinage des carburants traditionnels ; de la politique des transports où le développement du rail ou du transport en commun ou du développement de voitures individuels et de camions. -du pouvoir d'achat des citoyens pour acheter une voiture ; de la politique des subventions des carburants ; du nouveau modèle de consommation énergétique.
1- Exportation des hydrocarbures : urgence de la révision de la loi des hydrocarbures de 2013 pour éviter le déclin ?
Il ne faut pas être démagogique : Si l'Algérie entame les réformes politiques et économiques fin 2019, se fondant surr une nouvelle politique économique, les exportations hors hydrocarbures dont les segments doivent s'insérer dans le cadre des valeurs internationales, ne trouveront une dynamique que dans 5 à 7 ans. L'Algérie dépendra donc encore longtemps de la rente des hydrocarbures qu'il s ‘agit de gérer avec transparence étant une question de sécurité nationale.. Force est de reconnaitre que la loi des hydrocarbures de 2013 a attiré peu d'investisseurs dans le domaine hydrocarbures face à une concurrence internationale acerbe, le système fiscal étant totalement inadapté à la nouvelle conjoncture, comme la règle des 49/51 pour cent a favorisé surtout des rente de monopole. Mais cela n'est pas suffisant car le peu d'attrait de l‘investissement créateur de valeur ajoutée à moyen et long terme trouve surtout son essence dans l'actuelle crise politique et dans le manque de cohérence et de transparence de la politique économique. (notre interview à la télévision Ennahar-24/07/2019)...
S'agissant de l'évolution de la production de pétrole, selon les statistiques en volume, elle a connu entre 2005 et 2007 un pic de 2 millions de barils/jour avant d'amorcer, dès 2008, une courbe décroissante jusqu'en 2012. Pour le gaz, après un pic de 90 milliards de m3 au milieu des années 2000, la production a dû décroître ces dernières années. En prenant en compte le niveau des réserves probables et possibles, si rien n'est fait en termes d'exploration et en termes d'efficacité énergétique, l'Algérie pourrait ne plus honorer ses engagements à l'export à partir de 2030, la consommation intérieure dépassant le volume actuel des exportations. Cela nécessite également une stratégie urgente en matière de transition et modèle de consommation énergétiques dont l'efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables. Selon l'ONS, en 2018, la production du pétrole brut et de gaz naturel a enregistré une baisse de 3,1%, tandis que l'activité de raffinage du pétrole brut a baissé de 11,8%.
Mais c'est surtout la production dans la branche de liquéfaction du gaz naturel (GNL) qui a diminué de 25,9% et a largement contribué à cette tendance baissière dans le secteur Une information qui confirme globalement par la Banque d'Algérie devant les députés à propos de la conjoncture économique en 2018. Selon ce rapport, sur les neuf premiers mois de 2018, les quantités de pétrole exportées ont enregistré une baisse de 8,54%. Ces quantités de pétrole exportées depuis janvier à septembre de l'année 2018 ont représenté 73,3 millions de TEP (Tonne équivalent pétrole) contre 80,1 millions sur la même période de 2017. Selon la BA, cette baisse des quantités a été compensée par la hausse des prix des hydrocarbures, qui ont connu une forte hausse estimée à 41,8% par rapport aux neuf premiers mois de 2017, ce qui a généré des recettes brutes de 28,7 milliards de dollars durant cette période. Cette baisse des exportations s'est caractérisée, en détail, par une baisse en volume de la plupart des produits dérivés des hydrocarbures, excepté pour le gaz naturel et le GNL.
Ainsi, de la période allant de janvier à fin juin 2018, les exportations du pétrole brut, ont enregistré un volume de 10,4 millions de tonnes contre 12,6 millions de tonnes pour la même période de 2017, avec une valeur de 5,6 milliards de dollars due essentiellement à la remontée des prix contre 5,0 milliards de dollars pour la même période 2017. Pour les produits raffinés, nous assistons à une baisse en volume avec 7,7 millions de tonnes au cours du premier semestre de 2018, contre 7,8 MT pour la même période de 2017. Mais avec une augmentation en valeur pour les mêmes raisons évoquées précédemment, passant de 3,3 milliards de dollars à 4,4 milliards.
Pour le condensat, nous avons une légère augmentation en volume passant de 2,0 millions de tonnes à 2,1 en comparant les deux semestres de 2018 et 2017. Avec une augmentation en valeur passant de 0,9 milliard de dollars à 1,2 milliard de dollars. En ce qui concerne le GPL, les exportations ont enregistré une baisse en volume passant de 3,6 millions de tonnes au premier semestre 2018, à 3,3 millions de tonnes pour la même période de 2017, avec une valeur passant de 1,4 à 1,6 milliard de dollars.
A contrario, les dirigeants de Sonatrach concèdent uniquement une baisse légère de la production du pétrole brut et des condensats traités par les raffineries « en raison du respect du quota exigé dans le cadre de l'accord de l'Opep » en renvoyant donc la balle aux accords internationaux conclus par l'Algérie. On sait cependant avec une relative certitude que la production du secteur est en baisse régulière depuis plus d'une décennie, la première diminution sensible ayant été enregistrée en 2008.
Depuis cette date des estimations d'experts évaluent la réduction cumulée de la production du secteur à plus de 20% avec une combinaison de facteurs tels que : le vieillissement des gisements, l'absence presque complète de découvertes commercialement exploitable au cours des dernières années , le retard dans la mise en exploitation des nouveaux gisements du Sud-Ouest dont la découverte remonte pourtant à 2006 et la renégociation des contrats gaziers en 2018 et 2019. Or selon le Ministère de l'Energie la majorité des contrats qui lient l'Algérie et l'Union européenne ont été signés de façon normale du fait que l'Algérie avait renouvelé ses contrats avec ses partenaires traditionnels et historiques que sont l'Italie et l'Espagne, que pour l'année 2018, avec un cap des 57 milliards de mètres cubes de gaz exportés vers l'Europe.
2- Une nécessaire nouvelle
 politique énergétique
Sonatrach assure directement (et indirectement avec les produits dérivés) 98 % des ressources en devises du pays, dont 33 % proviennent du GN et du GNL qui connaissent un cours très bas depuis quelques années. Cette situation est intenable dans le temps. La transition énergétique en Algérie doit être un choix stratégique, politique, militaire, et économique. Il est incontestable que les gisements fossilifères du pays commencent à se tarir alors que la consommation énergétique est en croissance importante : selon le rapport du CREG, les besoins en gaz de Sonelgaz pour la seule génération électrique, dépasseront les 60 milliards de mètres cubes à l'horizon 2030 et 100 milliards en 2040. Tout cela renvoie à la nécessité d'une nouvelle politique des subventions et d'une manière générale à une nouvelle politique énergétique, inscrite dans le cadre d'une nouvelle gouvernance globale. Depuis plusieurs années le cours du gaz naturel est totalement déconnecté du cours du pétrole, enregistrant une chute libre le marché - de 2,3 à 2,50 dollars le MBTU en moyenne en juillet 2019, contre 7 à 8 dollars il y a 5 à 7 ans.
À titre d'exemple, selon le bilan de Sonatrach, le prix d'unité MBTU- GNL en 2012 était de 10,50 dollars, de 10 en 2014, de 6,5 en 2015, de 4,3 en 2016, de 5,1 en 2017 et en 2018, 6,30 dollars le MBTU (GNL) et 5,8 pour le gaz naturel (GN) par canalisation, via respectivement le gazoduc Enrico-Mattei qui relie l'Algérie à l'Italie par la Tunisie, et le gazoduc Duran-Farell, qui relie l'Algérie à l'Espagne via le Maroc. Nous assistons à une abondance de l'offre de gaz d'origine étasunienne, à partir du gaz de schiste, et qui commence à exporter vers l'Europe. L'Iran, deuxième réservoir mondial gazeux (33 000 milliards de mètres cubes) et le Qatar troisième réservoir mondial (24 000 milliards de mètres cubes gazeux) se placent loin devant l'Algérie, avec 2 500 à 3 500 milliards de mètres cubes gazeux (données publiées souvent contradictoires pour le gaz naturel, mais 19 000 pour le gaz de schiste, troisième réserve mondiale). Et encore faut-il compter avec la grande canalisation Sibérie-Chine, la Russie étant le premier réservoir mondial, avec 47 000 milliards de mètres cubes gazeux.
Par ailleurs, la Russie et le Qatar ont investi dans de grands complexes de GLN, représentant trois à quatre fois les capacités algériennes et réduisant sensiblement les coûts, même si actuellement ils fonctionnent sous leur régime de croisière. Ainsi, qu'en sera-t-il demain de l'Algérie ? Pourra-t-elle exporter de façon rentable vers l'Asie si le prix final est inférieur à 10-12 dollars le MBTU ? Car pour exporter vers l'Asie, elle doit contourner toute la corniche de d'Afrique. Et du fait de ses capacités moyennes, la rentabilité en direction de l'Asie est loin d'être assurée, car outre le coût d'exploitation, il lui faut inclure dans le prix final le coût du transport, dont l'amortissement des méthaniers. En Afrique, l'Algérie doit tenir compte de nombreux producteurs continentaux, dont le Nigeria (5 100 milliards de mètres cubes gazeux de réserves) l'entrée en scène du Mozambique, surnommé parfois le « Qatar de l'Afrique », après la découverte de gigantesques gisements gaziers entre 2010 et 2013, estimés à 5 000 milliards de mètres cubes, soit les neuvièmes réserves du monde en gaz, et valorisées par des investissements américain et français prévus de 25 milliards de dollars.
Et n'oublions pas non plus les réserves non exploitées de 1 500 milliards de mètres cubes gazeux de la Libye. Aussi, évitons d'induire en erreur l'opinion publique comme l'ont fait certains soi-disant experts, comme d'autres ont induit le pays en erreur pour le montage de voitures et le financement non conventionnel (1). Pour l'Algérie, le marché naturel d'aujourd'hui, représentant la majorité de ses exportations de gaz, est l'Europe, comme en témoignent les nombreux accords actuels, notamment avec l'Espagne, l'Italie et le Portugal – en 2018, les exportations de gaz se sont élevées à 51,50 Gm3 dont 75 % par gazoduc et 25 % sous forme de GNL. Ainsi la première destination du gaz algérien reste le marché européen, essentiellement l'Italie (35 %), l'Espagne (31 %), la Turquie (8,4 %) et la France (7,8 %). Cette situation mono exportatrice a des incidences sur le niveau des réserves de change.
Les réserves de change sont en avril 2019 de 72,8 milliards de dollars, contre 178,9 en 2014 ; 114,1 milliards de dollars fin 2016 ; 97,3 milliards de dollars à la fin de 2017 et 79,8 milliards de dollars à la fin de 2018. La baisse sur les quatre premiers mois de 2019 a été de 7 milliards de dollars et au même rythme, elle s'élèvera à 21 milliards de dollars à la fin de 2019. Au cours d'un baril fluctuant entre 60-65 dollars, au rythme de la dépense actuelle, sans un taux de croissance dépassant 8 % à 9 %, nous aurons 58 milliards de dollars fin 2019, 37 en 2020, 16 en 2021 et la cessation de paiements vers août-septembre 2022, voire avant la fin du premier trimestre 2022. Le montant des réserves de change dépend essentiellement, à la hausse comme à la baisse, des recettes d'hydrocarbures – la réduction du déficit commercial en 2018 et les six premiers mois de 2019 étant due à 98 %-99 % aux recettes d'hydrocarbures, en hausse.
Or, les importations entre 2016 et 2018 sont évaluées autour de 45-46 milliards de dollars pour les biens, auxquels il faut ajouter les services qui fluctuent annuellement entre 10-11 milliards de dollars, et les transferts légaux de capitaux, soit des sorties de devises entre 58 et 60 milliards de dollars pour une entrée de devises – à un cours de 70 dollars – d'environ 38/39 milliards de dollars et pour un cours de 60 dollars, d'environ 30 milliards de dollars, ce qui accentue les tensions sur la balance des paiements. Sur le marché parallèle, la baisse de la cotation actuelle est transitoire pour des raisons politiques, l'écart avec le cours officiel étant d'environ 50 % à l'équilibre offre/demande. Sur le plan budgétaire, en cas de non -recours au financement non conventionnel, s'offrent trois solutions : une plus grande rigueur budgétaire avec la lutte contre le fléau de la corruption, l'endettement extérieur ciblé et le dérapage du dinar par rapport au dollar et à l'euro qui permet d'augmenter artificiellement la fiscalité hydrocarbures et la fiscalité ordinaire, cette dernière accentuant l'inflation étant supportée par le consommateur final comme un impôt indirect.
(A suivre)
Dr Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités, expert international


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