Dans le cadre d'une hypothèse optimiste, la reprise en 2021 ne sera que partielle, car le taux de croissance se calcule par rapport à la période précédente, un taux de croissance positif en 2021 par rapport à un taux de croissance négatif en 2020 donnera en termes réels un taux de croissance faible (voir notre interview à France 24 et à l'American Herald Tribune le 23 avril 2020). Car le choc de 2020 dû au coronavirus aura des effets durables sur l'économie du monde, le commerce international s'étant effondré : le FMI prévoyant une baisse de 11% du volume d'échange de biens et services en 2020 et la la Banque mondiale dans son rapport du 8 juin 2020, prévoit une contraction de 5,2% du PIB mondial en 2020, avec des ondes de choc pour 2021. L'Algérie fortement connectée à l'économie mondiale via la rente des hydrocarbures, selon la Banque mondiale aurait un taux de croissance négatif de moins 6,4% très loin des prévisions officielles. Première partie Les perspectives de l'économie mondiale A court terme 2020/2021, les gouvernants se trouvent confrontés à trois dilemmes. Le premier scénario est de continuer le confinement quitte à étouffer la machine économique avec les risques neuro psychologiques et surtout le risque d'exploitations sociales pour ceux qui n'ont pas de revenus et de protection sociale. Surtout dans des pays où domine la sphère informelle. Le second scénario est le dé-confinement total avec le risque d'un désastre sanitaire avec des millions de morts, qu'aucun Etat et système sanitaire ne pourraient supporter avec le risque d'une déstabilisation politique de bon nombre de pays qui n'ont pas d'assises populaire. La solution médiane est un dé-confinement progressif maîtrisée conciliant l'aspect sanitaire, économique et psycho-sociologique supposant une responsabilité collective. La Banque mondiale souligne que la contraction du PIB mondial par habitant sera d'une ampleur inédite depuis 1945-1946. Compte tenu des incertitudes accrues, particulièrement en ce qui concerne l'évolution du virus et la destruction de capacités industrielles, on ne peut pas exclure de nouvelles révisions à la baisse. De toute manière, le grippage des chaînes d'approvisionnement mondiales dû à la pandémie forcera les gouvernements à tout repenser et la politique économique qui sera sans doute ajustée si ce n'est complètement remaniée pour encourager un rapatriement de productions critiques. Cela concernera notamment les équipements sanitaires et de produits pharmaceutiques, avec des mesures protectionnismes et le resserrement des conditions financières, sous réserve qu'il n'y ait pas une deuxième vague d'infections qui forcerait les gouvernements à envisager de réinstaurer le confinement avec un impact désastreux sur le marché du travail. La Banque mondiale estime ainsi qu'entre 70 et 100 millions de personnes pourraient basculer dans l'extrême pauvreté, effaçant ainsi les progrès réalisés les trois dernières années dans la lutte contre la pauvreté. Avant cette crise sanitaire, l'institution tablait sur une nouvelle baisse en 2020 de la proportion de la population mondiale vivant avec moins de 1,90 dollar par jour. Dans cette perspective la Banque mondiale a prévu qu'en cas de seconde vague de la pandémie ou si les autorités étaient contraintes de reprendre des mesures de confinement, le PIB mondial pourrait alors se contracter de 8%. Enfin, quand bien même, la reprise avec un taux de croissance de 4,2% en 2021, il se matérialisait, «dans de nombreux pays, par de profondes récessions provoquées par la Covid-19 qui devraient peser sur la capacité de croissance pour les années à venir». Alors que dans sa précédente prévision, en avril 2020, la Banque mondiale ne prévoyait qu'un recul de 3,0% de l'économie globale en 2020, pour les économies avancées, la contraction sera de 7,0% en 2020, -6,1% aux Etats-Unis d'Amérique au Japon- 6,8% et -9,1% dans la zone euro avant une reprise de 3,9% en 2021. Le PIB global des économies émergentes devrait reculer lui de 2,5%. La Chine devrait préserver 1,0% de croissance sur l'année tandis que les économies indienne et brésilienne devraient chuter respectivement de 3,2% et de 8,0%. Sans compter que la crise dans des économies largement informelles sera plus difficile à combattre, faute de moyens budgétaires suffisants et à cause d'une faible capacité administrative pour distribuer l'aide comme les indemnités de chômage. Dans une note publiée début juin 2020, le FMI a calculé que les dépenses budgétaires pour faire face à la crise représentaient 1,4% du PIB dans les pays à bas revenus, 2,8% chez les émergents et 8,6% dans les économies avancées, ces dernières ayant la capacité de s'endetter, contrairement aux autres. Or, dans quatre pays pauvres et émergents sur dix, la dette publique a augmenté d'au moins 20% depuis 2007. Malgré cela, nous assistons avec la crise à un endettement des Etats et les difficultés financières des sociétés qui prévoient des plans des licenciements massifs, les seuls société à s'en sortir étant ceux étant orientés vers les nouvelles technologies. Par exemple, en France, l'endettement approchait déjà le seuil symbolique de 100% du PIB en 2018 et Bercy table pour 2020 sur un gonflement de la dette publique à près de 121% du PIB contre 115% prévu. Plusieurs économies parmi les plus développées présentent un ratio de dette publique égal ou supérieur à 100% du PIB, le Japon plus de 237% du PIB, l'Allemagne constituant une exception. Dans cette crise, le pays qui dépense le plus pour maintenir son économie à flot face à la pandémie est les Etats-Unis, le plan de soutien américain dépassant les 2 000 milliards de dollars, soit presque 10% du PIB, l'Allemagne à 4,4%, la France 4,1% du PIB, l'Italie et l'Espagne 1,4% du PIB seulement, pour une moyenne de la zone euro de 3% du PIB (données d'avril/mai 2020). Comme le note plusieurs analystes dans le Finantial Times, le Monde.fr et les Echos.fr de juin 2020, reste, quelle que soit la façon dont les Etats s'attaqueront à cette montagne de 66 000 milliards de dollars (61 000 milliards d'euros) de dette − effacement partiel, intervention des Banques centrales, cocktail de croissance et d'inflation −, celle-ci risque de peser longtemps sur les politiques publiques et le paysage politique. Cela a comme impact un ralentissement des flux d'investissements vers les pays en voie de développement, et selon le FMI, les capitaux étrangers sont progressivement de retour vers des pays développés devant assister à des relocalisations par grandes zones. Ces perspectives sont d'autant plus alarmantes que la crise risque de laisser des séquelles durables et de donner lieu à des difficultés planétaires majeures, selon Ceyla Pazarbasioglu, vice-présidente du Groupe de la Banque mondiale pour le pôle Croissance équitable, finance et institutions, la fermeture des écoles et les difficultés accrues d'accès aux soins de santé primaires ayant des effets durables sur le développement du capital humain. Le rapport analyse en détail la récession pour certaines régions. Ainsi, pour l'Amérique latine et Caraïbes, nous avons une contraction de 7,2% de l'activité économique régionale en 2020. L'économie brésilienne devrait se contracter de 8%, le Mexique, de 7,5%, l'Argentine, de 7,3% en 2020, le Chili -6,8%, la Colombie -8,5%, l'Uruguay -6,2% et d'une manière générale l'Amérique centrale devrait connaître un ralentissement économique de 3,6% en 2020 et dans les Caraïbes, l'activité économique devrait se contracter de 1,8%. Pour l'Asie de l'Est et Pacifique, la croissance devrait chuter à 0,5 %, pour 2020, l'Europe et Asie centrale de 4,7 % et pour l'Asie de l'Est et Pacifique à 0,5 %. Ainsi pour certains pays de ces régions qui tirent la croissance de l'économie mondiale, nous avons : la Chine un taux de croissance positif de 1,0% taux faible depuis, l'empire du milieu ayant besoin d'un taux de croissance de 9/10% pour atténuer les tensions sociales, idem pour l'Inde dont leur population, dépasse le milliard d'habitants l'Inde – 3,2%, qui irrigue l'économie mondiale notamment dans l'informatique, l'Indonésie 0,0%, les Philippines -1,9%, le Pakistan -2,6%, la Malaysie -3,1%, la Mongolie -0,5%, la Thaïlande -5,0%, le Bangladesh positif 1,6%, le Vietnam taux positif de 2,8%, Le Sir Lanka -3,2%, Russie -7,6%, Hongrie -5%, Bulgarie -6,2%, Roumanie -5,7%, Turquie -6,8%, l'Ukraine -7,2%, Kazakhstan -6,7% et la Pologne -4,2%. Pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, l'activité économique devrait se contracter de 4,2% sous l'effet de la pandémie et de l'évolution du marché du pétrole, contre une prévision de 2,4 % dans l'édition de janvier 2020. Les pays exportateurs de pétrole avec les risques de conflit élevés dans la région, des problèmes politiques pourraient perturber les programmes de réformes, étant donc les plus pénalisés par l'effondrement des prix du pétrole et l'affaiblissement des importations des économies avancées et des grands pays émergents. La Banque mondiale estime pour ces pays une contraction d'activité de 5% contre une croissance de 2% annoncée dans les prévisions de janvier : l'Iran -5,3% (cette année), dans les pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) – 4,1%. L'Algérie – 6,4% loin des prévisions de la loi de finances complémentaire 2020, et l'Iraq 9,7% , le Maroc -4%, la Tunisie 4%, l'Arabie Saoudite -3,8% l'Egypte moins 3,0%, Emiraties, -4,5%, Koweït -5,4%, Bahreïn -4,5%, Qatar -3,5%. Quant à l'Afrique subsaharienne l'activité économique de la région devrait se contracter de 2,8% en 2020, repli le plus fort jamais enregistré, la croissance pouvant reprendre en 2021 de 3,1% si la pandémie recule au deuxième semestre de cette année. L'économie nigériane devrait se contracter de 3,2% en 2020, l'Angola -5,2% , l'Afrique du Sud une baisse de 7,1% – la contraction la plus forte depuis un siècle. Pour d'autre pays d'Afrique dont le continent avait connu une forte croissance nous avons pour 2020, le Benin -5,5% contre 6,9% pour 2019, pour la même période 2020/2019, le Burkina-Faso 2,0% contre 5,7%, le Niger 1,0% contre 6,3%, l'Ethiopie 3,2% contre 9,0%, le Togo 1,0% contre 5,3% le Mali 0,9% contre 5,1% en 2019, l'Angola -4,0% contre -0,9%, la Côte d'Ivoire 2,7% contre 6,9%, le Cameroun -2,2% contre 3,9%, le Gabon -3,2% contre 3,3%, le Kenya 1,5% contre 5,4%, le Tchad -0,2% contre 3,2% et la Mauritanie incluse dans cette rubrique régionale -0,2% contre 6,3%. Le PIB des pays exportateurs de matières premières industrielles en Afrique devrait diminuer en 2020 avec des effets dévastateurs sur la santé et le bien-être de ses habitants, accroissant la vulnérabilité de la région au surendettement avec la nécessité d'emprunter pour financer des déficits budgétaires plus importants, le manque de ressources publiques pourrait entraîner une réduction des services publics essentiels pendant la pandémie et réduire encore l'activité économique. D'où dans l'urgence, de nombreux pays ont mis en place ou élargi les dispositifs de chômage et les aides sociales, certains économistes et politiques préconisant un revenu minimum universel. C'est que la crise actuelle de 2020 a montré toute la vulnérabilité des économies mondiales face à des chocs externes imprévisibles, surtout des pays reposant sur une ressource éphémère dont le prix dépend de facteurs exogènes échappant aux décisions internes. Cette situation sanitaire ayant un impact sur l'Economique a conduit à une situation sociale complexe aves l'accroissement des inégalités et du chômage. Les estimations de l'OIT indiquent une hausse significative du chômage et du sous-emploi dans le sillage du virus où sur les 7 milliards d'habitants pour les pays en voie de développement, Amérique latine, Asie, Afrique, entre 50/80% de l'emploi est dans la sphère informelle sans protection sociale étant avec le confinement une véritable bombe sociale (Abderrahmane Mebtoul). «Le poids de la sphère informelle au Maghreb (Institut Français des Relations Internationales IFRI décembre 2013). Sur la base de différents scénarios relatifs à l'impact du Covid-19 sur la croissance du PIB mondial les estimations préliminaires de l'OIT montrent une augmentation du chômage mondial variant de 5,3 millions (scénario «optimiste») à 24,7 millions (scénario «pessimiste») à partir d'un niveau de référence de 188 millions en 2019. (A suivre) Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul