Le lundi 15 septembre 2008 a eu lieu le vernissage de «Terre promise», une installation métaphorique de l'artiste plasticien Omar Meziani qui aborde le mystère de la femme, thématique éternelle qui ne cesse de traverser les questionnements qu'on retrouve dans tous les champs de l'activité intellectuelle universelle. Désirable, désirée, désirante, ange ou démon, Aphrodite, Iphigénie, Pénélope ou Cléopâtre, sphinge, amazone ou sirène, odalisque orientale ou habitante de bout de nulle part, elle est «vénérée comme une déesse envoûtante par ses traits» comme le précise si bien le dépliant d'accompagnement qui poursuit : «Aimée ou adulée, elle devient objet des désirs du corps et de l'âme. Elle devient l'objet à posséder. Objet de tractations qui s'offre en échange de clauses informelles. Elle est butin de guerre et matrice expansionniste. Elle est la terre promise fertile, elle est la terre aride, terre brûlée. Quel que soit notre regard sur la femme, nous trouverons toujours une justification à nos actes». Omar Méziani, un artiste multimédia Omar Méziani, enseignant à Alger, a mené de nombreuses activités artistiques qui lui ont permis d'acquérir une solide expérience de plasticien : commissariat d'expositions en Europe, résidences à l'étranger notamment en France. Il s'apprête à conduire un ambitieux projet artistique à travers plusieurs pays d'Afrique, une Afrique dont il est un globe-trotter assidu depuis plus d'une dizaine d'années. Plasticien chevronné et poète à ses heures, il a initié, en 2007, toujours au même CCF d'Alger, un événement culturel multimédia, avec la participation des étudiants de l'Ecole supérieure des beaux-arts d'Alger, dans le cadre du «Printemps des poètes». Adossé à un riche vécu professionnel, il ne cesse de s'atteler à la poursuite de recherches et d'expériences artistiques polymorphes dont il nous livre régulièrement quelques-unes des multiples facettes. Travailleur impénitent, il nous réserve à chaque occasion des découvertes, des rencontres avec un langage séduisant et patiemment bonifié avec le temps. De l'esthétique relationnelle L'installation qui nous accueille occupe la salle d'exposition en entier. Elle tire le meilleur parti des lieux et laisse le loisir aux visiteurs de s'adonner à une agréable flânerie. Sept tableaux constituent ce montage. Ils représentent des silhouettes tronquées de corps féminins et de mains baladeuses judicieusement imprimées sur des carrés de voile de lin de trois mètres sur trois, suspendus à des tringles fixées au plafond et laissant des espaces de déambulation qui invitent à une immersion des visiteurs dans l'œuvre. Une façon personnelle pour Méziani de revisiter les fameux «pénétrables» qui ont fait la célébrité du plasticien vénézuélien contemporain, Jesus Raphael Soto, et qui ne sont rien d'autres que des «environnements/forêts» de tiges de nylon ou de métal peint à l'intérieur desquels les visiteurs peuvent évoluer donnant corps à l'exigence de l'artiste de prôner la «participation du spectateur, du dedans et non en face». Une installation de «l'esthétique relationnelle» qui semble être un violon d'Ingres pratiqué avec bonheur par Méziani. Les pans de voile blanc immaculés se prêtent par leur légèreté, d'une manière harmonieuse à une combinatoire scénographique judicieuse avec les graphismes hiératiques frontaux qui les investissent. Leur transparence éthérée et leur dépouillement donnent une grande limpidité à l'œuvre et un surcroît de théâtralité. De flamboyance. La valorisation de l'aspect esthétique des tableaux qui rythment la volumétrie spatiale, la navigation entre les oppositions apparentes intérieur/extérieur, matériel/immatériel, consistant/ inconsistant, palpable/impalpable, transparence/opacité, donne à la voilure un mouvement subreptice qui scande la lumière admirablement dispensée par des projecteurs bien ajustés. La musicalité qui émane de cette voilure exprime l'élan, le mouvement, la tension que suscite le mystère de la femme depuis la nuit des temps. Sujet en continuelle évanescence comme pour en marquer l'intemporalité. La qualité de la scénographie, spectaculaire et chaleureuse, la justesse de l'éclairage, la transparence des supports, la pertinence de la graphie qui revisite le langage pictural pariétal tassilien, l'expressivité des corps féminins et des mains qui les traversent semblent esquisser une lévitation chorégraphique pleine de volupté. Elles font de cet environnement minimalisant un exercice esthétique d'une grande subtilité et d'une facture judicieusement maîtrisée. Le professionnalisme ne ment jamais notamment quand il vient d'un artiste qui sait rester humble même dans les moments d'excellence comme c'est ici e cas, en «Terre promise», une œuvre d'une puissance visuelle surprenante de cohésion. Une création infusée de savoir-faire, de pertinence. De justesse. Dégageant l'aura qui distingue, par sa nécessité, l'œuvre d'art. Elégance et suavité Les épousailles chorégraphiées entre les corps féminins tronqués et les mains préhensiles animent les supports d'une dynamique qui confère à l'œuvre le caractère d'une subreptice réification transcendée en gestuelle traversée de rehauts imprimants à l'ensemble une dose de pudique sensualité. L'orchestration des qualités esthétiques des tableaux et des sujets qui les traversent donne à cette installation une élégance feutrée d'une subtile suavité. La réception réservée à l'œuvre par les nombreux visiteurs qui s'y engouffraient dès l'«accostage» indique la grande lisibilité qui la caractérise et illustre de manière spectaculaire la notion d'esthétique relationnelle bien perçue dans un mélange évident de bienveillante curiosité de la part de certains regardeurs quelque peu surpris. Avec «Terre promise», nous tenons un bon millésime que Méziani nous sort de son athanor de magicien. Pour le grand plaisir de tous. Le thème éternel de la femme et de son mystère lui a offert l'occasion de nous concocter l'acmé d'un langage artistique imbibé de poésie pur sucre qui n'a pas manqué de combler l'insatiable appétence de nouveautés et d'émotions du public algérois. L'art, même s'il véhicule de la matière réflexive, est avant tout un acte esthétique qui, par-delà le contenu quelle qu'en soit la nature, revêt une importance primordiale quant à son rendu visuel. Ce qui a été illustré de manière fulgurante par Méziani qui vient de cingler le paysage artistique algérien d'une bouffée de modernité. De fraîcheur contemporaine. A respirer sans modération.