Kheireddine, dit Barberousse, grand amiral de l'Empire ottoman mais d'origine albanaise, était le frère cadet d'Aroudj. Il est né, en septembre 1466, dans l'île de Lesbos (ou Mytilène) et mort le 4 juillet 1546. A cette époque, seul le fameux marin gênois, Andréa Doria (1466-1560), pouvait rivaliser avec lui, et tous deux sont considérés parmi les plus grands marins de leur temps. Une jeunesse consacrée au service de l'Islam Le père des frères Barberousse s'appelait Yacoub Raïs, et était potier à Mytilène où il avait élevé ses quatre fils : Aroudj, Elias, Ishaq et Kheireddine. Elias mourut jeune, les deux derniers étaient comme leur géniteur, des potiers et Aroudj marin sur des navires turcs. A la mort de leur père, Kheireddine et Ishaq rejoindront leur frère Aroudj dans la marine musulmane. Sous le commandement de leur aîné, ils embarqueront les musulmans et les juifs chassés d'Espagne, où fuyant la pression de l'Inquisition espagnole et les conversions de force décrétées par la reine Isabelle la Catholique et son mari, Ferdinand, en 1492, de l'Andalousie vers les contrées musulmanes sous l'impulsion du sultan ottoman. Car, entre-temps, les Rois Catholiques avaient repris l'Andalousie, en s'emparant du dernier royaume musulman de Grenade. Le sauvetage des musulmans confèrera aux frères Barberousse un grand prestige auprès de leurs corréligionnaires et ce fut, à cette période-là, qu'ils acquirent ce surnom qui leur restera collé toute leur vie. Les trois frères vont sillonner la mer Méditerranée, à la tête d'une petite armée de 2 000 janissaires, s'adonnant à la lutte contre les navires chrétiens avec, pour ports d'attache, Tunis, Djerba et Djidjel. Arrivée des frères Barberousse en Algérie (1512) En 1512, l'émir berbère de Béjaïa les appella à l'aide car il voulait récupérer la ville dont l'ont chassé les Espagnols. Quatre ans plus tard, c'est au tour des habitants d'Alger d'appeler à l'aide les frères Barberousse. Ils s'inquiètaient beaucoup de la menace représentée par la forteresse construite, juste en face de la ville, par les Espagnols et appelée le Peñon. A Alger, Aroudj devint le gouverneur de la cité et son frère, Kheireddine, s'était vu confier le commandement de la ville durant son absence quand il allait à la conquête de l'Ouest algérien, guerroyant contre les Ziyanides et les Espagnols. A la mort de son frère, en 1518, à Rio Salado, Kheireddine fut proclamé gouverneur d'Alger par les marins et les soldats. Craignant une attaque des Espagnols, il eut l'idée de s'allier à la Sublime Porte. Il fit allégeance au sultan Selim Ier (1460-1520), qui lui envoya une troupe de janissaires munie d'artillerie ainsi que 4 000 volontaires. En fondant cet État, Barberousse avait songé à créer une solide base d'opérations pour la lutte engagée à cette époque entre la Turquie musulmane et l'Europe chrétienne. Il n'éprouva aucune difficulté à se faire reconnaître comme chef de ce nouvel État mais, craignant que les chrétiens, enhardis, n'entreprissent une autre expédition contre Alger, il s'adressa au sultan d'Istanbul (Constantinople), lui demandant protection et promettant, en retour, de lui payer tribut. Soliman le Magnifique accepta l'hommage qui lui était fait du nouvel État et accorda aux janissaires de cette ville les mêmes droits et privilèges que possédaient les janissaires de la Porte. Il envoyait de temps à autre à son nouveau vassal des renforts supplémentaires et grâce à cet appui, et au concours qu'il sut se faire prêter par les Algériens, Kheireddine, rassuré, mit tous ses efforts à donner une vive impulsion au développement de la lutte maritime contre les flottes européennes. Il s'empara, ensuite, des territoires intérieurs et occupa des villes comme Collo, Constantine et Annaba et, ayant alors étendu son autorité sur la majeure partie du littoral algérien, il consacra tous ses soins à l'administration du pays et à organiser de grandes expéditions maritimes, à partir de l'année 1520, accroissant sa flotte, son armée et les richesses déjà considérables.. Lutte inlassable contre les Européens Mais, bien avant cela, il dut faire face à un nouvel assaut espagnol. En effet, en août 1518, Hugo de Moncade, Chevalier de Malte, sur ordre de l'empereur Charles-Quint, se présenta devant Alger avec une cinquantaine de vaisseaux et plus de 5 000 hommes. Il fut défait sévèrement et ne dut son salut qu'à la fuite avec quelques rescapés. Barberousse aura un adversaire local en la personne de Ben el Kadi, le roi de Kouko, et lui cédera Alger momentanément pour se replier à Djidjel. Il revint à sa carrière de moudjahid de la mer durant cinq années (1520-1525). Enfin, il reprit Alger où la forteresse espagnole du Peñon menaçait toujours la ville. En 1529, Barberousse entreprit son siège. Après deux semaines d'intensifs bombardements d'artillerie, les Algériens prirent le fort d'assaut, par mer et de nuit. Son commandant se rendit avec ses hommes et tous ceux qui y habitaient. Barberousse fit raser la forteresse et employa les pierres pour la construction d'un môle, de 200 m de long et 25 m de large, reliant les îlots à la cité, créant, ainsi, le port d'Alger, et la flotte en fit son refuge habituel dans cette partie de la Méditerranée. En 1531, l'amiral gênois, Andréa Doria, au service de l'Espagne, se fit fort de le vaincre à Cherchell. Il subit une défaite historique. 400 Espagnols furent tués. Barberousse poursuivit la flotte espagnole en déroute et ravagea, au passage, les côtes italiennes et la Provence. En 1533, convoqué à Constantinople par Soliman le Magnifique (1494-1566), il fut nommé Grand amiral de la flotte ottomane par le sultan qui l'investit des titres de pacha et de beylerbey. Alger, maintenant, devint une province ottomane et le restera, mais avec une grande autonomie de manœuvre. C'est investi du titre de beylerbey que Kheireddine préparera la campagne contre Tunis, cherchant à punir le sultan hafside et à annexer ses territoires pour le compte de la Sublime Porte. Il l'attaqua et profita des dissensions des Hafsides pour s'emparer de Bizerte et entrer dans Tunis (août 1534). Il proclama la déchéance des princes hafsides et installa une garnison militaire à Kairouan. Les Espagnols, inquiets de ces succès, furent appelés par le sultan hafside détrôné, Abou Abd Allah Mohamed al-Hasan. Charles-Quint prit lui-même la tête d'une expédition de 412 bâtiments et de 27 000 hommes. Il reprit La Goulette (Halq al-Wadi), port de Tunis (juillet 1535) puis, Tunis elle-même, avec l'aide des habitants. Les agresseurs espagnols massacreront le tiers de la population de la ville, pendant trois jours, et de façon impitoyable. Ils reprirent la plupart des villes de cette province. Le roi de France de l'époque, François 1er, qui s'accrochait à son rêve de conquérir l'Italie et de l'arracher à son ennemi ibérique, voulait pour cela abattre Charles-Quint. Il négocia une alliance avec le sultan Soliman II le Magnifique puis, fit appel aux services de Kheireddine, tout en lui remettant la ville de Toulon comme gages d'amitié. Après cela, il mouillera, une dernière fois, à Alger qu'il quittera définitivement pour poursuivre, pour la gloire de l'Empire ottoman, sa carrière en Méditerranée orientale. Honoré par le sultan à Istanbul A Istanbul, Barberousse s'attelera à réorganiser la flotte ottomane, et pour cela on peut le considérer comme le père de la marine ottomane qui devint l'une des premières puissances navales d'alors. Il placera le prestige maritime de l'empire sur un piédestal jamais égalé. D'autre part, il eut à diriger quatre grandes campagnes militaires contre les puissances occidentales. C'est ainsi qu'en 1537, il razzia la côte italienne et l'année d'après la guerre fut déclarée entre le sultan et les Vénitiens, alliés au pape Paul III et à Charles-Quint. En 1538, se constitua une ligue (les Etats italiens et l'empire de Charles-Quint) qui réunit une armada formidable, sous le commandement d' Andréa Doria, qui se porta au devant de Barberousse à la bataille de Prévéza. Ce fut la plus grande bataille navale, jamais remportée par la flotte turque, grâce au talent de ses marins et au génie de Kheireddine Barberousse, notamment. Cette victoire força les coalisés à demander la paix, et l'amiral rentra à Constantinople pour se reposer. Sa dernière campagne eut lieu en 1543, quand Barberousse sortit, pour la quatrième fois, avec cent galères saccageant la Calabre et assiégeant Nice. De retour à Constantinople, sur son chemin, il attaqua l'île d'Elbe. Rentré définitivement à Istanbul, il vécut encore trois années durant lesquelles il fit bâtir une mosquée dans la ville où il décéda le mois de juillet 1546, à l'âge de 80 ans.