Le phénomène de la contrebande ne semble épargner aucun produit. De jour en jour, on assiste à l'avènement de nouvelles marchandises sur le marché noir en provenance des pays voisins. Durant les neuf premiers mois de l'année en cours, les unités des gardes-frontières de l'Est ont procédé à la saisie de près de 2 400 boîtes de différents médicaments en provenance de Tunisie. La marchandise saisie démontre clairement qu'il ne s'agit pas de médicaments faisant défaut sur le marché national mais de marques spécifiques qui reviennent dans chaque affaire traitée par les services de sécurité, ce qui excite davantage notre curiosité sur l'intérêt qu'accordent les contrebandiers à ces substances. Voulant avoir plus de détails, nous nous sommes rapprochés du commandant Farid Mokhtari, commandant du 14e GGF d'El-Aouinet à Tebessa, où la majorité de la marchandise en question a été saisie. Le représentant de la Gendarmerie nationale nous a fait savoir, sans pour autant donner de détails, qu'il s'agit particulièrement d'injections, de gélules et de comprimés utilisés pour le traitement du cancer du sein, de la stérilité et dans les cas d'accouchements difficiles. La pénurie de ces médicaments dans nos hôpitaux et pharmacies, et sa large disponibilité chez nos voisins semble donner de nouvelles idées aux contrebandiers de l'Est qui sont, également, spécialisés dans le carburant, le cheptel, le chiffon et les produits alimentaires. C'est au tour, donc, à de nouveaux produits plus juteux de prendre place dans la liste du trafic illicite, même si l'argent gagné dans la contrebande de carburant est énorme, mais qu'on le veuille ou pas, la cupidité des malfaiteurs ne semble pas connaître de limites. Les médicaments venant clandestinement de Tunisie sont vendus à des pharmacies, des cliniques privées et même à des particuliers spécialisés dans ce trafic. Le produit médical utilisé pour la provocation des accouchements compliqués, et qui n'existe pas sur le marché national, devient une marchandise très prisée par les contrebandiers qui n'ont pas de mal à trouver de clientèle acceptant de le prendre à des prix excessifs, puisqu'il peut éviter de graves problèmes. En effet, les comprimés sensés aider la femme à accoucher sans complication, sont, malheureusement, détournés de leur vocation pour devenir un moyen efficace pour interrompre une grossesse et provoquer un avortement, bien que cet acte soit puni par la loi. Selon nos investigations et différents témoignages, les premiers clients sont généralement des pharmaciens ou des gynécologues qui interviennent clandestinement dans des opérations d'avortement. Certains de ces indélicats médecins tombent parfois dans le piège de la cupidité et le gain facile en oubliant la noblesse de leur métier. Il y a eu des arrestations ces dernières années de ce genre de personnes, qui perdent à la fois leur liberté et leur carrière professionnelle. Par ailleurs, les autres clients sont des femmes et des jeunes filles qui optent pour l'utilisation du médicament pour avorter seules. Ce qui est à relever, également, que même si ce médicament est vendu très cher par les contrebandiers aux premiers clients, il arrive encore plus cher à la personne concernée qui payera n'importe quel prix pour se débarrasser de sa grossesse. Les informations que nous avons pu avoir, à cette heure, indiquent que le prix d'un seul comprimé de ce médicament varie entre 4 000 et 5 000 DA et que chaque opération d'avortement nécessite deux à trois comprimés.